Il faut vraiment avoir la foi
Hockey mercredi, 29 sept. 2010. 10:57 mercredi, 11 déc. 2024. 14:54
Dans le sport professionnel, on dit souvent que si tu as des amis, tu ne manqueras jamais de travail. Et sans doute que ça ne nuit pas non plus d'être né sous une bonne étoile.
Chez Jacques Martin, il y a probablement un peu des deux. Martin possède une belle feuille de route dans la Ligue nationale, mais s'il n'avait pas trouvé sur son chemin une vieille connaissance de l'époque lointaine des Nordiques de Québec, peut-être n'aurait-il jamais eu la chance de se hisser au rang des 10 meilleurs entraîneurs dans l'histoire du circuit. Ses 556 victoires le placent actuellement au neuvième rang.
Pierre Gauthier et lui se sont liés d'amitié au début des années 90. Le premier était très impliqué dans le recrutement pendant que Martin était l'adjoint de l'entraîneur Dave Chambers. Leur route ont pris ensuite des directions différentes jusqu'à ce que Gauthier, devenu directeur général des Sénateurs d'Ottawa, le sorte du Colorado pour lui permettre de redevenir un entraîneur en chef dans la Ligue nationale.
Quand Martin a été remercié par les Sénateurs à la suite d'une saison 2003-2004 désastreuse, une autre de ses vieilles connaissances, Mike Keenan, est rapidement venue à sa rescousse en lui permettant de diriger les Panthers de la Floride. Les amis, c'est fait pour ça, non?
Aujourd'hui, Martin reconnaît que Gauthier a été d'une grande influence auprès de Bob Gainey quand il a obtenu le poste qu'il occupe en ce moment. N'eut été de la présence de Gauthier chez le Canadien, il serait peut-être encore le directeur général des Panthers, un rôle qui ne lui convenait pas beaucoup. Or, voyez ce qui se passe aujourd'hui. Les Panthers végètent encore pendant que l'avenir immédiat du Canadien semble nettement meilleur. D'où cette bonne étoile qui ne semble pas vouloir l'abandonner.
«Je suis choyé d'être l'entraîneur du Canadien et de pouvoir travailler au sein d'une organisation qui a de l'histoire, avec des gens que j'aime et que je respecte, dit-il. La Floride possède de bons jeunes joueurs, mais il est difficile pour cette équipe d'aller chercher des partisans. À la longue, pour les joueurs, ça devient déprimant de jouer devant tant de bancs vides.»
À Montréal, c'est tout le contraire qui se produit. La motivation provenant des gradins donne aux joueurs l'impression de patiner sur un volcan en pleine ébullition. Ça facilite en quelque sorte le travail de l'entraîneur.
À sa dernière saison là-bas, les propriétaires lui avaient demandé d'assumer la succession de Keenan au poste de directeur général, ce qui lui avait permis d'acquérir une plus vaste expérience de l'administration d'une équipe. Cette présence au deuxième étage, disait-on lors de son embauche par le Canadien, allait permettre à l'équipe de profiter d'une police d'assurance advenant le départ de Gainey. Or, il n'a jamais été question qu'il devienne un jour le grand patron à Montréal.
«Pas du tout, confirme-t-il. Je suis venu à Montréal comme coach et je suis très à l'aise dans ce rôle».
Là-dessus, il faut le croire. Martin préfère de beaucoup se retrouver au coeur de l'action, même si, après une saison complète dans ce monde de contradictions que représente le public du Canadien, il réalise que pas une seule ville de la ligue ne se compare à la bouilloire de Montréal. Le Canadien vit une relation amour-haine avec ses partisans. Un jour, l'équipe est détestée; le lendemain, elle s'en va à la coupe. Dans ce contexte très particulier, Martin est souvent le premier à tenter de calmer les choses.
Quand Martin joue à Donald Beauchamp
Pierre Gauthier a son lot de dénigreurs et l'entraîneur qui a conduit l'équipe à trois séries éliminatoires, avec l'aide d'un gardien miraculeux faut-il le préciser, reçoit rarement le crédit qu'il mérite.
«C'est sûr que Montréal est unique, admet-il. La passion des gens d'ici n'existe nulle part ailleurs. Difficile à dire si tout cela va trop loin. Faut quand même respecter l'opinion des amateurs. L'important est de ne pas laisser les médias et le public influencer nos décisions. Les choses peuvent être difficiles à l'occasion, mais elles peuvent aussi être très excitantes. On n'a qu'à se souvenir de ce que nous avons vécu durant les séries.»
