MONTRÉAL – De Semyon Varlamov à Ilya Samsonov, Zachary Fucale peut énumérer sans prendre le temps d’y réfléchir tous les gardiens qui ont été formés dans l’organisation des Capitals de Washington au cours de la dernière décennie.

À 26 ans, il a la conviction qu’on parlera de lui dans la même veine dans un avenir rapproché.

Fucale, un espoir déchu du Canadien qui a passé la majeure partie de trois saisons dans la ECHL entre 2016 et 2020, parle comme un homme nouveau, transformé. Dans la dernière année, il a ressuscité sa carrière avec les Bears de Hershey dans la Ligue américaine.

Il a gagné neuf des onze matchs auxquels il a pris part avec le club-école des Capitals. Il a affiché le meilleur taux d’efficacité (,932) de sa carrière. Sa moyenne de buts alloués de 1,80 a été la meilleure de la Ligue. Il a remporté, avec son adjoint Pheonix Copley, le trophée Harry « Hap » Holmes » remis aux gardiens de l’équipe qui a accordé le moins de buts par match.

Il a été si convaincant qu’avant même la fin de la saison, les Caps lui ont offert un nouveau contrat de deux ans. C’était la première fois depuis qu’il avait signé son contrat d’entrée dans la LNH que Fucale s’engageait avec une équipe pour plus d’une année.

« C’est une belle sécurité, mais pas le genre de sécurité qui pourrait m’inciter à me mettre à l’aise et à arrêter de travailler, nuançait le gardien cette semaine à la sortie de son premier entraînement sur glace de son entre-saison. Ça n’a jamais été dans mon caractère de faire ça. Ce que je veux dire, c’est que pour moi, ça prouve qu’ils ont confiance en mes moyens, confiance que je puisse accéder au prochain niveau. Ils me l’ont dit souvent. Ils ont confiance en moi et ça, ça m’en donne à moi, de la confiance! »

Le « prochain niveau », Fucale y fera allusion à plusieurs reprises dans un généreux entretien accordé à RDS. Que ceux qui le croyaient résigné à user ses jambières dans les circuits mineurs se ravisent. Même si ses cinq premières saisons dans le hockey professionnel ne l’ont pas ménagé, ce choix de deuxième ronde du Canadien a plus que jamais la foi que ses efforts finiront par le mener à la Ligue nationale.

« Trop tard? C’est incroyable comme c’est pas pantoute trop tard, s’enthousiasme-t-il. Il y a des gars qui le font encore plus vieux que moi. Je suis encore très jeune, je me sens très jeune. Je sens qu’il y a beaucoup d’années de hockey en avant de moi. Les gens qui me connaissent savent que le hockey, c’est ma vie au grand complet. J’aime encore jouer et je compte jouer pendant encore très longtemps, man. Alors pour moi, de dire qu’il est trop tard à 26 ans, pantoute! J’ai juste hâte à la prochaine saison, honnêtement. »

Pour trouver des modèles sur lesquels appuyer son optimisme, Fucale n’a pas à chercher bien loin. Copley, avec qui il a partagé le filet en 2021, avait 26 ans quand il a obtenu sa première vraie audition dans la LNH. Vitek Vanecek, candidat surprise au trophée Calder cette saison, a gradué dans la LNH à 24 ans après quatre saison complètes à Hershey et quelques séjours en ECHL.

Le fait que de cette même filière sont sortis des vétérans comme Braden Holtby, Michal Neuvirth et Philipp Grubauer ne fait qu’exacerber ce fort sentiment qu’il ressent d’être arrivé au bon endroit au bon moment.

« C’est juste une philosophie dont j’ai souvent entendu parler cette année. Les Caps, ils veulent bâtir à l’interne. Ils ne veulent pas avoir à faire des échanges ou signer des joueurs autonomes à chaque été pour bâtir ce qu’ils appellent leur département des gardiens. L’année passée quand ils m’ont offert un contrat, je ne veux pas dire que c’était une anomalie, mais c’était comme une exception on dirait. Ça n’arrive pas souvent qu’ils signent un gardien de même. Ça me dit qu’ils ne sont pas juste là pour aller chercher des gars à chaque année, pour boucher des trous. »

« Pour nous les joueurs, c’est super bénéfique mentalement. Ça élimine un peu le guessing game. Ils veulent travailler avec nous, ils veulent bâtir avec nous. Ça crée un sentiment d’appartenance, un lien de confiance. »

« Il y a eu des moments sombres »

L’ironie dans tout ça, c’est que cet endroit où il sent qu’il pourra finalement atteindre son plein potentiel, Fucale y est atterri au moment où il s’en attendait le moins.

Juste avant que la pandémie ne force l’arrêt des championnats du monde entier en mars 2020, l’ancien médaillé d’or avec Équipe Canada junior avait résilié son contrat avec le Crunch de Syracuse et pris la direction de l’Allemagne, où il devait aider le Red Bull de Munich dans sa fin de saison.

« J’étais comme une police d’assurance parce qu’il y avait des incertitudes devant le filet. Puis avant le premier match des séries, la saison a été annulée », explique Fucale.

Son but était d’y retourner l’année suivante. Quand il a compris qu’il n’y aurait pas de place pour lui, il s’est déniché un club en KHL. L’entente est toutefois tombée à l’eau. L’appel des Caps, quelques semaines plus tard, l’a pris complètement par surprise.

« Mon agent m’a dit que les dirigeants voulaient me rencontrer par conférence vidéo et il m’a demandé si j’étais libre telle journée. Pour vrai, j’étais super occupé cette journée-là, j’avais plein d’affaires à faire, mais j’ai tout annulé. C’était surprenant pour moi parce que je ne m’attendais pas à avoir un contrat, même de la Ligue américaine! Je m’attendais à aller en Europe. Les Caps sont arrivés avec un contrat que je ne pouvais littéralement pas refuser. »

Fucale s’est promis de ne pas refaire l’erreur qu’il a commise dans le passé, celle de croire qu’une poignée de bonnes performances garantissent un certain statut. S’il a appris une chose de ses séjours indésirables dans les mineures, c’est qu’on n’est jamais aussi près du fond de la crevasse que lorsqu’on se croit en sécurité au sommet.

Cette sage prudence ne l’empêche toutefois pas de jouir de la sérénité qu’il a retrouvée après des années qu’il admet aujourd’hui éprouvantes.

« J’ai toujours été honnête avec mon état d’esprit quand j’étais up and down avec les Canadiens. Ça a été tough pour moi. Ça a été extrêmement tough. Mentalement, à 21 ans, quand je me suis fait descendre après ma première année à St. John’s, ça a été un moment dans ma vie où je me cherchais pas mal. Je vais même aller jusqu’à dire qu’il y a eu moments assez sombres. Mais pour moi, j’ai toujours voulu jouer au hockey. C’est ça que je veux faire. J’ai cru en moi. Il y a eu des moments où j’y croyais moins, mais j’ai continué. Ça a été toute une ride à date. »