Bob Hartley - J'étais persuadé que Guy Boucher possédait une deuxième offre sur la table pour refuser la proposition des Blue Jackets de Columbus et il faut croire que c'était le cas.

À mon avis, l'équation était simple dans cette histoire et j'étais convaincu qu'une nomination avec une autre équipe serait annoncée très rapidement.

C'est certain qu'il a d'abord considéré le fait de pouvoir travailler Steve Yzerman.

Ensuite, il a dû être attiré par la possibilité et le défi de travailler avec beaucoup de joueurs francophones de talent comme Vincent Lecavalier et Martin St.Louis.

Il y aussi la situation qui s'est présentée avec le directeur général des Blue Jackets de Columbus qui lui a laissé beaucoup de latitude donc il s'est retrouvé dans une situation de choix.

Il ne faut pas oublier que Yzerman est l'un des hauts dirigeants de Hockey Canada et on connaît l'implication de Boucher dans cette organisation avec les moins de 20 ans. Il avait donc la chance de retrouver un dirigeant qu'il connaît déjà et il avait probablement une petite relation qui s'était installée entre eux.

Ces facteurs lui donnaient sans doute un plus grand goût d'aller à Tampa qu'à Columbus.

Selon Ruefrontenac.com, Boucher aura la chance de faire le saut dans la LNH avec ses adjoints Martin Raymond et Daniel Lacroix et c'est un critière important. Quand je suis arrivé à Atlanta, Don Waddell m'avait donné carte blanche à ce sujet et ça fait partie des négociations à un certain point.

Je m'attendais à un tel scénario parce que c'est certain que tu sautes sur l'occasion quand tu as la chance de faire tes débuts dans la LNH à moins que tu aies deux options…

Le timing a joué en la faveur de Guy Boucher, mais je m'explique mal la façon de travailler de Scott Howson (le directeur général des Blue Jackets) dans ce dossier. Je n'irais pas jusqu'à dire qu'il a mal géré la situation, mais plutôt l'échéancier.

Je soulève ce point parce que quand tu rencontres un candidat pour une deuxième fois et que tu décides qu'il sera ton entraîneur, tu dois l'embaucher au lieu de lui accorder trois ou quatre jours pour réfléchir à son avenir.

De plus, c'est assez étrange que tous les développements soient sortis publiquement surtout quand je compare à ce que j'ai vécu lors de mon embauche avec l'Avalanche du Colorado.

C'était géré de façon aussi secrète que la CIA! S'il le fallait, on passait par des tunnels ou les monte-charge destinés à la nourriture dans les hôtels afin de se cacher… On pouvait même opérer sous des faux noms.

La situation était complètement différente alors que les discussions entre les Jackets et Boucher avaient des allures d'un roman-savon puisque nous étions au courant des développements à toutes les minutes. Boucher était donc le seul qui pouvait être le gagnant dans ce contexte parce qu'il obtenait le contrôle de la situation.

Voici comment j'aurais imaginé la scène de la deuxième rencontre entre Howson et Boucher.

Si l'entraîneur des Bulldogs de Hamilton demande un délai de trois ou quatre jours, tu dois lui répondre non! Ensuite, tu expliques et tu as rencontré quatre ou cinq candidats intéressants et tu lui présentes une offre concrète avec le salaire en précisant que tu as 20 minutes pour donner ta réponse.

À la limite, tu peux accorder un léger boni à la signature pour motiver ton candidat numéro un. Tu dois insister que c'est une offre à prendre ou à laisser et ainsi tu transfères la pression sur Boucher au lieu de lui laisser le contrôle.

Boucher adjoint à Jacques Martin? Non

Parmi les scénarios avancés pour expliquer cette décision, quelques personnes prétendent que Boucher aurait pu devenir le nouvel adjoint de Jacques Martin, mais je ne croyais pas à cette hypothèse.

Je pensais plutôt que si le Canadien l'avait convaincu de demeurer dans son organisation, c'était pour qu'il continue de se faire la main à Hamilton.

C'était mon opinion parce que la première option aurait pu créer une situation vraiment difficile à vivre pour Jacques Martin.

Imaginez un instant les amateurs qui auraient monté aux barricades pour réclamer Guy Boucher, un excellent communicateur, comme entraîneur dès la première période sombre du Canadien… Cette situation aurait été un non-sens de placer Martin dans un tel environnement surtout qu'il a bâti un bon groupe et un bon personnel d'entraîneurs cette année.