Quand il commente la relation parfois tendue entre l'équipe et ses fans, Martin saute dans les souliers de Donald Beauchamp. Il fait des relations publiques. Il tempère les choses. Par exemple, quand Carey Price se fait tomber dessus par les spectateurs, au lieu de se porter à sa défense, il préfère dire que le public a droit à son opinion, laissant aux joueurs le soin d'aller au bâton pour lui.
S'il a des choses à lui dire, il le fait derrière des portes closes. À la suite de la décision de son patron de se départir de celui qui était devenu le gardien numéro un, Martin sait que le salut de l'équipe passe par son gardien cowboy.
«C'est important que Carey reste concentré sur ce qu'il a à faire, explique-t-il. Il doit améliorer son éthique de travail. Il doit être plus combatif. S'il le fait, les choses vont se replacer d'elles-mêmes. Parfois, tu deviens plus fort quand tu as connu un peu d'adversité.»
Dans une autre vie, Jacques Martin a été gardien de but. Est-ce suffisant pour qu'il sache ce qui trotte dans la tête de Price en ce moment? Pas vraiment.
«C'est un jeune homme intelligent qui a progressé l'an dernier. Les réflecteurs sont braqués sur lui, mais j'insiste sur le fait que nous nous devons de mieux jouer devant lui. Il doit travailler davantage sur son attitude mentale que sur sa technique. Il doit éviter de se laisser affecter par des situations qui se produisent dans le cours d'un match.»
Pas sorti du bois
Les dirigeants de l'équipe voient l'avenir en rose parce qu'ils ont ajouté de la profondeur durant l'été. Lars Eller arrive de St. Louis, Dustin Boyd de Nashville et deux joueurs autonomes, Alexandre Picard et Jeff Halpern, ont obtenu des ententes d'un an. P.K. Subban est assuré de rester à Montréal et Ryan White a gagné beaucoup de points récemment.
Par contre, plusieurs formations de l'Est ont amélioré leur sort ces derniers mois alors que la profondeur ajoutée du Canadien se limite surtout aux troisième et quatrième trios.
Comment des joueurs marginaux pourraient-ils faire une grande différence quand on sait tous que les données ont été faussées par Jaroslav Halak au cours des séries? A-t-on déjà oublié que Martin a été forcé de laisser Price sur la touche durant les derniers moments de la saison parce que Halak semblait le seul gardien capable de le conduire en séries? A-t-on oublié que malgré la solidité de Halak, le Canadien a accédé aux séries par le biais d'une défaite dans le dernier match du calendrier? A-t-on oublié que sans les performances éblouissantes du gardien slovaque, l'équipe ne serait pas allée plus loin que la première série?
Alors, quand on nous dit qu'on entretient les plus beaux espoirs sur la prochaine saison, il faut faire des efforts pour les croire. Il faut vraiment avoir la foi. La vérité, c'est que les séries sont loin d'être un objectif dans la poche.
«La chimie existe déjà au sein de notre noyau de l'an dernier, ajoute Martin. Nous avons vécu une situation très particulière dans le sens où nos joueurs les plus importants venaient tous d'ailleurs. D'habitude, les changements surviennent parmi les joueurs de soutien. Il faut également tenir compte des blessures qui nous ont frappés durement. Markov (37), Kostistyn (23), Gionta (21), Cammalleri (17) et Gill (14) ont manqué plusieurs matchs. Cela a retardé notre progression.»
Rien n'indique que le Canadien ne sera pas ralenti de la même façon cette saison. Les blessures menacent toutes les équipes. Si c'est le cas, ce ne sont pas les petits changements de l'été qui vont permettre de sauver la mise. Price, par contre, peut le faire.
«Je m'attends à un véritable engagement de la part des joueurs. Il y a eu beaucoup de changements dans l'Est. Cela ne sera pas facile. Avec les contraintes du plafond salarial, le classement s'est resserré. Nous sommes entrés dans les séries lors du 82e match. Les Flyers ont réussi la même chose, le même soir, grâce à la fusillade et ils ont néanmoins atteint la grande finale», dit Martin.
Halak a créé un monstre
Pour le Canadien, il y a un exploit plus difficile à accomplir que sa participation à trois séries. C'est celui de le faire une seconde fois. Cette performance étonnante en séries créera de fortes attentes cette saison. Halak a peut-être créé un monstre par ses prouesses.
«Nous avons éliminé des équipes (Washington et Pittsburgh) qui étaient plus puissantes que la nôtre. Ça démontre qu'on peut réussir de grandes choses quand on profite d'un engagement des joueurs, quand les unités spéciales jouent leur rôle et quand nous obtenons de solides performances du gardien de but. Une fois entré en séries, tout devient possible, on l'a vu», conclut l'entraîneur.
Ça fait quand même 17 ans que le Canadien nous demande d'avoir la foi. L'attente est certes interminable pour les fans, mais la pression se fait écrasante pour les dirigeants qui se succèdent sans changer les choses pour la peine.
