Grâce à une impressionnante éclosion, Jonathan Huberdeau pourrait devenir, vendredi soir, le premier attaquant québécois de la LHJMQ repêché parmi les cinq premiers espoirs depuis nul autre que son modèle, Vincent Lecavalier.

«Non, je ne le savais pas», admet Huberdeau avec plaisir au sujet de cette coïncidence. «Mais je ne pense pas vraiment à cela. Même si tu es repêché, ça ne veut pas dire que tu joueras dans la LNH; ce n'est que le début d'une carrière et tu dois ensuite travailler très fort pour évoluer à ce niveau.»

Au cours des dernières semaines, l'athlète de six pieds un pouce et 171 livres a vécu des moments inoubliables en menant son équipe au championnat de la LHJMQ et à la conquête de la Coupe Memorial. Ce fructueux parcours culminera vendredi durant la première ronde du repêchage.

«Je suis excité! J'ai hâte d'aller au repêchage et ce sera un beau moment dans ma vie. J'en rêve depuis que je suis petit», confie celui qui a célébré mardi sa graduation du high school et qui sera accompagné par environ 15 personnes au Minnesota dont ses parents, sa sœur et son frère.

À sa deuxième saison dans le circuit junior québécois, le centre des Sea Dogs de Saint John a gravi les échelons jusqu'au troisième rang sur la liste de la centrale de recrutement de la LNH, en plus de coiffer Sean Couturier (6e) des Voltigeurs de Drummondville.

Huberdeau a même surpris Normand Gosselin qui avait incité les Sea Dogs à le repêcher après avoir suivi son parcours depuis son arrivée dans le Midget AAA à 15 ans.

«Honnêtement, je ne pensais pas qu'il se rendrait au point où il est présentement», avoue celui qui œuvre maintenant comme recruteur pour les Coyotes de Phoenix.

En fait, l'attaquant gaucher a étonné plusieurs têtes de hockey et son entraîneur Gerard Gallant se classe aussi dans cette catégorie.

«Je suis définitivement surpris. Je savais qu'il serait un excellent joueur quand je l'ai vu à notre camp d'entraînement il y a deux ans, mais il était encore petit et pas très fort à ce moment. C'est sensationnel de voir comment il s'est développé», note Gallant qui a été entraîneur dans la LNH pendant sept saisons après 615 parties comme ailier gauche.

En raison de son potentiel et de ses 43 buts et 62 aides pour 105 points en 67 parties (3e pointeur de la LHJMQ), certaines rumeurs avancent que Huberdeau pourrait même mêler les cartes et être sélectionné en première position.

«Même s'il est un excellent joueur, je n'irais pas jusque-là. Il a prouvé tout au long de la saison, des séries et même à la Coupe Memorial qu'il est un joueur d'impact et qu'il rend ses coéquipiers meilleurs. Je pense que la plupart des équipes le placent très haut, mais de là à dire au premier rang, je prendrais cela avec des bémols… il faut respirer un peu», explique Alain Chainey, le directeur du développement des joueurs pour les Ducks d'Anaheim.

De son côté, Gosselin n'écarte pas cette possibilité. «Ce n'est pas exagéré. Il faut savoir que certains repêchages sont dominés par des joueurs comme Sidney Crosby qui se démarquent réellement du lot. Huberdeau n'appartient pas à cette catégorie tout comme Ryan Nugent-Hopkins (l'espoir numéro un) ou Gabriel Landeskog (espoir numéro deux). Ça deviendra donc une décision d'équipe basée sur ses besoins.»

Comparé à Lecavalier, Damphousse, Goulet, Zetterberg…

Même si c'est loin d'être un indicateur infaillible, le jeu des comparaisons revient toujours sur la table pour les prochains aspirants à la LNH. Celui qui s'inspire de Lecavalier est associé à une panoplie de noms intéressants allant de Vincent Damphousse à Michel Goulet en passant par Ryan Smyth, Henrik Zetterberg et Patrick Sharp!

«Il me rappelle Damphousse et c'est un bon jeune», exprime George McPhee, le directeur général des Capitals de Washington, qui est persuadé de son potentiel notamment après avoir assisté à ses performances à la Coupe Memorial.

L'œil le plus averti pour viser juste s'avère probablement son entraîneur des deux dernières années surtout qu'il l'a aidé à peaufiner son jeu.

«Il me fait penser un peu à Ryan Smyth de la façon dont il se dirige au filet et qu'il se bat pour la rondelle sauf qu'il est plus talentueux et il possède une meilleure vision. C'est pourquoi il me fait aussi penser à Lecavalier. J'aime bien la comparaison avec Goulet, mais Jonathan lance peut-être moins souvent la rondelle tout en étant plus habile avec celle-ci», tranche Gallant.

En tant que recruteurs, Chainey et Gosselin se montrent plus prudents avec cette approche.

