Au moment même où on commence à se questionner sérieusement sur l’identité du gardien partant pour le Canada aux prochains Jeux olympiques, si les joueurs de la LNH y participent, voilà que la Ligue canadienne de hockey, qui regroupe les trois circuits junior majeur du pays, se penche sur le bien-fondé de l’utilisation de gardiens d’origine européenne devant les filets de leurs différentes équipes. L’interrogation vaut la peine d’être soulevée. Une analyse de la situation s’impose.

Tout d’abord, il est bon de savoir que Hockey Canada, dans un souci de vouloir redevenir le pays numéro un au hockey, est très inquiet des performances récentes de ses gardiens lors des récents événements internationaux au point de montrer la porte à son consultant permanent dans le domaine, Ron Tugnutt. En fait, l’organisme s’inquiète surtout de l’état des forces à cette position alors que le reste de la planète ne semble pas s’être contenté de faire du rattrapage, mais bien de dépasser le Canada là où historiquement il a toujours été roi. Ainsi, les trois finalistes au trophée Vézina dans la LNH, Sergei Bobrovsky, Henrik Lundqvist et Antti Niemi, sont des Européens. Trophée qui a d’ailleurs été remporté par un Suédois et deux Américains (Tim Thomas l’a gagné deux fois) au cours des quatre dernières saisons. Qui plus est, des huit dernières équipes en vie dans les séries 2013, une seule, les Blackhawks de Chicago avec Corey Crawford, comptait sur un gardien canadien pour défendre leur cage.

Comme j’en ai parlé abondamment dans une récente chronique qui sert aujourd’hui de sorte de préambule à celle-ci, c’est au niveau junior où la situation est criante. Dans les amphithéâtres où il était coutume de voir briller des gardiens québécois et canadiens, se font maintenant valoir des gardiens des quatre coins de la planète hockey. J’ai, moi-même, formé pendant mes deux saisons avec les Saguenéens de Chicoutimi, de toutes les organisations de hockey junior au pays celle qui a possiblement la plus riche histoire en ce qui a trait aux gardiens de but, un gardien finlandais et un autre, québécois, mais né en Europe. Le problème, même s’il ne s’est pas manifesté clairement dès le départ, est maintenant connu et reconnu.

Comment y répondre?

Si je n’ai absolument rien contre la présence des meilleurs athlètes à leur position dans le hockey professionnel peu importe leur provenance, mon opinion est bien différente pour le hockey junior. À une époque marquée par des sommets visant à redorer le blason de « notre » hockey en faisant meilleure figure, entre autres au repêchage de la LNH, il faudrait toujours bien commencer par se donner les moyens de nos ambitions. Je ne vois rien de mal dans une mesure protectionniste à ce moment-ci de l’histoire. Les gardiens européens bénéficieront toujours de ligues professionnelles locales de haut calibre qui les aideront à se faire valoir plus tard dans leur carrière (Viktor Fasth, Jonas Gustavsson, Martin Gerber, etc.). Et les Américains ont les rangs collégiaux en plus du programme de développement national pour bien prendre leur temps. En bref, si on veut des gardiens canadiens performants, utilisons des gardiens canadiens dans les trois circuits juniors élite du pays. Et donnons-nous les moyens de les former adéquatement!

La LHJMQ, entre autres, au sujet de l’utilisation des joueurs non canadiens, devra prendre position bientôt. Position qui pourrait s’éclaircir aussi tôt que cette semaine lors des assises à Saguenay. Je sais que les territoires protégés et la valeur des franchises sont des points importants en affaires, je ne suis pas dupe. En fin de compte, la LHJMQ développe déjà des joueurs et des individus de premier plan. Elle a amélioré nombre de facettes au niveau de l’éducation et de l’encadrement de l’athlète. Elle devra maintenant décider si les deux Européens de plus par équipe améliorent à ce point le produit et amènent tellement plus de dépisteurs aux matchs de son circuit pour justifier les centaines de milliers de dollars expédiés outre-mer annuellement pour les amener ici. J’aimerais que les sommes dépensées pour le dépistage sur le vieux continent et pour payer tous les intervenants concernés soient investies pour mettre sur pied, ou pour élaborer davantage, des plans de développement des jeunes de chaque région desservie par les clubs junior plutôt que de quitter le Québec et le Canada. Concrètement pour le sujet de ce billet : un salaire augmenté au seuil de l’acceptabilité pour un entraîneur de gardiens employé à temps plein qui veille sur les gardiens de l’équipe de la LHJMQ et qui supervise la formation des jeunes gardiens de sa région en formant et en encadrant lui-même les jeunes entraîneurs bénévoles qui sautent sur la glace avec eux quotidiennement. Pour ça il faudrait bien sûr un protocole d’entente entre le circuit Courteau et Hockey Québec.

Parlons-en justement de notre fédération. Si elle est la première pointée du doigt pour tous les maux du monde des arénas, parfois à raison, parfois à tort, elle doit aussi être félicitée lorsqu’elle se dresse en précurseur. C’est le cas pour ce qui est de la formation des entraîneurs de gardiens dans la Belle Province. Sans trop faire de bruit, Hockey Québec a certifié en deux ans plus d’une centaine d’entraîneurs spécialisés dans la position à coup de programmes de formation incluant ateliers sur et hors glace, cours théoriques, conférences et compétences requises et évaluées. Le programme fonctionne comme en fait foi la présence de nombreux entraîneurs de gardiens québécois au hockey professionnel et aux différents camps de Hockey Canada depuis la mise en place de celui-ci. D’uniformiser un enseignement aussi pointu était nécessaire. D’être capable de bonifier ce travail amorcé par un encadrement permanent par un « coach » de carrière qui côtoie des gardiens élite et qui en a possiblement été un lui-même pourrait permettre un retour en force de nos gardiens. Bravo à Hockey Québec pour avoir su mener la parade à laquelle d’autres fédérations se joindront très bientôt.

Parce que j’en ai été un toute ma carrière et parce que je crois que c’est le métier le plus isolé dans ce sport d’équipe, il m’est important que les intervenants agissent vite et sans équivoque afin de ne plus douter. Car une équipe qui doute des capacités de son gardien ne va souvent pas très loin…