Guy Carbonneau saura jeudi soir, lors d'une cérémonie qui sera tenue à Toronto, s'il a été désigné entraîneur de l'année dans la Ligue nationale de hockey et s'il n'en tenait qu'à moi, c'est son nom qui serait gravé sur le trophée Jack Adams.

Plusieurs raisons m'incitent à donner la palme à l'entraîneur du Canadien plutôt qu'aux autres nominés, Mike Babcock et Bruce Boudreau.

Carbo a mené son équipe au tout premier rang de l'Association Est alors qu'en début de saison, les observateurs étaient nombreux à voir le CH en vacances dès le début du mois d'avril. Malgré la perte d'éléments importants, son avantage numérique a été le meilleur de toute la ligue et le Canadien, contrairement à la saison précédente, a trouvé le moyen de débloquer à égalité numérique. C'était l'un des objectifs de la direction en début de saison.

Sous le règne de Carbonneau, Alex Kovalev est passé de mal-aimé à joueur dominant. Et regardez la liste de jeunes joueurs qui sont en train de se faire un nom. Carbonneau a été capable, tout en menant son équipe au sommet du classement, d'assurer la progression des Kostitsyn, Komisarek et Price, entre autres.

Carbonneau n'avait pas, au sein de son alignement, autant de potentiel que ses deux collègues nominés. Boudreau avait les Ovechkin, Semin et Backstrom, des jeunes, certes, mais dont le talent ne faisait aucun doute. À Montréal, quand on nous parlait des frères Kostitsyn en début de saison, ce n'était rien pour se péter les bretelles…

Ovechkin, la définition du joueur de concession

Je remets le trophée Hart à Alexander Ovechkin, qui a réussi l'exploit d'aider les Capitals de Washington à se qualifier pour les séries éliminatoires.

Les statistiques d'Ovechkin sont impressionnantes : 65 buts, dont 22 sur le jeu de puissance, 47 passes, un différentiel de plus-28, 450 lancers au but! Il joue près de 23 minutes par match et pendant ce temps, il ne gaspille pas une seule seconde. Il est spectaculaire, intense et ce qui m'impressionne, c'est qu'il va toujours au contact. C'est rare de voir un joueur de son talent s'impliquer autant physiquement.

Si on fait disparaître Ovechkin, tout s'écroule à Washington. L'entraîneur connaît moins de succès, Semin et Backstrom sont moins productifs, un vétéran comme Sergei Fedorov n'a plus sa raison d'être. Ovechkin est un véritable joueur de concession autour de qui le reste de son équipe est bâti.

Il y a Brodeur et il y a les autres

Je ne vois pas qui pourrait voler le trophée Vézina à Martin Brodeur cette année. Le cerbère québécois a littéralement porté les Devils sur ses épaules en disputant 77 matchs. Il a signé 44 victoires, quatre par blanchissage et montré un pourcentage d'efficacité de ,920.

Ce qui est encore plus impressionnant, c'est que Brodeur a connu un début de saison au ralenti. Lors de ses six ou sept premiers matchs, il n'était pas l'ombre de lui-même. Il a éprouvé des problèmes avec son entraîneur, mais il a fait preuve de beaucoup de professionnalisme. Il s'est relevé et a montré le chemin au reste de ses coéquipiers.

C'est ce qui fait la force de caractère d'un joueur : sa façon de réagir quand il a un genou au sol. À ce chapitre, Brodeur est un vrai.

Il ne faut pas non plus oublier qu'au cours des dernières années, il a perdu les Niedermayer, Rafalski et Stevens, des défenseurs de premier plan. Cette saison, seulement trois de ses défenseurs ont joué au moins 70 matchs. Il a réussi à garder les Devils au sommet de l'Association Est et à faire de leur défensive une unité plus que respectable. Ses défenseurs paraissent bien à cause de lui.

À son âge, je ne sais pas s'il s'agit de sa dernière chance de rafler le Vézina, mais cette année, personne ne le mérite plus que lui.

Lidstrom, un leader exemplaire

Je donne le Norris à Nicklas Lidstrom, qui vient de devenir le premier capitaine européen à remporter la coupe Stanley. On pourrait évidemment s'attarder sur les statistiques (70 points en 76 matchs, différentiel de plus-40), mais ce qui m'impressionne à propos de Lidstrom, ce sont ses qualités de leader et l'influence qu'il a sur les joueurs autour de lui.

Le Suédois est une source de motivation pour ses coéquipiers. Il a été capable de réunir un groupe d'Européens avec un groupe de Nord-Américains pour former une chimie à l'épreuve de tout. À travers la LNH, on a peur de jouer contre les Red Wings et la présence de Lidstrom y est pour beaucoup.

Les amateurs de hockey de la côte Est ont pu apprendre à mieux connaître Lidstrom au cours des dernières séries. On s'est aperçu que quand ça va mal pour son équipe, c'est autour de lui que les joueurs se regroupent. C'est un joueur respecté par l'adversaire, qui ne donne jamais de coups salauds. Il pratique son sport comme il devrait être pratiqué.

Un Blackhawk, mais lequel?

On s'attend tous à ce qu'un joueur des Blackhawks monte sur la scène pour accepter le trophée Calder. Alors que plusieurs croient que ce joueur sera Patrick Kane, je penche plutôt du côté de son coéquipier Jonathan Toews.

J'opte pour le jeune Canadien même si une blessure l'a forcé à manquer sa part de match. Pourquoi? Parce qu'il occupe une position clé, celle de joueur de centre, et qu'il est plus complet que Kane et Nicklas Backstrom, l'autre nominé.

Toews ne pense pas simplement à marquer. Il a une bonne vision du jeu et se démarque par l'impact qu'il exerce en défensive. En fait, il sait s'impliquer dans les trois zones de la patinoire. Je suis persuadé qu'il est le prochain capitaine des Blackhawks et s'il continue sur la même voie, il va devenir un joueur de la trempe des Steve Yzerman et Joe Sakic.

Datsyuk, un joueur complet

Finalement, je donne le trophée Frank Selke à Pavel Datsyuk, des Red Wings. En fait, on pourrait le remettre au duo qu'il forme avec Henrik Zetterberg, qui est également en nomination, mais je favorise le Russe parce qu'il joue au centre. Je reviens souvent là-dessus, mais pour moi, une équipe se bâtit d'abord devant le filet, ensuite à la défensive, et puis au centre. C'est une position tellement plus difficile, ça peut prendre des années à la maîtriser entièrement.

Datsyuk est un joueur intense, fougueux et agressif. C'est lui qui peut te donner le plus de points à l'intérieur d'un système défensif. Il comprend bien son rôle et le remplit à la perfection. Et en plus, il excelle sur les mises en jeu.

*Propos recueillis par Nicolas Landry