À pareille date l’an dernier, le Canadien a commencé à chavirer. Carey Price manquant à l’appel, Marc Bergevin ne sait plus à quel saint se vouer. Quelques jours après Noël, le directeur général essaye de sauver les meubles en recrutant un Albertain de 29 ans de l’organisation des Oilers d’Edmonton. C’est dans ce contexte difficile que s’est amorcé le passage à Montréal de Ben Scrivens.

« Ce n’était pas facile d’essayer de remplacer le meilleur gardien au monde. J’ai essayé d’être un coéquipier de qualité pour Mike Condon. Ce dernier a tout de même connu une bonne saison à titre de recrue. Je crois toutefois que certains avaient des attentes irréalistes envers lui. Carey n’a pas été le seul à se blesser. Nous avons tous travaillé très fort pour renverser la vapeur, mais ça n’a malheureusement pas fonctionné. »

Scrivens ne regrette toutefois pas son passage à Montréal. Il n’a que de bons mots pour le Canadien et ses partisans.

« L’atmosphère du Centre Bell est incroyable. C’est un des plus gros arénas de la ligue et c’est toujours un plaisir d’y jouer. Les Montréalais connaissent le hockey et c’est toujours plaisant pour un joueur d’avoir l’appui de gens comme ça. J’ai aussi beaucoup aimé la ville. Je m’y suis fait beaucoup d’amis. »

Cet été, Scrivens n’a pas reçu beaucoup d’offres intéressantes de la part de club de la LNH. Il n’a donc pas perdu de temps et il a accepté une offre du Dinamo de Minsk, le club biélorusse de la KHL.

« Le lendemain de l’ouverture des marchés, je me suis empressé de conclure une entente avec le Dinamo. Attendre après une offre me paraissait être un coup de dés. Minsk ne m’était pas totalement étrangère. J’avais joué pour Hockey Canada lors des Championnats mondiaux de 2014 et j’avais bien apprécié la ville. Ç'a donc facilité ma décision. »

Auprès des agents, le Dinamo de Minsk a une bonne réputation. Le club paye toujours ses joueurs dans les temps. L’amphithéâtre du club, le Minsk Aréna, est neuf. Ses 15 000 sièges se remplissent de partisans enflammés à chaque match. Scrivens ne regrette pas son choix.

« C’est très plaisant de jouer à Minsk. En général, mon transfert au Belarus s’est très bien déroulé. Je suis venu ici sans me faire d’illusion. Je savais que ce serait différent de l’Amérique du Nord et je n’ai donc pas eu de réel choc culturel. Lorsqu'on voyage dans cet état d’esprit, on n’est pas déstabilisé par la culture locale et les mentalités différentes de notre pays d’accueil. »

Depuis quelques années, les pays d’Europe de l’Est ont fait les manchettes à cause de lois controversées liées aux droits des gais. En Amérique du Nord, Ben Scrivens est connu du public pour ses positions contre la discrimination des minorités culturelles. En 2013, il a pris part à la Marche de la fierté de Toronto. Il a aussi participé à un reportage de TSN intitulé ReOrientation, diffusé en janvier 2014, portant sur les difficultés connues par les joueurs gais dans la LNH. Le gardien albertain ne parle jamais de politiques outremer, mais...

« Ici, les gens ont des opinions différentes des miennes par rapport à certaines causes qui me portent à cœur. Cela dit, ça ne m’a pas surpris outre mesure. Lorsque j’ai signé mon contrat, je savais qu’en Russie les mentalités ne sont pas les mêmes. »

Lorsqu’on le regarde sur la glace, Scrivens semble bel et bien avoir la tête au hockey. L’Albertain a défendu la cage du Dinamo lors des 34 joutes de l’équipe cette saison. Il a accordé 2,45 buts par match et il a bloqué 91,1 % des tirs dirigés contre lui. Grâce à ses 20 victoires, le club occupe le cinquième rang de la conférence de l’Ouest. Son parcours impressionne ses coéquipiers dont fait partie le gardien franco-ontarien Kevin Lalande.

