Denis Baillairgé : « Pas question que j’abandonne »
Hockey mercredi, 23 nov. 2016. 08:34 jeudi, 12 déc. 2024. 22:50Quand on demande à Denis Baillairgé, président de la ligue de développement Midget AAA, comment ça va, la réponse est toujours la même. Ça va très bien.
Il est comme ça, Denis. Au téléphone, rien n’y paraît. La voix est la même. La détermination tout autant. En personne, toutefois, c’est différent. Il est branché en permanence à un appareil respiratoire qui alimente son organisme en oxygène. Un oxygène qui lui est essentiel. En principe, il ne pourra plus jamais s’en passer. Je dis bien en principe car Denis ne croit pas toujours ce que les spécialistes lui racontent. Comme il a toujours fait les choses à sa manière, il est déterminé à déjouer le système et les prévisions.
Cette pièce d’équipement lui permet de faire ses activités au quotidien. Il peut ainsi sortir occasionnellement de la maison afin de tester ses limites en public. Il y va à un rythme prudent depuis qu’un ami ostéopathe lui a fait comprendre qu’il a ses limites, comme tout le monde. C’était la première fois de sa vie qu’il entendait cela. Il ne lui était jamais arrivé de penser qu’il avait des limites.
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Baillairgé tousse continuellement depuis trois ans. Au cours des derniers mois, ses amis et connaissances ont remarqué qu’il avait l’essoufflement facile. Pour utiliser une expression populaire, au moindre effort, il cherchait son air. À la fin de l’été, la situation l’a suffisamment inquiété pour qu’il demande une évaluation de sa santé.
« En l’espace de sept ou huit jours, j’avais effectué des mises au jeu à Québec, à Lévis, à Rivière-du-Loup et à Gatineau. J’avais rencontré des commanditaires, j’avais organisé des conférences de presse, j’avais monté et descendu des escaliers. Bref, j’étais essoufflé », raconte-t-il en tentant de justifier son malaise.
Il a consulté, fin août, début septembre. Incapable d’obtenir un rendez-vous avec un médecin, il s’est tourné vers Info-Santé Québec. Dès le lendemain, il a obtenu une consultation. On a remarqué que son taux de fer était anormalement élevé. Après un examen sommaire, on lui a conseillé de se montrer patient, d’aller chercher un pyjama et de se présenter à l’urgence de l’hôpital de la Cité-de-la Santé où il était attendu. Ils l’ont gardé durant une dizaine de jours.
Depuis, il a rencontré une batterie de spécialistes. «Mon objectif en 2016 est de cesser de tousser», dit-il, simplement.
C’est une première étape. Pour le reste, il devra tenir compte des recommandations qui lui seront faites. Son oxygène dans le sang lui fera toujours défaut, semble-t-il, mais il précise qu’il est déjà passablement habitué à l’appareil branché dans son nez.
« J’écoute tout ce que me dit mon pneumologue, jusqu’à la prochaine étape », précise-t-il.
Ceux qui le connaissent savent qu’on ne peut pas facilement l’arrêter. Baillairgé est un bourreau de travail. L’an dernier, il avait pris sa retraite du Service des loisirs de Laval avec l’intention de se consacrer totalement à son bébé, le circuit Midget AAA. Il n’avait pas prévu qu’un sérieux problème de santé viendrait se placer en travers de son chemin. Il est maintenant forcé de lever le pied.
Lors du dernier week-end, il est allé assister à des matchs à Saint-Eustache et à Rivière-du-Loup. Il a présidé une réunion du bureau de direction de la ligue. Il jure pourtant y aller à son rythme.
« J’essaie de tenir compte de mes limites, dit-il. Quand on commence à me parler des arbitres, je quitte. Disons que je choisis mes combats. Après une réunion, je ne reste pas sur les lieux pour prendre un café et jaser de hockey. Je rentre à la maison pour me détendre.
Pas facile de diriger un circuit de hockey aussi crucial que celui-là par téléphone. Le Midget AAA, c’est la base même du développement des joueurs québécois. C’est la banque dans laquelle puise la Ligue junior majeur du Québec. On a cru qu’il allait peut-être devoir remettre le gouvernail dans d’autres mains.
