Dans quelques années, on se souviendra peut-être des séries éliminatoires actuelles comme du moment précis où les Flyers de Philadelphie sont devenus l'équipe de Claude Giroux.

Giroux a sans contredit été la grande vedette de la série que son équipe vient de remporter aux dépens des Penguins de Pittsburgh. Daniel Brière et lui ont complètement éclipsé Sidney Crosby et Evgeni Malkin.

Ça crève les yeux, le jeune Franco-Ontarien fait preuve d'un grand leadership. Dans le match décisif, dimanche, tout s'est pratiquement joué dans la première minute, quand Giroux est allé sortir Crosby de ses patins avant d'aller inscrire son équipe au tableau. Selon ce qu'on entend en provenance de Philadelphie, le petit attaquant a carrément embrassé le rôle qui revenait à Chris Pronger depuis que le grand défenseur est tombé au combat.

Et puis c'est drôle, à Montréal on se plaint toujours que les joueurs de centre du Canadien sont trop petits. Mais à ce que je sache, Giroux ne donnera jamais de torticolis à personne. Il n'est pas gros... mais il joue gros! Il est solide, premier dans les coins de patinoire, personne n'est capable de l'intimider. Un vrai guerrier.

Lorsque Jaromir Jagr vous place dans la même phrase que Mario Lemieux, ce n'est pas rien! Le grand Tchèque, un compagnon de trio de Giroux cette saison, s'est rapidement trouvé des points en commun avec son nouveau coéquipier et est mieux placé que quiconque pour faire la comparaison entre les deux joueurs. Le brio de Giroux devrait permettre à Jagr d'étirer sa carrière de quelques années, mais il ne fait aucun doute que l'ancienne vedette des Olympiques de Gatineau a grandement bénéficié de la présence de Jagr, un fabricant de jeu et un manieur de rondelle comme on en voit peu.

Je crois que Giroux sera la grande vedette des Flyers pour plusieurs années à venir, mais il n'a pas tout fait seul contre les Penguins. Année après année, Brière est toujours l'un des meilleurs joueurs de son équipe en séries. Il a terminé la première ronde avec huit points, dont cinq buts. Quand je pense que le Canadien, avec un peu plus de vision et de chance, pourrait compter les deux joueurs dans ses rangs aujourd'hui.

Tant qu'à parler des Québécois, je crois que Maxime Talbot, même s'il n'est pas le plus talentueux, a manqué aux Penguins dans cette série robuste. Joueur d'énergie expérimenté, dérangeant et polyvalent, il a participé à trois buts en désavantage numérique contre son ancienne équipe. Tous les clubs ont besoin de ce genre de joueur.

Et Sean Couturier m'impressionne drôlement. Il a été employé contre Malkin et a fait le travail défensivement, mais éventuellement il va devenir un attaquant de puissance capable de marquer 25 ou 30 buts par année. Il l'a toujours fait depuis qu'il joue au hockey et il va continuer de le faire.

Dans le match décisif de la série, j'ai vu des Penguins fatigués. Crosby a passé près de 18 mois sans jouer au hockey. Contre les Flyers, dans une série très éprouvante physiquement, je pense qu'il a manqué de gaz. Même chose pour Kristopher Letang, qui a été victime d'une commotion cérébrale en saison régulière.

Je suis un peu peiné pour Marc-André Fleury, qui n'a pas été aussi solide que par les années passées en séries. Je demeure persuadé qu'il est un excellent gardien de but, mais peut-être voulait-il trop en faire contre les Flyers.

Torres, la brebis immolée

Malheureusement, le brio de joueurs talentueux comme Giroux passe presque sous silence depuis le début d'une première ronde ternie par une vague de coups salauds.

Évidemment, celui qui a fait le plus jaser est celui de Raffi Torres aux dépens de Marian Hossa. Torres méritait sûrement d'être puni pour ce geste vicieux, mais 25 matchs? Je crois que l'attaquant des Coyotes de Phoenix a été la brebis immolée dans ce dossier. La LNH n'attendait que ça, qu'un joueur marginal en mette un peu trop, pour servir un avertissement au reste de la Ligue.

Peut-on toutefois vraiment prendre cette décision au sérieux? Avant que les séries ne commencent, Duncan Keith a failli arracher la tête à Daniel Sedin, mais il n'a eu que cinq matchs de suspension. Au début de la première ronde, Shea Weber a servi un traitement digne d'un match de lutte à Henrik Zetterberg, mais c'est passé sous silence.

Bref, on a vu que Brendan Shanahan n'est pas différent de Colin Campbell : il ne veut pas toucher aux joueurs vedettes. Alors quand il a vu un récidiviste arriver, il s'est payé la traite. Vingt-cinq matchs, c'est beaucoup trop, mais avec les critiques qui fusent de partout, il s'est dit que quelqu'un devait payer pour.

Maintenant, Shanahan doit être conséquent. Un coup vicieux, particulièrement à la tête, doit être puni sévèrement dès la première offense, indépendamment du statut du joueur qui l'assène.

Avant que les séries commencent, Shanahan avait dit publiquement qu'il serait plus clément au chapitre des suspensions. Ça, ça veut dire qu'il ne décide rien! Ce sont les directeurs généraux et les propriétaires d'équipes qui lui disent quoi faire. Ce n'est pourtant pas le mandat que Shanahan s'était fièrement donné en début de saison.

*Propos recueillis par Nicolas Landry.