« Beaucoup de gardiens de la LNH ont de la difficulté lorsqu’ils arrivent dans la KHL. Durant le lockout, Pekka Rinne a eu de la misère à s’adapter. Je ne sais pas si c’est la grande patinoire ou le style de jeu, mais il ne l’a pas eu facile. Ben, ça lui a pris une dizaine de matchs avant d’être à l’aise, mais il a maintenant trouvé son rythme et il va très bien. Jouer 34 joutes d’affilée, c’est réellement un exploit. »

Kevin LalandeKevin Lalande se remet en forme

Ben Scrivens a dû jouer tous les matchs de la saison, car le premier gardien du club s’est retrouvé sur le carreau. Lors du premier match des qualifications olympiques, en septembre dernier, Kevin Lalande a subi une commotion cérébrale. Gardien de but numéro 1 de l’équipe nationale du Belarus, l’Ottavien a dû assister à l’exclusion de son pays d’adoption à partir de la galerie de la presse.

« C’était très frustrant. Je suis arrivé à Minsk le 3 juillet dernier et nous prenions ces qualifications très au sérieux. Nous voulions tellement jouer aux Jeux olympiques. Jouer à la maison, c’était un gros avantage pour nous. Nous étions dans notre environnement et nous pouvions compter sur nos partisans. J’ai essayé de jouer contre la Pologne, mais je n’étais plus capable de suivre le match. Avec ma commotion, je ne pouvais plus aider l’équipe. »

Le Belarus est passé à un cheveu d’une participation aux Jeux de Pyoŏngchang. Le sort du pays d’Alexander Lukashenko s’est joué en tirs de barrage contre la Slovénie. L’ex-République soviétique a mené une dure lutte aux Slovènes, aux Polonais et aux Danois, mais le sort a joué contre elle.

« Après nos derniers Championnats mondiaux, je voulais réellement rebondir lors des qualifications olympiques. Cette commotion a été un coup dur pour moi. Le reste de l’équipe a toute de même très bien joué. Le jeune Mikhail Karnaukhov a bien fait devant les buts. C’est un des points positifs du tournoi, car il a prouvé qu’il a le potentiel pour prendre la relève dans le futur. Cela dit, ça demeure triste de rater les Jeux par une défaite en tirs de barrage. »

À cause de sa commotion, Kevin a raté le début de saison de la KHL. Ses symptômes ont toutefois disparu et il se rapproche à grands pas d’un retour au jeu. Lors du dernier voyage du Dinamo, il a tenu à accompagner l’équipe pour s’entrainer avec ses coéquipiers.

« Je dois regagner ma place. Les gars ont trois mois de hockey dans le corps et moi je n’ai pas joué un match. Il faut que je me mette au rythme de la saison. On ne parle pas seulement de jouer des matchs. Il faut se remettre dans la routine quotidienne d’un gardien de but. Ça inclut les réunions d’équipe, les séances de patinage, etc.… Après plus de deux semaines avec l’équipe, je commence à me sentir d’attaque. »

La date du premier départ de Lalande n’est toujours pas connue. Le club n’est pas dans une situation difficile. Si la tendance se maintient, le Dinamo sera des séries éliminatoires cette année. L’Ottavien est très heureux de pouvoir revenir au sein d’une formation gagnante.

« C’est un beau défi. C’est aussi une bonne préparation pour les Championnats mondiaux. Dans un tel contexte, je n’ai pas le choix d’être en forme et de livrer la marchandise. Je ne sais pas si je vais recommencer à jouer sur la route ou à domicile. À Minsk, j’ai du succès et c’est toujours rassurant de jouer dans un environnement connu. Sur la route, on s’évite toutefois les distractions. Au stade où nous en sommes, la décision se prendra en fonction des besoins de l’équipe et de mon état psychologique. »