Il est 6h00 dimanche matin. A l'extérieur, une neige légère tombe lentement du ciel. C'est beau...mais je préférerais retourner au chaud sous la grosse "doudou" qui m'attend dans mon lit encore défait. Je regarde mes enfants discuter du match qu'il vont jouer dans une heure tout en avalant leur petit-déjeuner à toute vitesse, et je me dis qu'au moins, ce n'est pas une corvée pour eux de se lever si tôt chaque fin de semaine pour aller jouer au hockey. Ils aiment jouer, ils aiment leurs coéquipiers et ils s'amusent tout en faisant un excellent exercice. Pour eux, le hockey, comme pour la plupart des jeunes, c'est un simple jeu.

A l'aréna, encore ce froid qui me saisit, tandis que l'horloge indique un gros 6h45 sous le tableau indicateur. Des parents sont déjà assis et discutent, un café à la main. Je vais les rejoindre, un pli du drap encore imprégné sur mon visage. "Salut tout le monde! Pourquoi faut-il que les novices jouent et s'entraînent si tôt la fin de semaine?" Je leur lance cette question presqu'à chaque fois que je les rencontre. Nous sommes tous d'accord là-dessus, c'est tôt.! Puis, un monsieur que je ne connais pas me répond.

"Faut faire des sacrifices si on veut que ça rapporte plus tard". Ayoye! Il m'aurait lancé un café chaud en plein visage que je n'aurais pas éprouvé un plus grand malaise. Malheureusement, cette phrase reflète bien ce que tente de dénoncer l'Association canadienne de hockey dans ses nouveaux messages publicitaires. La campagne intitulée "Relaxe ce n'est qu'un jeu" tente de sensibiliser les gens pour mettre fin à la pression exagérée que les parents exercent sur les jeunes joueurs et joueuses de hockey.

"Les parents ont été identifiés comme l'un des facteurs pouvant rendre le sport agréable pour les enfants, mais la pression des parents est aussi l'un des facteurs qui poussent les jeunes à abandonner", a déclaré Sheldon Lanchbery, président du conseil d'administration de l'ACH.

C'est complètement fou mais il faut avouer que plusieurs parents ne sont là que dans l'espoir de voir leur enfant jouer dans la Ligue nationale et ce qui fait peur, c'est qu'ils sont prêts à tout pour voir leur rêve se réaliser. "Plusieurs parents font du "lobbying" auprès des entraîneurs et des dirigeants du hockey mineur", me confie un entraîneur au hockey mineur depuis plusieurs années. "Les papas ou les mamans me téléphonent régulièrement, me vantent les mérites de leur jeune et dans certains cas, ils vont jusqu'à dénigrer des coéquipiers qui luttent pour un même poste! Ça vole bas", conclut-il.

Le match commence. Les jeunes se lancent tous à la poursuite de la rondelle pendant que les entraîneurs crient les directives et appellent les changements. Les parents encouragent leur équipe respective. Non loin de notre groupe, un papa s'approche de la rampe et parle à son fils défenseur. "N'oublie pas de dégager ta zone quand tu as la rondelle, regarde en arrière, patine, et fais ceci, fais cela...". Je perds un peu le discours, mais à l'aide de grand gestes, le papa s'assure que son fils a compris. Le petit regarde son papa, ses grands yeux reflètent une certaine tension à travers la grille. Il hoche de la tête, sans doute un peu confus.

Le jeu reprend, la rondelle arrive devant lui, le jeune cafouille, l'attaquant adverse s'échappe et marque. Notre petit défenseur retourne au banc, l'air penaud tandis que son papa crie : "Ce n'est pas du tout ce que je t'ai dit de faire". Nous sommes quelques parents à l'entendre et nous nous regardons, mal à l'aise. C'est aberrant. Toutefois, personne n'ose rien dire. Ce papa répétera sans doute ce manège toute la saison. Son fils, probablement las de se faire critiquer et ne sachant plus où donner de la tête, finira par abandonner. "L'enfant veut bien écouter son entraîneur qui lui donne de bons conseils, mais il ne veut pas déplaire à son père non plus. C'est difficile pour les enfants et ce l'est également pour les entraîneurs, c'est une situation délicate, mais à un certain moment, il faut parler au parent. Il faut leur dire de nous faire confiance", de nous dire notre entraîneur de hockey mineur.