*Nous vous invitons à suivre la chronique de Bertrand Raymond à tous les mercredis à SP30.
Chez Jacques Martin, il y a probablement un peu des deux. Martin possède une belle feuille de route dans la Ligue nationale, mais s'il n'avait pas trouvé sur son chemin une vieille connaissance de l'époque lointaine des Nordiques de Québec, peut-être n'aurait-il jamais eu la chance de se hisser au rang des 10 meilleurs entraîneurs dans l'histoire du circuit. Ses 556 victoires le placent actuellement au neuvième rang.
Pierre Gauthier et lui se sont liés d'amitié au début des années 90. Le premier était très impliqué dans le recrutement pendant que Martin était l'adjoint de l'entraîneur Dave Chambers. Leur route ont pris ensuite des directions différentes jusqu'à ce que Gauthier, devenu directeur général des Sénateurs d'Ottawa, le sorte du Colorado pour lui permettre de redevenir un entraîneur en chef dans la Ligue nationale.
Quand Martin a été remercié par les Sénateurs à la suite d'une saison 2003-2004 désastreuse, une autre de ses vieilles connaissances, Mike Keenan, est rapidement venue à sa rescousse en lui permettant de diriger les Panthers de la Floride. Les amis, c'est fait pour ça, non?
Aujourd'hui, Martin reconnaît que Gauthier a été d'une grande influence auprès de Bob Gainey quand il a obtenu le poste qu'il occupe en ce moment. N'eut été de la présence de Gauthier chez le Canadien, il serait peut-être encore le directeur général des Panthers, un rôle qui ne lui convenait pas beaucoup. Or, voyez ce qui se passe aujourd'hui. Les Panthers végètent encore pendant que l'avenir immédiat du Canadien semble nettement meilleur. D'où cette bonne étoile qui ne semble pas vouloir l'abandonner.
«Je suis choyé d'être l'entraîneur du Canadien et de pouvoir travailler au sein d'une organisation qui a de l'histoire, avec des gens que j'aime et que je respecte, dit-il. La Floride possède de bons jeunes joueurs, mais il est difficile pour cette équipe d'aller chercher des partisans. À la longue, pour les joueurs, ça devient déprimant de jouer devant tant de bancs vides.»
À Montréal, c'est tout le contraire qui se produit. La motivation provenant des gradins donne aux joueurs l'impression de patiner sur un volcan en pleine ébullition. Ça facilite en quelque sorte le travail de l'entraîneur.
À sa dernière saison là-bas, les propriétaires lui avaient demandé d'assumer la succession de Keenan au poste de directeur général, ce qui lui avait permis d'acquérir une plus vaste expérience de l'administration d'une équipe. Cette présence au deuxième étage, disait-on lors de son embauche par le Canadien, allait permettre à l'équipe de profiter d'une police d'assurance advenant le départ de Gainey. Or, il n'a jamais été question qu'il devienne un jour le grand patron à Montréal.
«Pas du tout, confirme-t-il. Je suis venu à Montréal comme coach et je suis très à l'aise dans ce rôle».
Là-dessus, il faut le croire. Martin préfère de beaucoup se retrouver au coeur de l'action, même si, après une saison complète dans ce monde de contradictions que représente le public du Canadien, il réalise que pas une seule ville de la ligue ne se compare à la bouilloire de Montréal. Le Canadien vit une relation amour-haine avec ses partisans. Un jour, l'équipe est détestée; le lendemain, elle s'en va à la coupe. Dans ce contexte très particulier, Martin est souvent le premier à tenter de calmer les choses.
Quand Martin joue à Donald Beauchamp
Pierre Gauthier a son lot de dénigreurs et l'entraîneur qui a conduit l'équipe à trois séries éliminatoires, avec l'aide d'un gardien miraculeux faut-il le préciser, reçoit rarement le crédit qu'il mérite.
«C'est sûr que Montréal est unique, admet-il. La passion des gens d'ici n'existe nulle part ailleurs. Difficile à dire si tout cela va trop loin. Faut quand même respecter l'opinion des amateurs. L'important est de ne pas laisser les médias et le public influencer nos décisions. Les choses peuvent être difficiles à l'occasion, mais elles peuvent aussi être très excitantes. On n'a qu'à se souvenir de ce que nous avons vécu durant les séries.»
Quand il commente la relation parfois tendue entre l'équipe et ses fans, Martin saute dans les souliers de Donald Beauchamp. Il fait des relations publiques. Il tempère les choses. Par exemple, quand Carey Price se fait tomber dessus par les spectateurs, au lieu de se porter à sa défense, il préfère dire que le public a droit à son opinion, laissant aux joueurs le soin d'aller au bâton pour lui.
