Quand le Lightning de Tampa a décidé d'accorder un contrat à Martin Saint-Louis, que les Flames de Calgary venait de libérer sans même avoir pris le temps de l'observer attentivement, ils n'ont pas couru un très grand risque. Ils venaient de terminer la saison en 27e place dans une ligue à 28 équipes. Ils avaient raté les séries éliminatoires pour la septième fois en huit ans.

Dans les circonstances, ils avaient surtout besoin de quelqu'un pour remplir un chandail. Ils étaient loin de se douter de ce que Saint-Louis, un athlète non repêché, mais au coeur de lion, leur apporterait.

Il y a un peu de ce Martin Saint-Louis dans David Desharnais à qui le Canadien vient d'accorder une entente de deux ans. Un contrat exclusif de la Ligue nationale dont la deuxième année fera de lui un millionnaire à quelques milliers de dollars près.

Desharnais ne répétera jamais les formidables exploits de Saint-Louis, l'unique joueur non repêché à avoir remporté les trophées Art Ross et Hart, remis annuellement au champion marqueur du circuit et au joueur le plus utile à son équipe. C'est surtout son histoire qui ressemble à celle de l'autre.

Desharnais mesure cinq pieds et sept pouces. La saison prochaine, il sera probablement le plus petit joueur du circuit. Comme Saint-Louis, il a été ignoré au repêchage. Comme l'électrisant joueur du Lightning, il a dû combattre les préjugés les plus tenaces. Malgré mille sacrifices, malgré une indifférence à son endroit qui l'a refoulé aussi loin que la East Coast League, il n'a jamais cru qu'il n'y arriverait pas. Personne n'a voulu de lui malgré deux saisons de plus de 108 points avec les Saguenéens de Chicoutimi. Pourtant, le voilà membre à part entière du Canadien.

Comme dans le cas de Saint-Louis à Tampa, le Canadien avait-il le choix de ne pas lui accorder sa chance? Je ne veux pas enlever une once de crédit à Desharnais, qui mérite amplement ce qui lui arrive, mais s'il s'appelait Joe Smith ou Michael Brown et s'il était natif de Saskatoon, se préparerait-il à entreprendre sa première saison dans la Ligue nationale dans l'uniforme du Canadien? Bien sûr que non.

Trois facteurs lui ont valu d'obtenir 1,7 million $ sur deux ans à Montréal. D'abord, il a créé une impression favorable quand il a été rappelé de la filiale durant la dernière saison. Il est là pour deux autres raisons : Il est un centre intelligent au sein d'une équipe qui besoin d'aide à cette position et il est un joueur d'ici dans une organisation dont les besoins sont criants sur ce plan.

N'eut été de ces deux facteurs, il végéterait encore quelque part dans les ligues mineures, même s'il est déjà capable de rivaliser avec l'inefficace Scott Gomez. Pas parce qu'il n'a pas le talent requis. Pas parce qu'il n'a pas la ténacité et le courage des joueurs de petite stature qui doivent constamment frapper aux portes, mais parce qu'on n'aurait pas pris le temps de bien le regarder. Comme ça s'est passé dans le cas de Saint-Louis à Calgary.

C'est une belle histoire que celle de Desharnais. Peu importe comment il est parvenu à se hisser là où il est aujourd'hui, il a tenu son bout et mérité son poste. Il sait qu'il devra toujours travailler plus fort que les autres pour s'accrocher à son rêve, ce qui devrait assurer le Canadien d'un beau retour sur ce petit investissement.

Markov sur le chemin du retour

Le retour prochain d'Andrei Markov est une très bonne nouvelle. Comme les spécialistes se font rassurants sur l'état de son genou, le corps défensif de l'équipe ne s'en portera que mieux. S'il obtient un contrat de deux ans comme le veut la rumeur, cette décision chassera James Wisniewski de la ville, lui qui exigera beaucoup d'argent lors de sa prochaine renégociation de contrat. Avec le pouvoir offensif que représentera le duo Subban-Markov en supériorité numérique, cela ne laisse guère de place à Wisniewski, certes menaçant en attaque, mais terriblement gaffeur en défense.

