Justice lui a été rendue
Hockey samedi, 14 avr. 2012. 19:09 vendredi, 13 déc. 2024. 16:32
Emile Bouchard nous a quittés après s'être courageusement accroché à la vie au cours des dernières années. Sans jeu de mots, c'est un pan de mur de la riche histoire du Canadien qui vient de tomber.
Ils sont rares ceux qui peuvent prétendre l'avoir vu jouer dans les meilleurs moments de sa carrière. Le doyen de la presse sportive québécoise, Red Fisher, attaché aux activités de l'équipe depuis 57 ans, a vu quelques-uns de ses derniers matchs alors qu'il n'était pas l'ombre du grand joueur qu'il a été.
La génération d'aujourd'hui, quant à elle, a pu faire sa connaissance quand le retrait de son chandail a généré beaucoup d'émotion dans la population. N'eut été de cette soirée magique, peu de gens auraient su toute la place que ce gentil géant a occupée chez le Canadien.
Encore aujourd'hui, les amateurs savent peu de choses sur ses débuts plutôt cahoteux dans le hockey. Comme ses parents avaient tout juste assez d'argent pour le nécessaire, Bouchard n'a pas chaussé sa première paire de patins avant l'âge de 16 ans. Quand il est entré au secondaire, il a finalement pu se procurer un équipement de hockey complet grâce aux 35$ qu'il avait empruntés à son frère. Il adorait le hockey, mais il n'osait même pas rêver de porter un jour les couleurs du Canadien parce qu'il avait commencé à patiner beaucoup trop tard. On n'entre tout simplement pas dans la ligue nationale dans la peau d'une vocation tardive.
Cet homme déterminé est pourtant devenu l'un des grands capitaines du Canadien avant d'entrer au Panthéon du hockey et de voir son chandail numéro 3 immortalisé dans les hauteurs du Centre Bell.
Parce qu'il était fort comme un boeuf, il a fait des pas de géant pour finalement obtenir sa chance avec le Canadien dès l'âge de 21 ans. Il n'était pas un grand patineur, comme on peut facilement le deviner, mais quand on lui entrait dedans, c'était comme si on avait foncé de plein fouet dans un mur. Il n'y a pas de doute que ce sont ses attributs physiques qui lui ont ouvert les portes de la Ligue nationale.
Dès son premier camp d'entraînement, il s'est fait un nom en frappant tout ce qui bougeait devant lui. Dans le temps, le policier du Canadien était Murph Chamberlain. Pour lui, il n'était pas question de s'en laisser imposer par cette recrue qui sortait de nulle part. Néanmoins, chaque fois que Chamberlain se mettait en tête de passer de son côté, il se retrouvait coincé entre la bande et le jeune Bouchard. Sans le savoir, on assistait aux premiers coups d'éclat de la glorieuse carrière de celui qu'un coéquipier, Bob Filion, a baptisé affectueusement Butch.
Le protecteur du Rocket
Bouchard est vite devenu le protecteur de Maurice Richard. Arrivé avec le Canadien un an plus tard, Richard ne ressemblait en rien à la légende qu'il est devenue. À ses débuts, ils était un joueur frêle, plutôt marginal. Un jour, le Rocket lui a rendu un ultime hommage en déclarant publiquement que durant toute sa carrière, son ami Butch avait été le seul joueur à s'être constamment porté à sa rescousse.
C'est à l'unanimité que Bouchard avait été choisi capitaine par ses compagnons de jeu. D'ailleurs, il n'aurait jamais accepté d'être le choix de la direction de l'équipe. Quand Serge Savard avait décrété que Mike Keane serait le capitaine du Canadien, il ne s'était pas gêné pour affirmer qu'il s'agissait d'une erreur. Pour lui, un capitaine doit représenter la voix des joueurs, pas celle de la direction.
Il est ainsi devenu un capitaine respecté et aimé. Quand un coéquipier avait des ennuis, quand un autre avait un problème, soit financier ou familial, c'est vers lui qu'on se tournait pour un conseil ou pour de l'aide. Jean Béliveau s'est souvenu de cette façon de faire quand il est devenu capitaine à son tour. Totalement dévoué à ses compagnons de jeu, Béliveau avait fait remarquer à toute l'équipe qu'on pouvait le déranger jour et nuit en cas de besoin. Ce que certains ont fait.
À la fin de sa carrière, même s'il n'avait plus aucun lien avec le Canadien, Émile Bouchard a continué de porter une oreille attentive aux besoins de ses anciens compagnons d'armes. Il a même mis la main dans sa poche pour que les enfants des employés de son populaire restaurant puissent recevoir des soins médicaux.
Ses dernières ovations
Deux très beaux moments ont marqué les dernières années de la vie d'Émile Bouchard. Le retrait de son chandail a permis au public de lui accorder la dernière longue ovation de sa vie, un moment rendu possible par Geoff Molson qui, dès son arrivée comme propriétaire, a corrigé une injustice flagrante. On comprend pourquoi il l'a fait quand il déclare aujourd'hui que monsieur Bouchard a été l'un des grands défenseurs dans l'histoire de l'organisation. Ce que toutes les administrations précédentes avaient refusé de reconnaître avant lui.
L'autre grande sortie publique de Bouchard est survenue à l'occasion de la fermeture du Forum quand tous les anciens capitaines s'étaient échangés le flambeau sur la patinoire. C'est Bouchard, le doyen du groupe, qui avait quitté le vestiaire, d'une démarche lente mais fière, portant le flambeau bien haut, pour fouler cette glace légendaire pour la dernière fois.
