Dans les années 1970, Claude Ruel a commencé à s'occuper du développement des espoirs du Canadien. Il était le pont qui faisait le lien entre le gros club et les jeunes qu'il repêchait.

À l'époque où je dirigeais le Laser de Saint-Hyacinthe, j'avais eu sous mes ordres le défenseur Éric Charron, qui avait été un choix de première ronde du Canadien en 1988. À cette époque, il m'arrivait fréquemment d'avoir la visite de M. Ruel dans mon bureau. Il prenait des nouvelles de son joueur, me demandait mon opinion sur certaines questions, me faisait des suggestions sur son utilisation.

Bref, il discutait avec moi des besoins du joueur que j'avais sous ma gouverne, mais qui appartenait à la grande famille du Canadien. Quand les agents venaient me voir, je savais que leurs préoccupations allaient toujours être reliées à l'argent. Mais avec M. Ruel, je savais qu'il était là pour le bien du jeune, pour superviser son développement.

M. Ruel a quitté ses fonctions dans les années 1990 et n'a jamais été remplacé. L'absence d'une présence comme celle qu'il assurait jadis s'est avérée problématique au sein du Canadien de Montréal au fil des ans et mercredi, le problème a été réglé lorsqu'on a annoncé l'embauche de Martin Lapointe et Patrice Brisebois au sein du personnel de développement des joueurs du Tricolore.

La décision de Marc Bergevin d'accorder davantage d'importance au suivi des jeunes qui entrent dans son organisation en est une excellente. C'est un geste qui aurait dû être posé bien avant, une initiative qui détonne énormément de la philosophie qui était préconisée depuis presque deux décennies.

En favorisant, chez le Canadien, le modèle organisationnel qu'il a connu chez les Blackhawks de Chicago, Bergevin adapte Montréal aux nouvelles normes du hockey moderne. De plus en plus, chaque rôle est défini et placé entre les mains des personnes les plus compétentes pour le remplir. Le nouveau directeur général a le mérite non seulement d'avoir eu cette vision, mais d'avoir convaincu son patron, celui qui contrôle les cordons de la bourse, de sa nécessité.

Il est très important, pour une organisation, d'entretenir un contact solide avec ses joueurs d'avenir. Le jeune qui joue au niveau junior est animé du feu sacré. Le jour où il est repêché par le Canadien, la flamme grossit, elle enveloppe son cœur. Mais si ce jeune passe une année complète sans avoir de nouvelle de l'équipe qui le fait rêver, la flamme s'éteint peu à peu.

Il est primordial d'avoir des hommes en place qui vont assurer un suivi avec le jeune, qui vont donner de l'oxygène à sa flamme. Ce jeune a besoin d'une présence constante, de sentir qu'on le surveille, d'encouragements. Le jeune a besoin de se sentir impliqué, de sentir qu'il fait partie d'un programme, d'un plan, d'une famille.

C'est ce que devrait amener la présence de Lapointe et Brisebois. Deux Québécois, c'est vrai, mais surtout deux hommes qui devraient être compétents dans les fonctions qu'on vient de leur confier.

Brisebois, il ne fait pas de doute, a obtenu ce poste à cause de son passé au sein de la Sainte-Flanelle. Pendant ses deux séjours à Montréal, Breezer est passé à travers du meilleur comme du pire. En tant que parent, s'il y a un gars à qui je voudrais confier mon jeune pour qu'il soit bien mis au courant de la réalité du marché montréalais, c'est à Patrice Brisebois.

Je trouve aussi important que le Canadien rapatrie des anciens joueurs, des gars qui ont un vécu de gagnant dans l'uniforme bleu-blanc-rouge. Brisebois en est un.

Maintenant, j'ai bien hâte de voir à quel point Lapointe et Brisebois prendront leur rôle au sérieux. On parle ici d'anciennes vedettes de la LHN qui devront passer leurs hivers dans les petits arénas du Canada, assister à des entraînements d'équipes juniors, amener des kids de 18 ans à souper... On est loin des voyages en avion, des hôtels cinq étoiles et de la gloire des réflecteurs du Centre Bell! Ils devront tout faire pour prendre le pouls de ce qui se passe en bas du gros club et ça, c'est une implication qui demande beaucoup d'engagement et de temps.

Il ne faudrait pas non plus s'attendre à ce que l'arrivée de Brisebois et Lapointe provoque soudainement une congestion de jeunes super vedettes à Montréal! Par contre, leur présence empêchera peut-être l'organisation de se départir trop rapidement d'un jeune qu'on serait tenté d'échanger et qui aura, avec un peu de patience, un gros impact dans la LNH.

Si je vous parle de Ryan McDonagh, ça vous dit quelque chose?

Heureux pour Clément Jodoin

J'ai toujours dit que je ne donnerais pas le poste d'entraîneur en chef de mon club-école à un gars qui n'aspire pas à remplir un jour les mêmes fonctions dans la LNH. Si j'avais été dans les souliers de Marc Bergevin et que j'étais parti à la recherche d'un nouveau pilote pour les Bulldogs de Hamilton, j'aurais voulu un gars qui veut prendre de l'expérience à la position, connaître les jeunes de l'organisation et un jour prendre les commandes dans le gros show.

Je crois que Sylvain Lefebvre remplit tous ces critères.

Lefebvre trimballe une belle feuille de route comme entraîneur adjoint depuis qu'il a accroché ses patins. Toutefois, je crois fermement que tant que tu demeures dans un rôle de second, tu ne sauras jamais si tu as ce qu'il faut pour être entraîneur chef.

C'est comme le gars qui est assis à côté du pilote dans l'avion. Il le regarde gérer le tableau de bord et se dit que ça a l'air bien facile, mais le jour où il change de siège et doit prendre les décisions, ce n'est plus la même histoire! Au hockey, c'est la même chose. La pression qui pèse sur l'entraîneur chef, ses assistants n'en ressentent qu'une infime fraction.

Pour ce qui est du prédécesseur de Lefebvre, Clément Jodoin, tout indique qu'il aura un rôle dans le personnel de Michel Therrien et j'en suis bien heureux. Même en prenant la décision de trouver un nouvel entraîneur pour le club-école, le Canadien avait la responsabilité de bien traiter Jodoin, une bonne tête de hockey qui a rendu de fiers services à l'organisation.

À Montréal, Jodoin ne sera pas une menace pour l'entraîneur chef. Enseignant brillant, fin stratège, il est capable de bâtir un plan de match et de le présenter à des joueurs de la LNH de façon claire, nette et précise. La stratégie, ça devrait être son mandat chez le Tricolore.

Pour compléter son entourage, Therrien a maintenant besoin d'un bon homme de banc, un gars capable de gérer la pression, un bon communicateur qui s'y connaît à la position de défenseur. Ce n'est pas compliqué, ça prend un gars pour s'occuper de P.K. Subban.

Mon homme, ça fait longtemps que je le dis, serait Larry Robinson. Mais plus près d'ici, je crois que des gars comme Gilbert Delorme et Gaston Gingras pourraient faire du très bon travail.

*Propos recueillis par Nicolas Landry.