Je ne connais pas personnellement Geoff Molson. Il a fait aujourd'hui ce qu'un dirigeant se doit de faire dans le tumulte.

Seul au podium, il s'est tenu droit, a avoué ses torts et s'est tourné vers l'avenir en réanimant un lien avec un passé beaucoup plus glorieux. Il a rétabli une ligne directrice en soulignant trois concepts qui sont, pour moi, les points les plus importants à retenir de son allocution : leadership, communication et passion. Voilà pourquoi M. Pierre Gauthier n'est plus.

Évidemment il y a toutes ses décisions « hockey » qui ont été questionnées à outrance. Bien entendu, l'élimination officielle des Canadiens devait se concrétiser avant une annonce et le dernier rang de l'Est est inacceptable. Mais au-delà de la défaite, il y a l'identité. L'identité du club de hockey le plus prestigieux de la planète, de la franchise sportive la plus décorée de l'histoire. Histoire dont la famille Molson fait partie intégralement. Avec MM. Gauthier et Gainey, il y avait une brisure claire entre un groupe de gestion de la « compétition » posé et discret, voire secret, et un groupe de direction moderne, passionné et reconnaissant d'être en place.

La décision de changer de cap ouvre les horizons. Peu de personnes toutes désignées, mais entêtées, même enflammées, auraient voulu s'associer en tant que décideurs à un groupe tacite et ayant la main mise dans tous ses dossiers. Et avouons d'emblée que le monde du hockey est fortement peuplé de ces personnalités fortes, mais trop compétentes pour passer outre. Le retour de M. Serge Savard, homme respecté par tous les intervenants, dans un rôle de consultant direct au président dans son processus d'embauche pave donc la voie à un changement d'identité instantané, mais avec une ouverture évidente sur un passé que tous espèrent plus garant de l'avenir.

Il était de mise pour le Canadien de se positionner avantageusement afin d'abattre du boulot important. Alors que de nombreuses formations dépenseront leurs dernières réserves d'énergie sur la patinoire à tenter de remporter soit un championnat, une place dans les séries ou l'avantage de la glace, à Montréal, mené par Larry Carrière qui dans des circonstances semblables a fait un solide travail à Buffalo avant l'arrivée de Darcy Regier, on devra prendre les bouchées doubles pour préparer un repêchage et une période de disponibilité des joueurs autonomes qui dicteront rapidement la stratégie privilégiée par les nouveaux gestionnaires.

À l'ère du plafond salarial et à l'aube d'une nouvelle convention collective, atteindre l'équilibre parfait entre la compréhension des chiffres, la connaissance des acteurs en place et le respect engendré sera le plus grand défi de M. Molson et d'un homme qui a déjà été reconnu comme la sommité à ces chapitres dans leur conquête du candidat idéal.

M. Molson, dans son point de presse, a été clair; l'homme de l'emploi, tout comme celui qui vient de quitter, aura carte blanche pour exécuter tout mouvement de personnel susceptible de redorer le blason de l'organisation qui a perdu de son lustre à force d'accumuler les performances en dents de scie au cours de la saison, et de la dernière décennie, à vrai dire. Le nouveau directeur général n'aura plus de décisions passées à défendre dans le temps, une autre coupure nécessaire à une réorientation qui n'aura pas droit à une longue période de grâce dans un marché exigeant. Marché qui veut se sentir informé et connecté à son équipe, un besoin reconnu aujourd'hui par le président et propriétaire alors que son ancien directeur-général considérait le tout comme ne faisant pas partie de sa tâche, mais plutôt comme du simple divertissement.