C'est une chance que ces événements directement reliés à la riche histoire du Canadien aient permis à un public jeune de faire sa connaissance. Justice lui a été rendue sur toute la ligne.
Ils sont rares ceux qui peuvent prétendre l'avoir vu jouer dans les meilleurs moments de sa carrière. Le doyen de la presse sportive québécoise, Red Fisher, attaché aux activités de l'équipe depuis 57 ans, a vu quelques-uns de ses derniers matchs alors qu'il n'était pas l'ombre du grand joueur qu'il a été.
La génération d'aujourd'hui, quant à elle, a pu faire sa connaissance quand le retrait de son chandail a généré beaucoup d'émotion dans la population. N'eut été de cette soirée magique, peu de gens auraient su toute la place que ce gentil géant a occupée chez le Canadien.
Encore aujourd'hui, les amateurs savent peu de choses sur ses débuts plutôt cahoteux dans le hockey. Comme ses parents avaient tout juste assez d'argent pour le nécessaire, Bouchard n'a pas chaussé sa première paire de patins avant l'âge de 16 ans. Quand il est entré au secondaire, il a finalement pu se procurer un équipement de hockey complet grâce aux 35$ qu'il avait empruntés à son frère. Il adorait le hockey, mais il n'osait même pas rêver de porter un jour les couleurs du Canadien parce qu'il avait commencé à patiner beaucoup trop tard. On n'entre tout simplement pas dans la ligue nationale dans la peau d'une vocation tardive.
Cet homme déterminé est pourtant devenu l'un des grands capitaines du Canadien avant d'entrer au Panthéon du hockey et de voir son chandail numéro 3 immortalisé dans les hauteurs du Centre Bell.
Parce qu'il était fort comme un boeuf, il a fait des pas de géant pour finalement obtenir sa chance avec le Canadien dès l'âge de 21 ans. Il n'était pas un grand patineur, comme on peut facilement le deviner, mais quand on lui entrait dedans, c'était comme si on avait foncé de plein fouet dans un mur. Il n'y a pas de doute que ce sont ses attributs physiques qui lui ont ouvert les portes de la Ligue nationale.
Dès son premier camp d'entraînement, il s'est fait un nom en frappant tout ce qui bougeait devant lui. Dans le temps, le policier du Canadien était Murph Chamberlain. Pour lui, il n'était pas question de s'en laisser imposer par cette recrue qui sortait de nulle part. Néanmoins, chaque fois que Chamberlain se mettait en tête de passer de son côté, il se retrouvait coincé entre la bande et le jeune Bouchard. Sans le savoir, on assistait aux premiers coups d'éclat de la glorieuse carrière de celui qu'un coéquipier, Bob Filion, a baptisé affectueusement Butch.
Le protecteur du Rocket
Bouchard est vite devenu le protecteur de Maurice Richard. Arrivé avec le Canadien un an plus tard, Richard ne ressemblait en rien à la légende qu'il est devenue. À ses débuts, ils était un joueur frêle, plutôt marginal. Un jour, le Rocket lui a rendu un ultime hommage en déclarant publiquement que durant toute sa carrière, son ami Butch avait été le seul joueur à s'être constamment porté à sa rescousse.
C'est à l'unanimité que Bouchard avait été choisi capitaine par ses compagnons de jeu. D'ailleurs, il n'aurait jamais accepté d'être le choix de la direction de l'équipe. Quand Serge Savard avait décrété que Mike Keane serait le capitaine du Canadien, il ne s'était pas gêné pour affirmer qu'il s'agissait d'une erreur. Pour lui, un capitaine doit représenter la voix des joueurs, pas celle de la direction.
Il est ainsi devenu un capitaine respecté et aimé. Quand un coéquipier avait des ennuis, quand un autre avait un problème, soit financier ou familial, c'est vers lui qu'on se tournait pour un conseil ou pour de l'aide. Jean Béliveau s'est souvenu de cette façon de faire quand il est devenu capitaine à son tour. Totalement dévoué à ses compagnons de jeu, Béliveau avait fait remarquer à toute l'équipe qu'on pouvait le déranger jour et nuit en cas de besoin. Ce que certains ont fait.
À la fin de sa carrière, même s'il n'avait plus aucun lien avec le Canadien, Émile Bouchard a continué de porter une oreille attentive aux besoins de ses anciens compagnons d'armes. Il a même mis la main dans sa poche pour que les enfants des employés de son populaire restaurant puissent recevoir des soins médicaux.
Ses dernières ovations
Deux très beaux moments ont marqué les dernières années de la vie d'Émile Bouchard. Le retrait de son chandail a permis au public de lui accorder la dernière longue ovation de sa vie, un moment rendu possible par Geoff Molson qui, dès son arrivée comme propriétaire, a corrigé une injustice flagrante. On comprend pourquoi il l'a fait quand il déclare aujourd'hui que monsieur Bouchard a été l'un des grands défenseurs dans l'histoire de l'organisation. Ce que toutes les administrations précédentes avaient refusé de reconnaître avant lui.
L'autre grande sortie publique de Bouchard est survenue à l'occasion de la fermeture du Forum quand tous les anciens capitaines s'étaient échangés le flambeau sur la patinoire. C'est Bouchard, le doyen du groupe, qui avait quitté le vestiaire, d'une démarche lente mais fière, portant le flambeau bien haut, pour fouler cette glace légendaire pour la dernière fois.
C'est une chance que ces événements directement reliés à la riche histoire du Canadien aient permis à un public jeune de faire sa connaissance. Justice lui a été rendue sur toute la ligne.