« Ça, jamais, lance-t-il. Pas question que j’abandonne mon poste. Je me comporte avec la ligue comme s’il s’agissait de mon corps. Chaque jour, je me fixe des objectifs. Auparavant, je travaillais 16 heures par jour. Maintenant, j’ai encore plus de temps à ma disposition. La seule chose que je ne ferai pas, ce sont les mises au jeu. J’ai plein de projets. Je veux qu’on découvre un jour d’autres Maurice Richard, même si on sait qu’il n’y en aura toujours qu’un seul. Mais, vous savez, il y avait du Rocket dans Martin Saint-Louis. Je veux aussi qu’on produise d’autres Patrick Roy. Les gardiens de but, c’était notre force, notre renommée, il y a quelques années. Actuellement, c’est une grosse lacune. J’en fais ma priorité. Des gardiens s’en viennent. Eventuellement, je vais proposer quelque chose de révolutionnaire à leur sujet. »
Le Canadien doit jouer son rôle
Baillairgé voit loin. Selon lui, il faut arrêter de se considérer comme des petits Québécois. Son plus grand objectif est de voir le hockey mineur du Québec devenir supérieur à celui de la Finlande.
« Dans quelques années, si on est impressionné parce ce qui s’est passé au Québec et qu’on s’interroge sur les raisons de ce changement, je me tiendrai à l’arrière de la salle en me disant que j’y ai contribué à ma façon. Je peux vous dire qu’on s’en va dans le bon sens », souligne-t-il.
Le doute subsiste, cependant. Il faudra y mettre le temps pour dissiper l’image négative qu’on se fait du développement de notre hockey. En juin dernier, des 211 joueurs repêchés, 89 étaient Canadiens. Seulement 11 provenaient du Québec, même si cinq d’entre eux ont été réclamés durant les deux premières rondes.
Selon le premier dirigeant du Midget AAA, il y a presque autant de joueurs disponibles qu’avant. C’est juste qu’on a du mal à les faire connaître. À ce sujet, il croit que le Canadien a un rôle social à jouer. À l’époque de Serge Savard, l’organisation accordait davantage de place aux Québécois. Il y en avait neuf dans la formation qui a gagné la coupe Stanley de 1986. Il y en avait 14 en 1993. Aujourd’hui, il faut regarder ailleurs pour voir évoluer les Patrice Bergeron, Jonathan Huberdeau, Jonathan Drouin, Anthony Beauvillier, Derick Brassard, Kristopher Letang, Marc-Edouard Vlasic et compagnie.
On reconnaît que le Canadien a rarement été placé dans une position assez enviable pour réclamer les meilleurs, mais cela ne veut pas dire qu’il n’en a pas laissé filer quelques-uns par manque de clairvoyance.
Il y a un an, Baillairgé a eu un entretien de deux heures avec le président-propriétaire du Canadien, Geoff Molson. Il n’y a aucun doute dans son esprit que l’équipe aurait pu réclamer plus de Québécois, ce qui aurait contribué à jeter un meilleur éclairage sur notre hockey de développement. Il l’a d’ailleurs mentionné à son interlocuteur.
« Ce fut une intéressante rencontre avec M. Molson, mais j’ai eu droit de sa part à l’éternelle réponse que Trevor Timmins nous sert si souvent: « À talent égal, le Canadien va toujours réclamer un Québécois ». Je lui ai rappelé que ce n’est pas toujours vrai. Le Canadien doit faire davantage sa part. Un jour, les Nordiques vont revenir; la situation va changer. Je crois toutefois que Marc Bergevin fait des efforts. Je pense que ça va se faire un jour », croit-il.
À l’occasion du récent 40e anniversaire du circuit Midget AAA, Baillairgé dit avoir répertorié au moins 100 joueurs québécois qui ont appartenu au Canadien durant ces quatre décennies.
À l’exception de Kirk Muller, la majorité des membres de son personnel hockey, Bergevin, Michel Therrien, Daniel Lacroix, Jean-Jacques Daigneault, Martin Lapointe, Stéphane Waite et Clément Jodoin, les deux derniers à titre d’entraîneurs, ont été associés au midget AAA. Deux anciens membres de l’organisation, Guillaume Latendresse et Paulin Bordereau, sont actuellement des entraîneurs dans cette ligue et deux autres, Donald Audette et Sébastien Bordereau, sont des adjoints. Avec de tels rapprochements, ils ne peuvent rester insensibles à l’impact que cette ligue exerce au Québec.
« On entend poursuivre nos objectifs, mais pour y arriver, nous avons besoin de la contribution du Canadien », dit Baillairgé.
Actuellement, la réponse du Tricolore se limite à David Desharnais, Phillip Danault, Torrey Mitchell et Charles Hudon qui n’est que de passage. Dans les réserves, il y a Barberio, Fucale, Matteau, Audette, Grégoire, Racine, Bourque (à Rimouski), Brouillette et Danis. Pas exactement des éléments sur lesquels on compte pour gagner la prochaine coupe.