S'il a des choses à lui dire, il le fait derrière des portes closes. À la suite de la décision de son patron de se départir de celui qui était devenu le gardien numéro un, Martin sait que le salut de l'équipe passe par son gardien cowboy.
«C'est important que Carey reste concentré sur ce qu'il a à faire, explique-t-il. Il doit améliorer son éthique de travail. Il doit être plus combatif. S'il le fait, les choses vont se replacer d'elles-mêmes. Parfois, tu deviens plus fort quand tu as connu un peu d'adversité.»
Dans une autre vie, Jacques Martin a été gardien de but. Est-ce suffisant pour qu'il sache ce qui trotte dans la tête de Price en ce moment? Pas vraiment.
«C'est un jeune homme intelligent qui a progressé l'an dernier. Les réflecteurs sont braqués sur lui, mais j'insiste sur le fait que nous nous devons de mieux jouer devant lui. Il doit travailler davantage sur son attitude mentale que sur sa technique. Il doit éviter de se laisser affecter par des situations qui se produisent dans le cours d'un match.»
Pas sorti du bois
Les dirigeants de l'équipe voient l'avenir en rose parce qu'ils ont ajouté de la profondeur durant l'été. Lars Eller arrive de St. Louis, Dustin Boyd de Nashville et deux joueurs autonomes, Alexandre Picard et Jeff Halpern, ont obtenu des ententes d'un an. P.K. Subban est assuré de rester à Montréal et Ryan White a gagné beaucoup de points récemment.
Par contre, plusieurs formations de l'Est ont amélioré leur sort ces derniers mois alors que la profondeur ajoutée du Canadien se limite surtout aux troisième et quatrième trios.
Comment des joueurs marginaux pourraient-ils faire une grande différence quand on sait tous que les données ont été faussées par Jaroslav Halak au cours des séries? A-t-on déjà oublié que Martin a été forcé de laisser Price sur la touche durant les derniers moments de la saison parce que Halak semblait le seul gardien capable de le conduire en séries? A-t-on oublié que malgré la solidité de Halak, le Canadien a accédé aux séries par le biais d'une défaite dans le dernier match du calendrier? A-t-on oublié que sans les performances éblouissantes du gardien slovaque, l'équipe ne serait pas allée plus loin que la première série?
Alors, quand on nous dit qu'on entretient les plus beaux espoirs sur la prochaine saison, il faut faire des efforts pour les croire. Il faut vraiment avoir la foi. La vérité, c'est que les séries sont loin d'être un objectif dans la poche.
«La chimie existe déjà au sein de notre noyau de l'an dernier, ajoute Martin. Nous avons vécu une situation très particulière dans le sens où nos joueurs les plus importants venaient tous d'ailleurs. D'habitude, les changements surviennent parmi les joueurs de soutien. Il faut également tenir compte des blessures qui nous ont frappés durement. Markov (37), Kostistyn (23), Gionta (21), Cammalleri (17) et Gill (14) ont manqué plusieurs matchs. Cela a retardé notre progression.»
Rien n'indique que le Canadien ne sera pas ralenti de la même façon cette saison. Les blessures menacent toutes les équipes. Si c'est le cas, ce ne sont pas les petits changements de l'été qui vont permettre de sauver la mise. Price, par contre, peut le faire.
«Je m'attends à un véritable engagement de la part des joueurs. Il y a eu beaucoup de changements dans l'Est. Cela ne sera pas facile. Avec les contraintes du plafond salarial, le classement s'est resserré. Nous sommes entrés dans les séries lors du 82e match. Les Flyers ont réussi la même chose, le même soir, grâce à la fusillade et ils ont néanmoins atteint la grande finale», dit Martin.
Halak a créé un monstre
Pour le Canadien, il y a un exploit plus difficile à accomplir que sa participation à trois séries. C'est celui de le faire une seconde fois. Cette performance étonnante en séries créera de fortes attentes cette saison. Halak a peut-être créé un monstre par ses prouesses.
«Nous avons éliminé des équipes (Washington et Pittsburgh) qui étaient plus puissantes que la nôtre. Ça démontre qu'on peut réussir de grandes choses quand on profite d'un engagement des joueurs, quand les unités spéciales jouent leur rôle et quand nous obtenons de solides performances du gardien de but. Une fois entré en séries, tout devient possible, on l'a vu», conclut l'entraîneur.
Ça fait quand même 17 ans que le Canadien nous demande d'avoir la foi. L'attente est certes interminable pour les fans, mais la pression se fait écrasante pour les dirigeants qui se succèdent sans changer les choses pour la peine.
*Nous vous invitons à suivre la chronique de Bertrand Raymond à tous les mercredis à SP30.