Il y a une quinzaine d'années, les gardiens de but québécois avaient la cote. Aujourd'hui, ils ont cédé presque toute la place aux Européens.

Au début des années 1990, les gardiens européens étaient une denrée très rare dans la Ligue nationale de hockey. En fait, 72 des 76 cerbères qui ont participé à un match lors de la saison 1992-93 ont vu le jour en Amérique du Nord.

Les gardiens du Québec représentaient déjà une bonne couche des portiers de la LNH. On en comptait 13 avec Patrick Roy en tête, mais aussi les Waite, Potvin, Fiset, Berthiaume et Riendeau.

« Le bassin de population où les gardiens étaient disponibles comprenait trois endroits : le Québec, le Canada anglais et les États-Unis », résume François Allaire, guru réputé parmi les entraîneurs de gardiens.

Huit ans plus tard, en 2000-2001, il y avait cinq fois plus de gardiens européens qui avaient atteint la Ligue nationale, soit 20, le même nombre que les gardiens québécois qui avaient aussi augmenté dans la décennie 1990.

Cette situation est maintenant révolue. Les gardiens québécois sont en train de disparaître pendant que les Européens prennent de plus en plus de place.

« La seule explication que j'ai, c'est qu'eux ont peut-être élevé leur jeu d'un cran alors que nous sommes restés au même niveau. Il serait peut-être temps de porter plus d'attention à cette position », estime Jimmy Waite, qui a joué 106 matchs dans la LNH entre 1988 et 1999 et qui s'occupe aujourd'hui des gardiens des Saguenéens de Chicoutimi.

« Tous les gardiens s'améliorent au fil des années. On s'est fait rattrapé, il faut l'avouer, et on est vraiment au même niveau aujourd'hui », observe Roberto Luongo, qui dispute sa douzième saison dans la LNH.

« Des pays comme la Suisse et l'Allemagne produisent des bons gardiens aujourd'hui. La compétition est mondiale et effectivement, je crois qu'on a perdu le petit avantage qu'on avait », concède Jocelyn Thibault.

« Les autres pays et les autres provinces se sont améliorés du côté de l'enseignement, il n'y a aucun doute là-dessus », tranche Jean-Sébastien Giguère, qui évolue avec l'Avalanche du Colorado.

Qui aurait pu croire, il y a une quinzaine d'années, que la Ligue nationale compterait trois fois plus de gardiens européens que de cerbères québécois? C'est pourtant la réalité. François Allaire, lui, avoue sincèrement qu'il ne l'avait pas vu venir.

« On était sur une vague incroyable. Chaque équipe junior avait un pro, un gars qui avait été repêché en première ou deuxième ronde », se remémore l'enseignant.

Cette vague dont parle Allaire a atteint son point culminant en 1995, alors que trois gardiens québécois ont été sélectionnés en première ronde : Martin Biron, Jean-Sébastien Giguère et Marc Denis. Du jamais vu par la suite.

D'ailleurs la situation ne cesse de se détériorer depuis. De 1996 à 2003, en huit ans, 19 gardiens québécois ont été sélectionnés dans les trois premières rondes du repêchage, mais au cours des huit dernières années, seulement quatre portiers en provenance du Québec ont été choisis parmi les 90 premiers joueurs.

Pire encore, en 2011, aucun gardien issu des rangs de Hockey Québec n'a été choisi sur les 18 gardiens sélectionnés.

« Je suis convaincu que le Canadien a un impact important dans l'évolution du hockey mineur au Québec, insiste Patrick Roy. C'est lorsqu'il y a eu des gardiens de but québécois avec le Canadien qu'on a connu le plus de succès à cette position. »

Roy sera d'ailleurs au centre de notre deuxième reportage, mardi, alors qu'Il a été selon plusieurs le catalyseur de cette longue lignée de gardiens de buts québécois.

*D'après un reportage de Stéphane Leroux