MONTRÉAL - Jusqu'à ce qu'il marque son troisième but du match, il n'y avait pas eu d'explosion de joie comme lorsqu'il a marqué son fameux but contre les Bruins de Boston, pendant les séries de 1979. Ni de moment magique comme le doublé qu'il avait réussi dans l'uniforme des Rangers à son grand retour au Forum. Et il n'y avait pas eu de manifestation spontanée comme la longue ovation accordée à Maurice Richard lors de la fermeture du temple du hockey montréalais.

Mais Guy Lafleur s'est chargé de changer cela avec un dernier coup d'éclat typique du Démon blond, à l'occasion de son match d'adieu au Centre Bell.

Quand il a marqué son troisième but de l'après-midi, dimanche vers la fin de la troisième période de l'affrontement entre les Anciens Canadiens et les ex-étoiles de la LNH, il a couronné son dernier match des vétérans devant ses partisans montréalais de la façon la plus parfaite qui soit: il a marqué le dernier filet dans un gain de 15-8 du Tricolore.

"Aujourd'hui, ce qui me préoccupait le plus, c'était d'avoir un petit peu de jambes et donner un beau spectacle, a reconnu Lafleur après la rencontre. Je voulais au moins faire un but, c'est tout ce que je demandais. Disons que le dernier but, on ne le racontera pas dans mon nouveau livre, si jamais il devait y en avoir un autre... Mais pour moi, ç'a été vraiment spécial comme journée.

"Les quatre derniers jours, plus je pensais au match, plus j'avais mal partout, a ajouté l'homme de 59 ans. J'espérais juste que je n'aurais mal nulle part la journée du match. Ç'a été le cas, je pense!"

Pendant la rencontre, les "Guy! Guy! Guy!" s'étaient faits rares et timides. Comme si les amateurs, au cours de cette journée de retrouvailles organisée par Evenko, hésitaient à faire les premières avances. Mais le Démon blond s'est chargé de briser la glace avec son troisième but de l'après-midi.

Quand Lafleur a complété son tour du chapeau d'un tir sec depuis l'enclave, la foule a explosé. Elle est y allée de ses premiers "Guy! Guy! Guy!" bien sentis. L'ovation qui a suivi la célébration de son but a été longue, spontanée, sincère. Et émotive.

Il n'en fallait pas plus pour que les officiels décident de mettre fin au match même s'il restait un peu moins de cinq minutes au cadran. C'était sans doute là la décision la plus sage dans la carrière d'arbitre de Ron Fournier et de Kerry Fraser.

Même avant, toutefois, tout le monde s'est amusé ferme. À commencer par l'invité d'honneur lui-même, qui a semblé apprécier et savourer cette gigantesque manifestation d'affectation à son endroit, ponctuée de la présence de plus de 15 835 spectateurs et de messages d'hommage de la part des Jean Béliveau, Yvan Cournoyer et Henri Richard à l'écran géant.

"J'avais de la misère (à retenir mes larmes), mais je pense avoir fait une bonne job!", a lancé Lafleur, qui a récolté 560 buts et 1353 points au cours de sa carrière dans la LNH.

Lafleur aurait pu réaliser un double tour du chapeau, ou même plus, lui qui s'est retrouvé souvent fin seul dans l'enclave avec Billy Smith. L'ancien gardien des Islanders de New York était toutefois en pleine forme malgré ses 60 ans bien sonnés.

"C'était tout un match, a reconnu Smith. Je suis encore capable, je dispute encore 20 à 30 matchs par hiver chez les vétérans. Mais il faut dire que (les Anciens Canadiens) avaient un petit avantage: ils avaient des joueurs de moins de 45 ans et moins, et nous des joueurs... d'un peu plus de 45 ans!"

Deux autres joueurs en uniforme tricolore, pas nécessairement blond ni démon, soit Donald Audette et Gilbert Delorme, ont marqué trois et deux filets, respectivement. Ce dernier a aussi enregistré trois aides.

Chris Nilan (un but et trois aides), Karl Dykhuis (un but, cinq aides) et Normand Dupont (un but et deux aides) ont rendu hommage à Flower à leur façon en remplissant la feuille de pointage, tandis que les "jeunots" Patrice Brisebois, Claude Lemieux, Stéphane Quintal et Stéphane Richer ont aussi trouvé le fond du filet.

Pat Lafontaine, trois fois - dont le dernier sur un lancer de punition... à trois joueurs - Peter Stastny, Gilbert Perreault, Darryl Sittler, Glen Anderson et Luc Robitaille ont marqué pour l'équipe des étoiles de la LNH. Chaque filet des visiteurs était souligné par la musique "à gogo" qu'on entendait dans les années 1980, quand un but était marqué à domicile par... les Whalers de Hartford.

Robitaille et Marcel Dionne ont chacun amassé trois aides.

L'équipe des étoiles était entièrement composée pour l'occasion de membres du Temple de la renommée du hockey - si on fait exception d'Enrico Ciccone et Gaston Gingras, "prêtés" aux distingués et vénérables membres du Panthéon en l'absence de Bryan Trottier et Rod Langway.

"C'était vraiment quelque chose de spécial pour moi de voir tous ces joueurs-là participer à cet événement, ça rend le match plus spécial, a commenté Lafleur. Je vais m'en souvenir tout ma vie... même s'il ne m'en reste pas long!"

Au grand total, l'équipe des étoiles, à qui on avait aussi prêté Steve Shutt, totalisait plus de 6000 buts et 15 000 points "d'expérience" dans la Ligue nationale. De quoi rendre nerveux les gardiens tricolores Richard Sévigny et Éric Fichaud. Les jambes des Brad Park et compagnie avaient beau être plus chambranlantes qu'à la belle époque, leur sens du hockey était toujours aussi vif.

Il reste deux matchs à la tournée d'adieu du Démon blond, soit le 12 décembre à Thurso et le 27 février à Québec.

"Le match à Thurso va être particulièrement spécial, d'autant plus que l'aréna a juste 350 places, a dit Lafleur de la rencontre qui aura lieu dimanche prochain dans sa ville d'origine. Ils vont mettre un chapiteau, mais ça va être vraiment spécial de jouer à l'endroit où j'ai commencé à l'âge de 6-7 ans."