ST. PAUL, Minn.- La main droite passablement mal en point après avoir frappé solidement contre le mur où l'on retrouvait le tableau d'affichage, Michel Therrien retournait d'un pas rapide vers son bureau.

C'était lundi soir, il venait de faire connaître ses états d'âme devant les membres de la presse écrite et parlée, des états d'âme bien camouflés derrière la politique de la maison de ne pas faire trop de vagues. On imagine qu'il aurait voulu dire des choses surtout quand on connaît et surtout quand on a entendu tout sorte d'histoires au sujet du caractère de ce pilote. Ce qu'il aurait voulu mentionner qu'il dirige une bande d'athlètes dont le niveau d'indifférence vient d'atteindre son point le plus élevé.

Ce qu'il aurait voulu mentionner qu'il en a marre de cette bande d'indifférents, des athlètes qui ont carrément baissé les bras. Oh, il y en a qui vont se battre jusqu'à la toute fin, des joueurs comme Patrice Brisebois, Saku Koivu qui tout haut a exprimé ce que certains de ses coéquipiers pensent tout bas. Dans le fond, on revient a la case départ. On questionne constamment sur le même sujet.

Où est-il donc ce leadership?

Brisebois cherchait une réponse lundi soir. Mais pourquoi chercher ce qui n'existe pas? Le leadership se bâtit dans la loyauté, dans l'effort, dans le souci du détail. Le leadership se bâtit à partir d'actions remarquées, à partir de décisions prises dans les meilleurs intérêts du groupe.

Le leadership ne se bâtit pas dans l'indifférence. Or, le Canadien est un club où il y a trop de joueurs indifférents. Si ça ne fait pas ici, ça fera ailleurs. L'athlète professionnel jouit de tous les privilèges et le Canadien, même s'il offre un passé historique, un passé rempli d'exploits uniques, des exploits signés par des athlètes uniques, et bien le Canadien n'offre plus aucune garantie que l'histoire et le passé seront respectés même si Sheldon Souray a effleuré le sujet, hier midi.

Au boulot, on se traine les pieds

À votre boulot, si vous vous laissez trainer les pieds, si vous n'offrez pas un rendement remarqué à chaque jour, on va vous foutre à la porte. Aujourd'hui, si le hockeyeur se traine les patins, fournit un effort mitigé, il est protégé par un contrat blindé et si son employeur n'apprécie pas l'effort fourni, l'employé lui dira tout bonnement, " eh bonhomme, tu n'as qu'a m'envoyer ailleurs."

Michel Therrien, comme Alain Vigneault auparavant, est pris dans cet engrenage. Il a beau souligner qu'il a vu neiger avant aujourd'hui et j'ose le croire en lisant son curriculum vitae n'en demeure qu'il se retrouve avec de la neige jusqu'au derrière et que pour avancer, il aura besoin d'un sérieux coup de main.

Jusqu'à maintenant, ça ne fonctionne pas. Les messages sont écoutés mais ne sont pas mis en pratique. L'indifférence, comme je le précisais, s'est ancré dans le vestiaire et ça cause bien des ennuis. L'entraîneur doit chercher des solutions, croit en avoir trouvées, mais quand vient le temps de mettre en application son plan de match sur la surface de jeu, il réalise qu'on se fout de sa gueule.

Quand j'ai demandé à Michel Therrien, lundi soir, après le match de la honte face aux Blue Jackets de Columbus, s'il était rendu au point où il doit maintenant questionner son approche, sa philosophie, ses méthodes, bref, s'il croit qu'il a les ressources pour relever un club qui ne personnifie ni plus ni moins que le " country club de l'indifférence", sa réaction fut spontanée.

Le tableau d'affiche abimé

" Moi à bout de ressources? Jamais. Je vais trouver un moyen." Il a pris ensuite la direction de son bureau en serrant les dents et en frottant sa main droite. Pendant la troisième période, la douleur était vive mais il n'a jamais grimacé. Le spectacle que lui offraient ses équipiers était beaucoup plus douloureux à supporter que des jointures endolories.

Que va-t-il faire? Botter le cul de ces gars-là, ça ne fonctionne plus dans le hockey contemporain. Scotty Bowman qui a dirigé quelque chose comme 1990 matchs de plus de Therrien soulignait, il y a deux semaines, il n'y a qu'une façon de s'attaquer aux joueurs et de toucher à leur égo.

Et c'est quoi Scotty?

"Le temps de glace. Tout passe par le temps de glace. Tu es l'unique personne qui a le contrôle complet sur l'utilisation des athlètes. C'est ton unique défense."

D'accord quand on a une équipe qui a de la profondeur et une équipe qui mise sur plusieurs joueurs talentueux. " Les joueurs de caractère, les bons athlètes vont accepter ce défi. Les autres, tant pis pour eux."

Un défi de taille

Therrien est un bagarreur. Il a été un gagnant à tous les niveaux. Mais, il n'avait jamais pensé qu'il affronterait une situation aussi délicate. Délicate dans le sens qu'il fait actuellement ses premiers pas au niveau supérieur. Il vient d'entrer dans la Ligue nationale avec ses rêves et ses ambitions. Il ne veut justement pas rater ce premier contact avec la grande ligue.

Pour bien réussir ce premier test, il doit avant tout chasser du vestiaire ce climat d'indifférence. Il doit identifier les trouble-fêtes, les tricheurs. Il se vantait à son arrivée que les tricheurs étaient rapidement démasqués sous son régime.

C'est maintenant le moment de les identifier.

Une p'tite vite

Entendu à la sortie du Centre Molson, lundi soir.

Le Canadien, à la suite du revers de la honte, ne s'est jamais trouvé aussi près de Jason Spezza, le joueur identifié comme le meilleur de la planète chez les juniors. Il devrait être le premier choix de sélection en juin prochain.

Mais, le Tricolore joue tellement mal actuellement qu'il perdrait le tirage au sort pour le premier rang de sélection.