«Je ne veux pas m'avancer dans les comparaisons parce que ce serait trop facile et trop difficile à faire. Tout ce que je peux dire, c'est qu'il a le potentiel pour être un joueur de premier niveau dans la LNH», lance Chainey.

«Il est Jonathan Huberdeau! On peut tous faire de bonnes comparaisons. On le compare à Goulet pour ses mains et sa facilité à compter des buts, à Datsyuk pour sa vision et ses passes. Mais c'est un mélange de tout ça et sa présence physique est propre à lui. Il se dirige devant le filet et ça ne le dérange pas de payer le prix. Il a développé cet aspect qu'on ne voyait pas autant auparavant», ajoute Gosselin.

Ces associations aussi nombreuses qu'élogieuses ne semblent pas ajouter de pression sur les épaules du principal intéressé.

«Ce ne sont que des comparaisons et tu es toujours unique comme joueur. En même temps, c'est le fun qu'on me compare à ces joueurs qui ont beaucoup de talent et qui connaissent de belles carrières dans la LNH. C'est à moi de travailler fort et c'est évident que j'aimerais être comme eux dans l'avenir», explique-t-il.

Un coffre d'outils bien garni, mais sur le tard

Le développement de Huberdeau contient un élément insoupçonné puisqu'il ne s'est pas effectué aussi facilement qu'on pourrait le croire. Le hockeyeur gaucher a plutôt été écarté de la catégorie AA au hockey mineur avant un heureux revirement de situation.

«Après une année Bantam BB, je n'étais pas supposé être invité au camp du Midget AAA, mais il manquait de joueurs et j'ai eu la chance d'être invité. Ce fut mon année de développement et mon entraîneur Dave Thériault m'a beaucoup aidé», raconte Huberdeau dont le déclic s'est poursuivi dans la LHJMQ.

Depuis deux saisons, les dirigeants de la LNH ont obtenu de nombreux rapports à son sujet gracieuseté des recruteurs qui ont épié son rendement et qui n'hésitent pas à le vanter.

«Il possède une bonne vitesse sur patins ainsi qu'un sens du jeu absolument extraordinaire. Il peut compter des buts et préparer des jeux tout en démontrant une bonne éthique de travail. Avec ses très bonnes habiletés, il peut battre un adversaire à un contre un et il protège bien sa rondelle. Il a beaucoup de potentiel!», détaille Chainey.

«Je suis surtout étonné par sa capacité de s'adapter à chaque niveau de match. Il excelle sous la pression et il réussit à compter ou préparer des buts dans les moments clés. Il impressionne aussi par son sens du hockey, ses mains agiles et sa présence physique», souligne Gosselin.

Son entraîneur ajoute une perspective intéressante à ce sujet.

«Pour moi, sa plus grande force demeure son désir et son caractère. Il n'a pas seulement un excellent niveau d'habiletés et c'est son désir quand il possède la rondelle ou qu'il la perd qui le place à part de la majorité des joueurs», pointe Gallant.

Si les équipes de la LNH connaissaient déjà son potentiel, elles ont constaté que la pression ne l'effraie pas en vertu de son brio durant les séries de la LHJMQ et à la Coupe Memorial.



«Huberdeau a connu une très forte Coupe Memorial et sa valeur a monté. Je pense que Nugent-Hopkins sera le premier choix et la question est de savoir quel joueur les équipes choisiront ensuite. Malheureusement, il n'est pas près de notre rang de repêchage», a déclaré le directeur général des Maple Leafs de Toronto Brian Burke.

La liste devient beaucoup moins exhaustive lorsque vient le moment d'identifier les faiblesses de l'attaquant originaire de St-Jérôme. En fait, la force physique représente le seul aspect négatif à sa fiche et ça n'effraie pas les experts du repêchage qui s'attendent à un développement normal au cours des prochains mois.

Au bilan, la grande question demeure donc de savoir si Huberdeau sera prêt à faire le saut dans la LNH dès la saison prochaine.

«Physiquement, je crois qu'il aurait besoin d'une autre saison pour devenir plus fort. Pourra-t-il le faire en deux ou trois mois cet été? Au niveau du talent, il peut y arriver sauf que s'il veut continuer de jouer de la même façon, il doit devenir plus fort et il le sait. Je ne crois pas que les équipes voudront le placer là s'il n'est pas prêt, mais ils pourront prendre une décision en le voyant travailler au camp d'entraînement contre des hommes», affirme Gallant.

«Ça dépendra de l'équipe. Ce sont les dirigeants qui vont décider. J'entends prendre du poids cet été et je vais donner tout ce que j'ai une fois arrivé au camp d'entraînement comme je l'ai fait pour me rendre ici», conclut Huberdeau qui pourrait surprendre les observateurs une fois de plus.