Canada - USA : France St-Louis se souvient de matchs durs et intenses
MONTRÉAL - Dans le monde du sport, une rivalité se façonne généralement au fil du temps, après une multiplication de duels aux enjeux élevés où l'intensité est toujours au rendez-vous. C'est certainement le cas de celle entre le Canada et les États-Unis au hockey féminin, avec une petite nuance : elle n'a pas eu besoin de bien des années pour s'implanter.
Peu de gens sont mieux placés que la Québécoise France St-Louis pour décrire l'évolution de ce qui est aujourd'hui l'une des rivalités les plus exaltantes du sport nord-américain, mais qui ne s'est arrêtée qu'à six reprises au Québec en plus de 30 ans.
Pour la première fois depuis 2017, les hockeyeuses canadiennes et américaines seront de passage dans la Belle Province, d'abord à Trois-Rivières, lundi soir, puis à Laval, mercredi soir, dans le cadre de la Série de la rivalité.
Ce seront les deux derniers matchs d'une série de sept rencontres qui a commencé avec trois parties dans le nord-ouest du continent, en novembre, suivies de rendez-vous au Nevada et à Los Angeles, en décembre. Les Canadiennes ont perdu les trois premiers matchs avant de gagner les deux suivants.
Ce seront aussi, déjà, les 173e et 174e matchs entre les deux pays.
Si ces duels s'additionnent et continuent de susciter de l'intérêt, c'est peut-être un peu à cause de toutes celles qui ont lancé les hostilités, un terme approprié lorsqu'il est question des confrontations Canada-États-Unis en hockey féminin.
France St-Louis fait partie de ce groupe sélect. Elle a chaussé les patins lors du tout premier match « officiel » entre les deux pays, dans le cadre de l'édition inaugurale du Championnat du monde, à Ottawa.
Le Canada et les États-Unis avaient livré bataille en grande finale du tournoi. La formation canadienne avait mérité la médaille d'or grâce à une victoire de 5-2, le 25 mars 1990.
St. Louis avait aussi pris part à un autre duel contre les États-Unis, tenu trois ans plus tôt à North York, à Toronto, dans le cadre d'un tournoi non sanctionné par la Fédération internationale de hockey sur glace.
Quatre autres pays - la Suède, la Suisse, le Japon et les Pays-Bas - avaient participé à cette compétition ainsi qu'une formation représentant l'Ontario.
Le Canada et les États-Unis avaient croisé le fer lors du volet préliminaire, et les Canadiennes avaient signé un gain de 2-1, le 21 avril 1987.
« En 1987, mon souvenir n'est même pas des États-Unis et du Canada », note St-Louis.
« En finale, on a joué contre l'équipe de l'Ontario - le Canada avait gagné 4-0 - qui avait été formée parce que l'Ontario avait beaucoup de joueuses. Ce dont je me souviens, c'est beaucoup plus l'échange qu'on a pu avoir avec les autres pays. C'était plus une porte d'entrée où les gens pouvaient voir qu'il y avait du hockey féminin ailleurs que juste au Canada », ajoute St-Louis, qui avait terminé au premier rang des pointeuses du tournoi.
Mais St-Louis ne perdait rien pour attendre avant de commencer à se forger des souvenirs des confrontations épiques qui allaient suivre contre les États-Unis.
« Quand on est arrivé en 1990, c'est là que ç'a commencé. C'était une équipe qui était aussi forte que nous, on avait beaucoup plus de difficulté. Elles avaient de bonnes joueuses, nous avions de bonnes joueuses. Elles ne nous laissaient pas un pouce, comme nous ne leur laissions pas un pouce », raconte St. Louis, qui garde de précieux souvenirs de l'ambiance qui régnait dans l'aréna lors de la finale à Ottawa.
Au fil des 172 premiers matchs de la rivalité, les équipes du Canada ont inscrit 97 victoires, plus souvent qu'autrement à l'arraché. Pas moins de 39 parties entre les deux clubs ont nécessité du temps supplémentaire - le Canada a gagné 21 de ces matchs - et il y a aussi eu un verdict nul, 1-1, le 11 novembre 2004 au Tournoi des Quatre Nations à Lake Placid.
Il y a bien eu quelques confrontations à sens unique, comme ce gain de 8-0 du Canada en finale du deuxième Championnat de monde, en Finlande le 26 avril 1992. Ou celui de 9-2 des Américaines en match préliminaire lors d'une autre édition du Championnat du monde, le 7 avril 2012, à Burlington, au Vermont.
Mais il s'agit là d'exceptions qui sont venues confirmer la règle.
« En tant que joueuse, à chaque occasion où on a joué contre les Américaines, il n'y a jamais une fois où nous sommes arrivées sur la patinoire et qu'on s'est dit ''ça va être facile''. C'était toujours, ''ça va être un match difficile'', et on se battait », souligne St-Louis, qui a pris sa retraite en 1999 après cinq conquêtes du Championnat du monde et une médaille d'argent olympique aux Jeux de 1998 à Nagano.
Et l'animosité qui pouvait régner entre les deux clans était palpable, assure St-Louis.
« Honnêtement, on ne les aimait pas. J'ai joué à la crosse et je dirais, avec les Américaines, que c'était la même chose. Je ne sais pas si c'est parce qu'elles sont proches de chez nous. À la crosse, je les trouvais arrogantes, et au hockey c'était la même chose. »
Et physiquement, ce n'était pas du bonbon.
« Quand on allait devant le but, c'étaient des coups sur les mollets. Il fallait payer le prix pour aller proche du filet parce que tu `mangeais' un coup dans les mollets, puis un double-échec. C'était `tough'. C'était vraiment `tough' de jouer contre elles. »
St-Louis sera parmi les spectateurs mercredi soir à Laval. Elle ressentira sûrement de la nostalgie, mais aussi un certain stress.
« C'est toujours stressant parce que je veux qu'on gagne », avoue St-Louis, lorsqu'elle se fait demander dans quel état d'esprit elle regarde ces affrontements, aujourd'hui, plus de 20 ans après avoir remisé ses patins.
« Je suis la fan numéro un, comme je suis la fan numéro un du Canadien. C'est notre fierté. C'est le fun de les voir aller, surtout qu'on a une Québécoise qui, selon moi, est la meilleure au monde en Marie-Philip Poulin. C'est le fun de voir ça. »