Le départ des Nordiques a chamboulé le hockey au Québec. L’idée même de voir jouer Patrick Roy et Joe Sakic au sein de la même formation a paru fantasmagorique durant plusieurs années. L’avènement de l’Avalanche du Colorado a pourtant donné au monde cette bizarrerie historique.

Après le scandale du 2 décembre 1995, Réjean Houle a été forcé de se débarrasser de son gardien de but numéro 1. Il l’a donc envoyé à Denver avec Mike Keane en échange du jeune Jocelyn Thibault, du Tchèque Martin Rucinsky ainsi que du Russe Andrei Kovalenko. Ce dernier a été assommé lorsqu’il a appris la nouvelle.

« J’étais sous le choc. L’année d’avant, je jouais à Québec. Certes, nous étions rendus au Colorado, mais je ne jouais pas mal. Je faisais partie des leaders de l’équipe du point de vue des statistiques. J’avais 11 buts et 11 aides en une vingtaine de matchs. Je ne pouvais pas imaginer qu’on allait m’échanger. Je savais qu’il y avait des négociations, mais je ne me voyais pas quitter Denver. »

Kovalenko ne restera pas longtemps avec l’équipe, mais il tournera une page d’histoire du Club de hockey canadien en marquant le dernier but du Forum de Montréal dans une victoire de 4 à 1 contre les Stars de Dallas le 11 mars 1996. Le Russe n’est pas mécontent d’avoir laissé sa trace chez le Tricolore, mais ses souvenirs de la métropole québécoise ne l’émeuvent pas outre mesure.

« La direction du club avait ses méthodes de travail bien à elle. Elle favorisait les joueurs qui parlaient français. Je n’avais donc pas autant de temps de glace que je le voulais. J’ai travaillé fort et j’ai fait tout mon possible pour aider l’équipe. Je vais être franc. Peut-être qu’au Canada c’est un club légendaire, mais jouer pour les Canadiens c’était pareil comme jouer à Québec pour moi. À mes yeux, le club légendaire c’est celui de l’Armée rouge grâce auquel je suis devenu champion olympique. »

Le Russe semble avoir été beaucoup plus marqué par son passage chez les Nordiques. C’est avec enthousiasme qu’il parle de la Vieille Capitale. Rien de surprenant, puisqu’il y a joué durant trois saisons et que ç’a été son premier port d’attache en Amérique du Nord.

« Les Nordiques avaient une très bonne organisation. On avait un support fou de la part des partisans. Au sein de l’équipe, il y avait d’autres joueurs russes. Ils m’ont beaucoup aidé à m’adapter au mode de vie nord-américain et à apprendre l’anglais. Ç’a été un gros plus pour moi d’avoir leur support. »

L’ancien ailier droit des Nordiques dit ne pas avoir souffert du déménagement du club, mais il avoue que Denver n’a pas le charme de la ville de Québec.

« À titre personnel, ça s’est bien passé. Je déménageais, mais je restais avec les mêmes coéquipiers. La direction a changé quelque peu, mais ça n’avait pas réellement d’impact sur nous. Cela dit, le Colorado, ce n’est pas Québec. À Québec, les gens aiment beaucoup plus le hockey. Ils vivent seulement pour ça. À Denver, il y a du basketball et du football américain. Lorsque j’ai joué là-bas, l’Avalanche était une nouvelle équipe. Nous n’avions donc pas autant de gens dans les tribunes. La relation avec les partisans était donc bien différente. »

Aujourd’hui, Andrei Kovalenko est le président du conseil d’administration de l’Association des joueurs de la Ligue continentale de hockey (KHL). Un poste pour lequel il a accepté de prendre sa retraite à l’été 2008 lors de la création de l’organisme.

« J’avais quelques offres sur la table pour continuer à jouer en Russie, mais j’ai décidé de postuler pour ce poste lors de la fondation de la ligue. Les joueurs m’ont élu. J’aime bien ce travail, mais je dois avouer que mon expérience en Amérique du Nord ne me sert pas vraiment dans mes tâches. La culture et le hockey sont très différents ici. La réglementation imposée par la Fédération de hockey n’a rien à voir avec ce qu’on trouve au Canada et aux États-Unis. Nous avons tout de même pu importer d’Amérique du Nord le concept de fonds de pension des joueurs. J’en suis bien fier. »

Andrei Kovalenko est né en 1970 à Balakovo, une ville de la province russe de Saratov. Diplômé de l’école de hockey du Torpedo de Gorki, il joue quatre années au sein du club de l’Armée rouge avec lequel il participera aux Super Séries lors la saison 1990-1991. Dans la LNH, il comptera 173 buts et il amassera 206 aides pour produire 379 points en 620 joutes avec les Nordiques, l’Avalanche, le Canadien, les Oilers, les Flyers, les Hurricanes et les Bruins. Au sein de l’équipe de la CEI, il a remporté une médaille d’or aux Jeux olympiques d’Albertville en 1992.