Un incident regrettable s'est produit samedi dernier lors d'un match de la Ligue de hockey senior A de Mauricie. Le défenseur Louis-Étienne Leblanc du Bigfoot de Saint-Léonard-d'Aston a été durement frappé par un joueur du Blizzard de Saint-Gabriel-le-Brandon, Philippe Mailhot, dans le cadre d'une bagarre survenue lors de la période d'échauffement. Il appert qu'il aurait été victime d'un coup de poing vicieux alors qu'il se trouvait en position de vulnérabilité, lequel l'a envoyé en convulsion. Leblanc est sorti de la patinoire sur une civière avec deux fractures à la mâchoire et cinq dents cassées. Subséquemment, il a été transporté en ambulance à l'hôpital où il a dû subir une opération qui le laissera avec des plaques au visage et une cicatrice permanente. Leblanc risque de conserver de graves séquelles de cet incident et c'est pourquoi, il a annoncé lundi dernier qu'il mettrait fin à sa carrière au hockey.

Quant à lui, le Blizzard a été exclu de la Ligue de hockey senior A suivant le vote unanime des gouverneurs obtenu lors d'une réunion spéciale tenue mardi dernier. Ce faisant, les gouverneurs souhaitent adresser un message clair à l'effet que les gestes excessifs ne seront pas tolérés sur la patinoire.

Potentielle poursuite criminelle?

Mercredi dernier, Leblanc a porté plainte auprès de la Sûreté du Québec. Suivant la réception d'une plainte, une enquête doit être menée par le service de police. Une fois l’enquête terminée, une poursuite criminelle contre le joueur fautif pourrait être instituée seulement si la Couronne décide qu'il existe suffisamment de preuve contre lui. Par conséquent, une plainte n'est pas pour autant synonyme d'accusation. Si la preuve est insuffisante, le dossier sera clos alors que si elle est suffisante, la couronne déterminera les accusations à déposer devant la cour.

Dans l'optique où la plainte était autorisée, c'est une accusation de voies de fait qui serait probablement déposée dans ce dossier-ci. Or, la portée de cette infraction codifiée à l'article 265 (1) du Code criminel est bien souvent limitée à la notion de consentement. Le hockey comporte des risques et le participant doit le pratiquer en toute connaissance de cause. Comme l'athlète peut volontairement consentir à se faire infliger des coups dans la pratique de son sport, son acceptation peut constituer un motif de défense suffisamment valable à l'encontre d'une telle accusation. Parce que les joueurs se livrent régulièrement à des comportements violents au hockey, il devient difficile pour les tribunaux de tracer une ligne claire entre les actes brutaux qui constituent une infraction criminelle et ceux qui ne le sont pas.

Évaluer à quel moment l'utilisation de la force devient excessive nécessite alors un examen minutieux des faits. Ainsi, il faut comprendre que la force physique dans les sports de contact n'est généralement pas criminelle puisque les athlètes y consentent implicitement par leur participation au jeu. Parfois même, ce consentement s'étend à la force qui est utilisée en dehors des règles, mais qui respecte les normes acceptées par les participants et par la nature du jeu. Cela dit, l'athlète ne consent pas pour autant aux actes de violence qui dépassent les normes ordinaires de conduite. C'est pourquoi le terrain sportif n'est pas à l'abri des poursuites criminelles.

Pour qu’il y ait infraction, le geste de l’accusé doit être accompagné de l’intention d’utiliser la force au-delà du seuil permis. La nature du sport, la teneur de l'acte, le degré de force utilisé et l'état d'esprit des participants sont tous des éléments pertinents pour déterminer si les actions de l'accusé ont été menées en violation délibérée des règles du jeu et en l’absence de consentement.

Or, la difficulté ici est que la bagarre entre Leblanc et Mailhot est survenue lors de la période d'échauffement et non durant le match. Il est vrai qu'il y a un code de conduite tacite convenu entre les joueurs et les officiels. Frapper un joueur adverse peut constituer une stratégie de jeu légitime dans la mesure où l'action est exercée avec une force raisonnable, auquel cas l'arbitre enverra le commettant au banc des pénalités. Au même titre que les joueurs prenant part à une bagarre seront maintenus hors de la glace pour une période de temps déterminée par l'arbitre. Tel que mentionné précédemment, les joueurs acceptent implicitement l'usage de la force en s'engageant volontairement dans un sport de contact, mais la nature de ce consentement doit être limitée aux risques et aux dangers habituels du sport. Par conséquent, une bagarre est-elle une conduite admise pendant l'échauffement? Là est la question. Si nous concluons qu'il s'agit d'un danger qui est inhabituel dans le cadre d'un échauffement, c'est à se demander si Leblanc pouvait préalablement y consentir.

Potentielle poursuite civile

Il ne faut pas exclure non plus la possibilité d'instituer une action en responsabilité civile contre le joueur, l'entraîneur, voire même l'organisation elle-même. Une poursuite civile a pour but d'indemniser la victime alors qu'une poursuite criminelle a pour but de punir l'auteur du délit. Dans le cadre d'une action civile, il pourrait y avoir une réclamation pour la perte de capacité de gains ainsi que la perte de gains futurs. Qui plus est, l'indemnisation pourrait comprendre le remboursement des frais engagés pour les soins et les médicaments ainsi que le paiement des préjudices non pécuniaires subis tels que la perte de jouissance de la vie, les inconvénients, les souffrances physiques ou morales. Ce montant est normalement établi par expertise médicale en vue de fixer en pourcentage des indices objectifs sur la gravité des blessures et des limitations subies par la victime.

Les préjudices subis par Leblanc sont bien réels, mais encore faut-il qu'il existe une faute et un lien de causalité pour établir, par exemple, la responsabilité de Mailhot. Pour ce faire, il faudra démontrer que Mailhot a commis une faute, soit qu'il a adopté un comportement non conforme aux standards généralement acceptés au hockey. Néanmoins, il peut y avoir un partage de responsabilité dans la mesure où la théorie de l'acceptation des risques par la victime trouve application.

Dans le monde sportif, il existe une certaine latitude envers les accidents liés à une pratique normale d'une activité. De telle sorte que la nature même du sport devrait amortir la mise en œuvre de la responsabilité pénale et civile. Toutefois, il y a des exceptions où le comportement de l'auteur du délit est si grave qu'il doit mériter une sanction en terrain judiciaire. Cela dit, les circonstances de ce malheureux incident sont pour le moins nébuleuses actuellement. La trame factuelle sera donc importante pour déterminer si l'institution d'une poursuite civile et/ou criminelle serait bien fondée ou non.