LAVAL – Pour cette grande première dans le hockey professionnel québécois, Élizabeth Mantha a eu droit au traitement complet : le tour en solitaire avant la partie pour savourer l’accomplissement, de chauds applaudissements de la foule et les félicitations de joueurs et entraîneurs. 

On doit le dire, c’était beau à voir qu’une arbitre reçoive un tel accueil des partisans et elle a bien entendu le tout. 

« Oui, c’est la première fois que ça m’arrive !, a lancé Mantha avec un grand et naturel sourire. Un des juges de lignes m’a dit ‘Est-ce que tu réalises, ça n’arrive jamais !' »

Preuve qu’elle était fin prête pour ce moment charnière, Mantha n’a attendu que 201 secondes avant d’imposer sa première infraction. 

« C’est ça qu’il fallait, la première décision et on passe à autre chose. Dans le fond, on revient à la base et on fait ce qu’on a appris », a exprimé Mantha qui a eu besoin de la première période pour se sentir véritablement à l’aise sur la patinoire.

Car elle n’a pas voulu le cacher, la nervosité était présente. Rien de plus normal quand on devient la première femme à arbitre un match professionnel dans l’histoire du hockey québécois. 

« C’était une journée un peu stressante. J’ai essayé de me préparer comme je pouvais, de rester dans le moment présent, d’en profiter et de me dire que j’étais ici pour une raison : parce que je méritais ma place. J’essayais un peu de me convaincre dans un sens, mais ça s’est bien passé », a exprimé celle qui était appuyée, par toute une coïncidence, de Cody Beach, le frère de Kyle Beach.

Mantha avait un excellent allié pour l’aider à chasser la nervosité : son frère Anthony, avec lequel elle a échangé quelques messages durant la journée. 

« Je lui ai demandé comment il faisait pour gérer le stress avant le match », a avoué Élizabeth en riant. 

Elle pouvait aussi se rappeler qu’une imposante délégation était venue l’encourager. Non, des membres de sa famille et certains de ses amis n’étaient ne portaient pas un maillot d’arbitre pour l’Halloween, mais bien pour la féliciter de son exploit. 

« Ça me fait chaud au cœur qu’ils soient venus me voir et que je puisse être un peu, dans un sens, une pionnière. Je sais qu’ils sont fiers de moi », a remercié l’arbitre. 

Bien sûr, il ne s’agissait que de son premier match dans la Ligue américaine et son deuxième se déroulera, à Toronto, en novembre. Tout de même, ça lui donnait un aperçu du calibre de la LAH. Ainsi, croit-elle que l’ascension vers la LNH est à sa portée ? 

« J’en ai aucune idée, ça va dépendre du travail qu’on fait comme groupe (les 10 femmes : 7 arbitres et 3 juges de lignes qui auront une audition dans la LAH) . J’imagine qu’il y aura d’autres femmes qui vont monter dans les prochaines années. On aime ça y penser et y rêver, mais c’est vraiment difficile à dire dire. J’ai une besoin d’une adaptation dans le Midget AAA et ensuite dans le Junior AAA et maintenant ce sera la Ligue américaine et ça pourrait prendre des années », a répondu Mantha candidement. 

André Pronovost n'aurait jamais pu imaginer ce moment

Parmi le groupe d’une cinquantaine de supporters, il y avait son grand-père, André Pronovost, qui a joué plus de 500 matchs dans la LNH dans les années 1950 et 1960. 

En l’espace de quelques années, Pronovost a eu l’immense privilège d’assister au premier match d’Anthony dans la LNH et celui d’Élizabeth comme arbitre au niveau professionnel. 

« C’était peut-être un peu plus impressionnant de voir Anthony à ses débuts dans la LNH. Mais là, de voir qu’elle est l’une des premières femmes à arbitrer dans le professionnel, ça fait un grand sentiment de fierté et de bonheur », a reconnu Pronovost au RDS.ca. 

Pronovost n’a pas à être gêné de l’admettre, il n’aurait jamais cru à son époque d’athlète professionnel qu’une femme hériterait de ce rôle éventuellement. 

« Vraiment pas et même après quand j’ai été entraîneur à Shawinigan en 1973. C’est bien, c’est l’évolution », a confié Pronovost qui lui souhaite de devenir l’une des premières à convaincre la LNH qu’elle peut remplir ce mandat. 

Le premier entracte nous a également permis de discuter avec Barbara, l’une de ses deux sœurs. 

« J’étais très émue, c’était incroyable de la voir seule pour le premier tour de glace. Ça m’a donné des frissons, elle le mérite vraiment. C’est tellement une belle avancée pour les femmes. Elle y tenait beaucoup, ça fait des années qu’elle en parle et elle a enfin réussi », a déclaré Barbara en acceptant de comparer la sensation avec celle du début d’Anthony dans la LNH.  

« C’est très similaire, je te dirais que j’étais même plus nerveuse pour ma sœur. Parce qu’Anthony est toujours très en contrôle et je suis un peu plus proche, au niveau émotif, avec ma sœur donc je pense que je ressens davantage ses émotions. »

À ses yeux, cette étape était le pont nécessaire pour convaincre la LNH d’imiter la NFL et la NBA. 

« Je pense que oui, je crois que c’était la poussée que ça prenait. Le calibre est quand même assez similaire, elle en est vraiment capable », a lancé Barbara.  

Les joueurs sont contents de voir le hockey évoluer

La preuve que l’audition a été convaincante, Mantha n’a pas essuyé de critiques de la part des spectateurs et son boulot a été salué après la rencontre. 

« C’est super cool, on est en train de faire tomber des barrières, c’est beau à voir. Elle a fait une bonne job en plus, on n’a pas eu trop de plaintes », a noté le capitaine Xavier Ouellet. 

« C’était génial, elle a fait du bon travail et je lui lève mon chapeau. C’est bien de voir le hockey aller de l’avant », a ajouté Corey Schueneman.  

« C’est bien de voir que les femmes prennent leur place dans le hockey professionnel. Je l’ai félicitée à la mise au jeu. On va espérer en voir de plus en plus sur la patinoire », a confié Rafaël Harvey-Pinard et Jean-Sébastien Dea en a fait autant. 

« Je suis très fier pour elle, c’est un très beau moment pour le hockey et elle a très bien fait. J’ai trouvé ça impressionnant », a conclu l’entraîneur Jean-François Houle. 

L’agenda d’Élizabeth Mantha sera très occupé dans les prochains mois. Déjà qu’elle travaille comme superviseuse au service de répartition des urgences 911, elle participera aux sélections pour les Jeux olympiques, elle poursuivra à arbitrer au hockey provincial et le hockey professionnel devrait la solliciter de plus en plus. Ce ne sera que bon signe pour elle, et pour le hockey.