On entend aussi dire que ça donnerait la chance à Kirk Muller de devenir entraîneur-chef à Hamilton, mais ça demeure de la pure spéculation. J'admets que c'est une possibilité, mais je ne crois pas que Muller ait besoin d'aller diriger dans la Ligue américaine pour obtenir un poste d'entraîneur-chef dans la LNH. Ceci dit, si Muller préfère ce scénario, il a le droit de le demander.

Mon expérience comparable quand j'ai fait le saut dans la LNH

Cette histoire me rappelle légèrement ce que j'avais vécu lors des séries 1996-97 alors que je dirigeais les Bears de Hershey, le club-école de l'Avalanche du Colorado, dans la Ligue américaine de hockey.

Au cœur de nos séries éliminatoires, le directeur général de l'Avalanche Pierre Lacroix m'a contacté pour me dire qu'il avait discuté avec le Canadien à la suite du départ de Mario Tremblay.

J'avais dit à Pierre Lacroix que je ne pouvais pas rencontrer le Canadien tant que mes séries ne seraient pas terminées, mais apparemment, le Canadien voulait me rencontrer immédiatement.

Pierre Lacroix avait donc fait le voyage à Philadelphie pour me rencontrer après notre septième match contre les Phantoms et ce, même si l'Avalanche poursuivait ses séries ce qui était une chose complètement illogique. Un DG ne se casse pas la tête avec son club-école quand son équipe est en séries et aspire à la coupe Stanley.

Finalement, nous avions éliminé les Phantoms devant 17 000 partisans et pendant que nos joueurs festoyaient, Lacroix m'a amené sur le banc pour me donner deux billets d'avion. Il m'a dit : «Toi et ta femme vous partez demain matin, la compensation est réglée et tu rencontres Réjean Houle.»

J'ai pris les billets d'avion, j'ai fait deux pas sur le banc des joueurs vers le vestiaire et je me suis retourné afin d'aller lui dire que je ne pouvais pas faire ça. Comment est-ce que je pourrais agir ainsi après avoir éliminé nos ennemis jurés, qui étaient en tête du classement, en plus que nous avions la possibilité de gagner le championnat.

J'avais toujours demandé à mes joueurs de prêcher par honnêteté et travail. Je ne pouvais pas rentrer dans notre vestiaire après avoir gagné la deuxième ronde et leur dire : «Merci, c'est terminé pour moi et arrangez-vous… » parce que j'avais une chance d'accéder à la LNH.

Finalement, rien ne s'est matérialisé avec le Canadien, mais j'ai gagné la coupe Calder et pendant ce temps-là, les Flyers de Philadelphie ont subi l'élimination en quatre matchs en finale de la coupe Stanley face aux Red Wings de Detroit.

Deux jours après leur élimination, les Flyers ont tenu un party auquel Bobby Clarke et Paul Holmgren étaient présents et ils avaient décidé que Terry Murray serait congédié.

Durant la soirée, ils ont discuté avec Garth Snow qui avait déjà joué pour moi avec les Aces de Cornwall. Ils lui ont posé des questions à mon sujet et Garth m'a téléphoné tout excité à 1h30 du matin le soir du party pour me dire qu'il pensait que je deviendrais son prochain entraîneur!

Je venais de manquer la chance de diriger le Canadien et je me disais que les Flyers venaient de s'incliner en finale donc j'avais la chance de diriger une excellente équipe.

Dès le lendemain, j'ai appelé Pierre Lacroix à 8h du matin pour lui raconter cette histoire et surtout lui dire que je voulais diriger les Flyers étant donné que je croyais que Marc Crawford était pour demeurer l'entraîneur de l'Avalanche pendant plusieurs années.

Mais dès sa première réponse, il m'a dit : «Tu ne coacheras pas les Flyers! »

Je lui ai répondu : « Comment ça? »

Il m'a expliqué qu'il n'était pas un grand partisan de Bobby Clarke et qu'il m'aimait beaucoup.

Il a enchaîné en me disant : «Si tu veux rester avec nous, je te fais la promesse sans pouvoir te dire quand, que tu deviendras l'entraîneur de l'Avalanche.»

Il m'a demandé si j'étais d'accord avec ça et d'oublier les Flyers et j'ai répondu : « Parfait! » et il a ensuite tenu sa parole.

Mon école de hockey

En terminant, c'est avec plaisir que je vous annonce que j'organise une fois de plus mon école de hockey cet été, en juillet, à York en Pennsylvanie.

Cette école de hockey est une excellente occasion de vivre une immersion anglaise. Je vous invite à visiter mon site Internet à l'adresse www.hartleyhockey.com pour obtenir tous les détails.

*Propos recueillis par Éric Leblanc