Le pire, c'est que souvent, les parents, même s'ils sont très bien intentionnés, ne connaissent pas beaucoup les techniques du hockey. Leur connaissance est limitée. Certains vont même jusqu'à s'improviser entraîneur de leur équipe ou adjoint alors qu'ils n'ont aucune expérience en "coaching" ou qu'ils jamais joué du hockey compétitif. D'autres s'inventent un poste de "gérant". C'est le moyen qu'ils ont trouvé de s'impliquer auprès de l'équipe et de s'assurer que leur enfant y trouve une place de choix. Souvent fiston n'est même pas de calibre, mais comme le papa s'implique, on ferme les yeux... et on l'envoie sur la glace plus souvent qu'à son tour... mais rend-on vraiment service aux enfants?

Le harcèlement des parents devient de plus en plus fréquent. Souvent, ils imposent à leur enfant un entraînement intensif en dehors des séances de l'équipe. Ils les critiquent sans cesse, leur fixent des objectifs très élevés, voire même irréalistes. Ce n'est pas un beau portrait. C'est sans compter les parents qui font des fous d'eux lors des matchs en s'en prenant aux arbitres. Lors d'un tournoi de catégorie MAGH ( 4 à 6 ans) dans une municipalité des Laurentides, on a dû faire appel à une équipe junior qui disputait un match tout de suite après les tout-petits, pour faire une "haie d'honneur" pour sortir les arbitres de la patinoire afin de les protéger. Les insultes fusaient de toutes parts. Des parents enragés bavaient les bêtises à ces jeunes arbitres qui ne faisaient que leur travail. C'était très laid. Les jeunes regardaient leurs parents dans les estrades, et totalement dépassés par les événements, versaient de grosses larmes. Franchement, il y a de quoi abandonner! Vous allez me dire que j'exagère, détrompez-vous, les exemples sont nombreux.

Allez, secouez vous un peu. Cessez de rêver! Environ un pour cent (1%) des hockeyeurs québécois atteignent la Ligue nationale. Sur 714 joueurs inscrits dans le circuit Bettman, seulement 75 sont des Québécois. Une soixantaine jouent régulièrement. C'est minime. Il y a un paquet de Québécois qui ont connu une glorieuse carrière chez les juniors, mais qui n'ont jamais été de calibre pour la Ligue nationale de hockey. Il faut du talent, de la chance, éviter les blessures et, souvent, être au bon endroit, au bon moment. Prenez l'exemple de Pierre-Marc Bouchard. Il a tous les atouts pour réussir. Il est considéré comme le meilleur joueur junior au Québec, un des meilleurs au pays. Âgé de 19 ans, il est avec le Wild du Minnesota où on lui prédit un bel avenir. Il a tellement bien fait au camp d'entraînement, que les dirigeants ont décidé de le garder... mais il ne joue qu'un match sur deux, car on le dit trop lent pour patiner avec les "grands". Il va appendre et il travaille très fort pour rejoindre le calibre professionnel, mais il doit prendre les bouchées doubles et c'est un jeune homme extrêmement talentueux. Un des juniors les plus talentueux au Canada! Pourtant, ses parents ne l'ont jamais poussé à être le meilleur. Les parents de Mario Lemieux ne se sont jamais mêlés des "affaires" des entraîneurs. Ni ceux de Luc Robitaille... Ils les ont laissés jouer, s'amuser.

Alors la prochaine fois vous que irez reconduire votre enfant à l'aréna, à 6h00 un dimanche matin, allez-y pour l'encourager, le féliciter et surtout, faites confiance à son entraîneur certifié. Il apprendra plus vite, et ne s'en portera que beaucoup mieux. Si par bonheur, il parvient un jour, à jouer avec les pros, ça sera sans doute parce qu'il aura gardé la grande passion qu'il a pour son sport...grâce à vos encouragements.