MONTRÉAL – « C'est comme ça au hockey professionnel, tu n’es vraiment qu’un numéro. C'est la dure réalité du hockey, mais je la connaissais déjà. Par contre, ça peut être frustrant pour les joueurs qui ne le réalisaient pas. »

Un simple numéro, voilà comment bien des joueurs de la Ligue américaine se sont plus que jamais sentis durant la saison 2021. C’est d’ailleurs l’expression utilisée par trois différents joueurs interviewés, de manière anonyme, la semaine dernière, pour avoir l’heure juste à propos de cette saison surréaliste. 

Loin d’encaisser les millions de la LNH, les joueurs de la LAH ont appris qu’ils devraient se contenter d’encaisser 48% de leur salaire avant d’entamer cette saison écourtée. Oui, ça s’explique avant tout parce que le calendrier a été considérablement réduit et que la majorité des matchs ont été disputées devant des gradins vides. 

Mais, au final, ça ne réduisait pas les frais mensuels rattachés au loyer, à la nourriture et au transport pour les joueurs. Afin d’avoir un bilan plus représentatif, on a sondé trois vétérans qui ne disposent pas d’un imposant contrat. 

« Ça fait quelques années que je joue au niveau professionnel et je ne suis pas du style à vouloir flasher donc j’ai été capable de traverser la tempête. Mais je pense à ceux qui commencent ou qui doivent se prendre un appartement ailleurs, c’est clair qu’ils perdaient beaucoup d’argent et même que certains finissaient par payer pour jouer cette année », a précisé un joueur pour dresser le portrait. 

« Oui, dans la Ligue américaine, y'en a qui font des excellents salaires, mais la plupart sont payés autour de 70 000$. Quand on coupe ça de moitié, ça fait qu’on arrive presque tous kif-kif. [...] Quelques coéquipiers m’ont demandé des conseils financiers parce que certains capotaient un peu », a reconnu le deuxième joueur à ce propos. 

Le troisième avait un statut encore plus précaire en jouant sous un contrat d’essai professionnel. Heureusement, il a reçu l’aide de sa copine. 

« J'ai été chanceux, j'ai une blonde ici donc je n’avais pas besoin de payer d'appartement.  Mais je connais des gars, surtout ceux en Californie, avec un bail à 2000$ par mois, qui vont perdre de l'argent. C’est quand même assez particulier de penser que c’est ta job, mais que tu perds de l’argent », a raconté le troisième joueur. 

Dans les circonstances actuelles, ce patineur a eu passablement de veine. En effet, contrairement à d’autres clubs, son organisation n’a pas tenté de contourner le système. Une règle avait été adoptée pour fixer le salaire minimum à 30 000$ après la réduction de 48%. Mais, quelques équipes ont invoqué que ce revenu minimal ne s’appliquait pas pour un contrat d’essai professionnel. 

Cela dit, la précarité de son contrat, qui pouvait être résilié n’importe quand, lui a fait vivre des moments plus élevés de stress. Quand on ajoute le tout aux incertitudes provoquées par la COVID-19, ça commençait à faire beaucoup. 

« C’est sûr. Quand ça faisait deux ou trois matchs que je n’étais pas de la formation et que je voyais qu’on était plusieurs joueurs supplémentaires, c'était encore plus stressant que d’habitude. Mais on savait que ce n’était pas seulement notre domaine qui était touché donc on se considérait quand même chanceux de jouer. En même temps, je ne te mentirai pas, c’était difficile », a confié ce joueur. 

Quant aux mesures sanitaires à respecter, elles ont rappelé de vieux souvenirs plus ou moins plaisants du hockey junior à plusieurs joueurs.

« On ne prenait plus l’avion, c’était l'autobus pour aller partout. Pour quatre ou cinq voyages, on est revenus à 7 h du matin. Ça faisait longtemps que je n’avais pas vécu ça », a commenté l’un des athlètes. 

Durant la saison, les joueurs de la Ligue américaine n’ont pas fait de vagues avec ces histoires. Passionnés de leur métier, ils ne se tournent pas automatiquement vers l’aventure européenne. 

« Ce serait facile de dire ‘Je m'en vais en Europe’. Mais tu t'accroches au rêve de jouer dans la LNH. Si tu veux t'accrocher à ce rêve, tu es à leur merci et t'es vraiment un numéro », a exposé un joueur qui n’écarte pas cette idée à moyen terme. 

Des 'séries' malgré l'avis des joueurs 

Le comble demeure cette improvisation de ‘séries’ au sein de la division Pacifique sans aucun championnat à l’enjeu. Même si les joueurs des sept clubs de cette division ont voté 133 à 8 contre un tournoi éliminatoire, les dirigeants ont tenu leur bout. 

Il importe de connaître ce qui irritait tant les joueurs à propos de ce concept :

-Les joueurs ne sont pas payés pour les séries après un salaire réduit à 48% en saison régulière
-Le bail de la plupart des joueurs était terminé ce qui impliquait de loger à l’hôtel
-Quelques équipes ne payaient pas l’hôtel pour leurs joueurs
-Mais surtout, si un joueur se blessait, il n’aurait pas été indemnisé par l’équivalent de la CNESST du Québec. La compensation est basée sur le salaire de la dernière semaine et les joueurs ne sont pas rémunérés

« Les dirigeants des équipes ont toutes pris ces informations puis ils ont voté 7-0 en faveur des séries. Quelle grande considération pour les joueurs... », a ironisé un des joueurs. 

« Si quelque chose de grave arrive, tu es un peu dans la merde», a ajouté un autre. 

Les joueurs de la division Pacifique pouvaient choisir de renoncer aux séries. Mais ça venait avec un autre risque considérable. 

« C’est facile à dire, tu ne peux pas vraiment dire que tu ne joueras pas. Ça ne sera trop long que les directeurs généraux vont te lancer ‘Tu dis que tu es un bon meneur pour les jeunes, mais tu ne voulais même pas les suivre’. Ça fait que ton nom est un peu barré. Il y avait aussi des dirigeants qui disaient qu'ils allaient barrer tous les joueurs qui se retiraient. Il y avait de grosses répercussions », a exposé un joueur. 

Dans cette galère, le plus beau geste est venu de vétérans chez les Maple Leafs de Toronto qui ont décidé de piger dans leurs poches pour offrir un soutien financier aux joueurs de leur club-école. 

Les trois joueurs qui ont témoigné, avec grande franchise, au RDS.ca, ont tous salué cette solidarité qui n’a pas été imitée ailleurs. Cependant, leur plus grand souhait demeure avant tout de renouer avec les conditions habituelles du métier qu’ils chérissent tant. 

« J’ai de la misère à me plaindre parce que j’adore ce que je fais. Si tu me donnes le choix entre le hockey ou travailler dans une usine de 8 h à 17 h, je prends le hockey à 100% », a conclu un joueur dont l’opinion est partagée par les deux autres.