MONTRÉAL – N’importe quel visiteur peut, en un seul coup d’œil, différencier les cités américaines de Burlington et Des Moines. Alors que la plus grande agglomération du Vermont offre presque un panorama à 360 degrés sur les montagnes Vertes et la chaîne des Adirondacks, « ici, on n’a pratiquement qu’à monter sur le trottoir pour avoir une vue d’ensemble de la ville », blague Dovar Tinling pour décrire la capitale de l’Iowa.

Débarqué depuis à peine une semaine dans sa nouvelle ville d’adoption, Tinling parle de son quotidien avec l’enthousiasme propre aux nouveaux départs. Les raisons qui l’ont mené de l’autre côté des grands lacs n’ont toutefois rien d’une farce.

Tinling est ce jeune Montréalais qu’on vous présentait en juillet dernier, quelques jours avant le repêchage de la Ligue nationale. Majeur depuis quelques mois seulement, il avait alors la particularité d’être le plus jeune joueur à s’aligner pour un programme de première division de la NCAA. Sa saison avait été difficile, mais son avenir semblait néanmoins radieux. La Centrale de recrutement de la LNH le classait au 84e rang sur sa liste finale des plus beaux espoirs nord-américains en vue de l'encan amateur annuel.

La suite n'a pas été celle qui était attendue. D’abord, sans qu’il ne l’ait vu venir, Tinling a été ignoré par les 32 équipes de la LNH. « J’ai eu le cœur brisé, il n’y a pas d’autre façon de le dire, admet-il avec transparence. J’ai regardé le repêchage pendant six heures en espérant entendre mon nom. Quand tout le monde dans ton entourage te dit que tu vas être repêché et que ça n’arrive pas, ça fait mal. Les jours qui ont suivi ont été pénibles. »

À l’automne, Tinling s’est présenté sur le campus de l’Université du Vermont pour sa deuxième saison avec les Catamounts. À 18 ans, il ne s’attendait pas à déchirer la ligue, mais espérait au moins qu’on lui confierait plus de responsabilités que l’année précédente. Limité à douze matchs en raison de la pandémie, il n’avait alors produit que deux petits points.

Il reconnaît que l’entraîneur Todd Woodcroft a fait son bout de chemin en début de campagne. « Rien de drastique, mais c’était déjà un peu plus que l’an dernier », dit-il. Tinling juge avoir montré de belles choses lors du premier week-end de la saison, mais il a vite compris que son coach n’avait pas fait la même évaluation de son travail.  

« C’est à partir de là que la relation a changé, identifie-t-il avec quelques mois de recul. À mesure que la saison progressait, je réalisais qu’on n’était pas sur la même longueur d’ondes à propos de certaines choses. »

« Ma première année avait été difficile à cause de la COVID, alors j’avais décidé de donner le bénéfice du doute au programme et aux entraîneurs. Mais un an plus tard, je sentais que ma situation n’avait pas changé. »  

Environ deux semaines avant la pause des Fêtes, Tinling a commencé à envisager de renoncer à sa bourse et de quitter le Vermont. Sa réflexion a mûri durant ses vacances au Québec. Au lendemain de Noël, il a refait la route vers Burlington avec son frère Azzaro et deux autres coéquipiers. Il a vidé sa chambre, a entreposé ses affaires chez son frangin et est allé annoncer sa décision à Woodcroft.

Le lendemain, il s’envolait vers sa prochaine destination.

Non à Shawinigan

En 2019, les Buccaneers de Des Moines ont choisi Tinling en deuxième ronde du repêchage de la United States Hockey League (USHL). Le même été, les Cataractes de Shawinigan l’ont sélectionné au troisième tour de l’encan de la LHJMQ. En quittant le Vermont, c’était vers l’un de ces deux clubs juniors qu’il devait orienter la suite de son parcours.

Dans un article paru dans le quotidien Le Nouvelliste le 28 décembre, le journaliste Steve Turcotte expliquait que les Cataractes ont été dans le coup jusqu’à la toute fin pour rapatrier Tinling, mais que les Bucs avaient l’avantage de lui permettre de conserver son admissibilité pour un retour dans la NCAA, un objectif qu’il caresse ouvertement en vue de la saison prochaine.

« Je suis déjà engagé dans un chemin et je ne voulais pas reculer, a expliqué le natif de Pointe-Claire en entrevue à RDS. Je ne voulais pas arriver dans la LHJMQ à presque 19 ans avec deux saisons devant moi contre des joueurs plus jeunes. Quand j’aurai 20 ans, je veux jouer contre des gars de mon âge ou plus vieux que moi. Si c’était à refaire, peut-être que je prendrais des décisions différentes, mais tout ça, c’est dans le passé et je ne peux rien y changer maintenant. »

Tinling a fait une entrée remarquée avec sa nouvelle équipe. À son premier match, l’ancien du programme des Lions du Lac-St-Louis a marqué deux buts dans une victoire de 7-3. Deux jours plus tard, il récoltait une passe dans une défaite de 5-3.

« Ça a été comme une bouffée d’air frais, je dirais. J’avais réussi deux buts en 26 matchs au Vermont. D’en faire autant à ma première partie, ça m’a assurément libéré d’un gros poids. »

Tinling était conscient qu’en renonçant à sa place chez l’alma mater de Martin St-Louis, bien des gens l’attendraient dans le détour pour lui remettre ses échecs en pleine face. Déjà, il a été la cible de moqueries sur les patinoires de l’USHL. Les dernières semaines, il l’avoue, ont été pour lui une bonne leçon d’humilité. Mais fidèle à lui-même, il a décidé de faire la sourde oreille aux railleries de ses adversaires.

Le jeune joueur de centre ambitionne de « dominer offensivement » pendant un séjour qu’il espère le plus court possible dans l’USHL. Il affirme aussi que son bref stage dans la NCAA a fait de lui un meilleur joueur défensif. Il espère que l’ensemble de ses réalisations attirera l’attention des dépisteurs et le replacera dans les listes des équipes du circuit Bettman.

« Je veux être repêché cette année. Ça fait toujours partie de mes buts et je crois que ça devrait arriver. Dans mon esprit, je suis convaincu que je jouerai un jour dans la Ligue nationale. Il faut juste que je regarde vers l’avant et que je continue à travailler. »