Markov n'a jamais caché son attachement au Canadien et à la ville de Montréal. Il ne voudrait pas jouer ailleurs et l'organisation ne voudrait jamais courir le risque de le voir briller au sein d'une formation rivale. Surtout qu'à 32 ans, il en a encore beaucoup à donner si ses genoux tiennent le coup.

Peu de formations de la Ligue nationale présenteront un duo de défenseurs aussi exceptionnel que celui de Markov et Subban. Le premier est solide et expérimenté. Le second est enthousiaste et explosif.

Critiquer dans l'anonymat

Dans un tout autre registre, j'aimerais m'arrêter un instant sur la relation particulière qu'entretiennent les amateurs de sport et les membres des médias. Une relation houleuse qui a énormément changé depuis l'avènement de l'internet.

J'ai écrit dans un quotidien durant quelques décennies. Généralement, le contact avec les lecteurs se faisait bien.

J'ai expérimenté toutes les formes de communication avec eux. À une certaine époque, c'était la boîte vocale. Les gens y laissaient leurs observations, souvent à chaud. Ils venaient de parcourir une chronique et ils avaient le goût d'y apporter leur grain de sel. Il n'y avait aucun échange. Je prenais connaissance de leurs commentaires et ça s'arrêtait là.

Plus tard, l'internet est entré dans le jeu. À mon bloc de chronique, j'avais greffé mon adresse courriel. Dans la mesure du possible, je répondais personnellement à tous ceux qui avaient l'amabilité de s'identifier. Ça donnait lieu à un échange d'idées poli, sans mesquinerie. Tout le contraire de ce qui se passe aujourd'hui.

À RueFrontenac, le site internet créé par les journalistes en lock-out d'un journal que je n'ai pas besoin d'identifier, et plus tard, à RDS.CA, j'ai dû me familiariser avec les internautes qui émettent des opinions tranchantes, parfois teintées de méchanceté, sans jamais s'identifier.

Au fait, c'est quoi cette mode de se retrancher derrière des surnoms bizarres pour émettre des commentaires. Si les gens des médias en faisaient autant, seriez-vous intéressés de les lire?

J'ignore si c'est attribuable au fait que les lecteurs des différents blogues à RDS ou ailleurs sont à ce point pressés de tout lire qu'ils ne le font qu'en diagonale, mais je suis toujours étonné du degré de compréhension qu'ils ont de certains écrits. Prenez la chronique de la semaine dernière, par exemple, quand je disais qu'on a tort de croire que le Canadien, en perdant en prolongation le septième match de son unique série contre Boston, est venu à un but près de se rendre à la finale de la coupe Stanley et peut-être de la gagner.

Plusieurs ont cru qu'il s'agissait d'une attaque contre le Canadien. Rien de plus erroné. J'ai plutôt tenté de ramener dans une juste perspective ce qui s'est passé entre Bruins et Canadiens. Ce n'est pas parce que cette série a duré sept matchs qu'il fallait voir le Canadien, même dans la défaite, se rendre jusqu'à la finale.

Un autre détail m'a titillé. Un internaute m'a fait remarquer que j'avais bien raison de qualifier tous ces rêveurs de fefans. Pourtant, c'est un qualificatif que je n'utilise jamais. Le terme fefan est la création d'un confrère. Pour être franc, j'ai toujours trouvé ça assez offensant comme qualificatif. Quand un journal réduit au rang de nonos sportifs une partie de sa clientèle, il court toujours un certain risque, selon moi.

Entre chroniqueur et amateurs de sport, on ne peut pas toujours être d'accord, mais il n'y a rien de très courageux à tirer sur les journalistes dans l'anonymat. Et je suis bien conscient que cela ne changera pas.

Dommage. Après tout, c'est juste du sport.