Jade Downie-Landry ne va pas à New York pour se « pogner le beigne »
MONTRÉAL – Alors que le grand départ approche, Jade Downie-Landry ne cache pas qu'une certaine nervosité l'habite. Dans quelques jours, elle déménagera dans une nouvelle ville, rencontrera de nouvelles coéquipières et, surtout, devra prouver sa valeur dans une nouvelle équipe, une nouvelle ligue. Le climat est propice à la prolifération des papillons.
L'inconnu est une source classique d'inquiétude, mais le spectre sur lequel celle-ci peut se manifester est vaste. Si l'attaquante de 28 ans prépare aujourd'hui ses valises avec une certaine légèreté, c'est justement parce que sa fébrilité du moment se compare avantageusement avec ce qu'elle a vécu il n'y a pas si longtemps.
En mai dernier, la Force de Montréal confirmait le retour de sa meilleure pointeuse pour la saison 2023-2024. Moins de deux mois plus tard, l'équipe était dissoute en même temps que la ligue dans laquelle elle évoluait. Comme des dizaines d'autres joueuses, Downie-Landry s'est retrouvée dans le néant.
« J'avais tellement d'émotions, c'était fou, reconnaît-elle en rétrospective. Au début, quand ça a été annoncé, je n'y croyais même pas. Je me disais que ça ne pouvait pas être vrai, que c'était juste une rumeur. Il y a eu une rencontre sur Zoom à laquelle je ne m'étais pas connectée. Quand mon amie m'a texté pour me dire "il n'y a plus de ligue", j'ai cru à une blague. Mais c'était vrai. »
« Il y a eu une période d'incertitude. On n'était pas certaines de ce qui allait se passer. Ça faisait un bout que [l'Association des joueuses] essayait de bâtir quelque chose de bien, je n'avais donc aucun doute qu'il allait se passer quelque chose. Mais je ne savais pas c'était pour quand, on ne recevait pas d'information. C'était une période stressante. »
La suite des choses s'est voulue rassurante pour Downie-Landry. La création de la Ligue professionnelle de hockey féminin (LPHF) s'est concrétisée au début de l'été. En septembre, elle a été repêchée en neuvième ronde, 52e sur un total de 90 joueuses sélectionnées, par l'équipe de New York. Et le 1er novembre, la ligue a annoncé qu'elle avait accepté une offre de contrat d'un an du directeur général Pascal Daoust.
Elle devenait ainsi la première ancienne joueuse de la défunte Premier Hockey Federation (PHF) à confirmer sa venue dans la LPHF. Elle a aussi été la première Québécoise, parmi celles qui sont passées par le repêchage, à avoir signé son document d'embauche.
À une semaine de l'ouverture des camps d'entraînement, les formations des équipes de la LPHF sont toujours clairsemées. L'équipe de Montréal, par exemple, n'a confirmé que deux mises sous contrats au-delà des trois joueuses de concession sur lesquelles elle a établi ses fondations. À New York, Downie-Landry a été la deuxième joueuse repêchée dont l'embauche a été annoncée (quatre autres joueuses, dont sa compatriote Elizabeth Giguère, se sont depuis ajoutées à la liste).
On pourrait y voir une belle marque de confiance, le signe que l'entraîneur Howie Draper entend lui confier de grandes responsabilités. Ce n'est pas comme ça qu'elle décide de le voir.
« Les meilleures vont faire l'équipe et ce n'est pas parce que j'ai signé un contrat que je vais me pogner le beigne! Je suis stressée d'y aller. Je veux performer. C'est aussi en-dedans de moi de vouloir bien faire. Je veux aller au camp, faire de mon mieux et être la meilleure sur la glace. Je ne vois pas mon contrat comme une sécurité, mais plus comme une opportunité pour que je puisse me prouver à mon équipe et à la ligue. »
Que la meilleure joue
La LPHF mettra en compétition des joueuses de divers horizons. La ligue permettra notamment aux anciennes joueuses de la PWHPA et de la PHF, deux circuits préalablement concurrents, de faire carrière sous la même enseigne. Elle accueillera aussi des recrues sortant directement des rangs universitaires américains et canadiens ainsi que d'autres en provenance d'Europe.
Downie-Landry a observé le paysage et a sondé ses amies. Toutes sont arrivées à la même conclusion. « On pense que ça va être le meilleur calibre possible », s'enthousiasme-t-elle. Elle donne comme preuve la quantité d'anciennes rivales de la PHF qui, contrairement à elle, ont été ignorées au repêchage. « Il y a des joueuses qui se présenteront à un camp en tant qu'invitées et juste le fait qu'elles n'aient pas été repêchées, je trouve ça fou parce que je sais qu'elles sont vraiment bonnes! »
Dans chacune des six équipes originales, le déplacement de la crème vers la surface devrait provoquer de passionnants combats à l'interne. Par la force des choses, des joueuses qui avaient l'habitude d'hériter des principales responsabilités offensives dans leur club précédent devront accepter un rôle différent sous leurs nouvelles couleurs.
« Je suis sûr que ce sont des questions que tout le monde se pose, conçoit l'autrice de 23 points en 24 matchs lors de sa seule saison avec la Force. Ça va être un ajustement pour tout le monde parce que ce sont juste les meilleures des meilleures qui vont être dans la ligue. C'est sûr qu'il va y avoir des questionnements et des ajustements qui vont être faits. »
Sur ce point, l'ancienne vedette des Martlets de l'Université McGill dit avoir apprécié ses conversations avec son directeur général, qui lui a fait comme seule promesse que tout le monde partirait à la case départ au camp d'entraînement de la formation new-yorkaise.
« Il veut donner la chance à tout le monde de se prouver pendant le camp, que tu aies été repêchée ou que tu sois simplement invitée. On ne s'est pas vraiment parlé de mon rôle et je pense que c'est pareil pour les autres filles. Il veut vraiment qu'on lui montre ce qu'on a à donner et ensuite il prendra ses décisions. »