Le titre de cette chronique peut assurément paraitre surprenant, mais c’est la réalité. En mai 2004, lors du dernier passage du Tournoi de la Coupe Memorial à Kelowna, les Rockets ont remporté le prestigieux Trophée alors que le meilleur pointeur de l’équipe cette année-là, Randell Gelech, n’avait amassé que 49 points.

C’est à Kelowna que devait avoir lieu le championnat canadien de hockey junior cette année, l’occasion est donc belle de revenir sur ce triomphe pour le moins surprenant d’une équipe sans aucun punch offensif. 

Ex-Entraîneur-chef des Olympiques de Gatineau, vaincu en finale par cette équipe hôtesse au compte de 2-1, Benoît Groulx se souvient très bien de ce 23 mai 2004 où il est venu à moins de 10 minutes de soulever le précieux trophée.

« Le fait qu’on avait perdu beaucoup d’énergie la veille en demi-finale nous a fait très mal. Nous menions 5-1 après deux périodes et Medicine Hat avait fait une remontée qui nous a forcés à réduire notre banc et surtaxer nos bons joueurs pour assurer notre qualification pour la finale. À cette époque il n’y avait pas de journée de congé entre la demi-finale et la finale comme c’est le cas aujourd’hui. Rendu en finale ce n’était pas évident en 3e période de suivre le rythme de cette grosse équipe très physique qui était reposée. »

Les Rockets de Kelowna de 2003-2004 étaient dirigés par Marc Habscheid et étaient construits autour d’un système défensif qui n’avait pas son pareil. Le grand manitou des Olympiques, Charles Henry, avait qualifié ainsi la façon de jouer des Rockets à l’époque : « Du bon vieux hockey de bord de bandes ». 

We stand on « Guard »

Misant sur un gardien, Kelly Guard, au sommet de son art, qui avait réalisé 13 blanchissages en saison en maintenant une moyenne de buts alloués de 1,56, les Rockets n’avaient pourtant inscrit que 185 buts en saison régulière, le 5e plus faible total des 20 équipes de la Ligue junior de l’ouest en 2003-2004. 

En revanche, les Rockets n’avaient permis que 125 buts à leurs rivaux en 72 matchs, un record qui tient toujours dans la WHL.

« C’était une équipe difficile à affronter! Nous voulions essayer de prendre les devants lors de la finale pour les forcer à sortir de leur style hermétique. On savait que ce serait un match défensif et qui se gagnerait au pic et à la pelle... Cette formation était patiente et attendait ses chances! »,  ajoute Groulx qui se souvient que Shea Weber était toujours sur la patinoire contre son capitaine Maxime Talbot. 

Les 6000 partisans de l’équipe, bien au fait de l’importance de leur gardien de but qui avait signé 44 des 47 gains de l’équipe en saison, avaient d’ailleurs créé un rituel pendant l’interprétation de l’hymne national canadien alors qu’à la fin ils criaient tous à l’unisson le nom de leur gardien « GUARD » dans la phrase « We stand on guard for thee ». C’est le cas de le dire leur gardien de but montait la garde devant le filet.

En ronde préliminaire du tournoi de la Coupe Memorial, les Rockets, qualifiés comme équipe hôtesse après avoir été surpris en 7 matchs en demi-finale de la WHL contre les Silvertips d’Everett, ont été fidèles à leur identité en signant trois victoires consécutives de 1-0, 4-1 et 2-1 contre les trois équipes championnes au pays : Guelph, Gatineau et Medecine Hat.  

Lors du match de championnat, les Olympiques avaient réussi, grâce aux prouesses du gardien David Tremblay, à garder le pointage à 0-0 après 40 minutes de jeu. Guillaume Fournier a par la suite profité d’une punition au défenseur qui est aujourd’hui capitaine du Canadien, Shea Weber, en début de 3e période pour donner les devants aux Olympiques 1-0 avant que Randell Gelech et Justin Keller ne marquent deux buts à 3 minutes d’intervalle pour finalement permettre aux Rockets de gagner 2-1. En quatre sorties à ce tournoi printanier, les Rockets n’ont accordé que trois buts ce qui se veut aussi un record de cette compétition qui tient toujours aujourd’hui.

Dix marqueurs de 50 points chez les Olympiques

Si les Rockets sont considérés aujourd’hui comme une des formations championnes les plus faibles offensivement de l’histoire du Tournoi de la Coupe Memorial, les Olympiques misaient quant à eux sur une belle profondeur à l’attaque. L’entraîneur-chef Benoît Groulx avait même laissé de côté son attaquant tchèque recrue Petr Pohl pour le match ultime. Pohl, auteur de 50 points en 70 matchs en 2003-2004, aurait été le meilleur compteur des Rockets cette année-là, mais il avait connu un tournoi difficile. Les Olympiques comptaient notamment sur Maxime Talbot, Jean-Michel Daoust, Guillaume Fournier de même que le défenseur Doug O’Brien, qui avait été un des meilleurs des Olympiques à ce tournoi. En tout, c’est 10 compteurs de 50 points qui s’alignaient pour Gatineau en 2003-2004 contre aucun pour les Rockets. Mais cette fois le vieil adage qui dit que ce sont les défenses qui gagnent les championnats se sera révélé véridique.

Un baume pour la ville de Kelowna

En août 2003, la ville de Kelowna avait été mise en état d’urgence par des incendies d’une rare violence qui avaient ravagé plus de 200 résidences et causés l’évacuation de plus de 30 000 habitants de cette magnifique région de la Vallée de l’Okanagan reconnue pour ses nombreux vignobles. La victoire des Rockets, neuf mois plus tard, était venue jeter un baume sur la population et le capitaine de cette formation Josh Gorges, originaire de Kelowna, n’avait pas manqué de s’en servir auprès de ses coéquipiers comme source de motivation.

Pour Benoît Groulx, il s’agissait de la 2e année de suite où son équipe baissait pavillon en grande finale après le revers subi à Québec un an plus tôt aux mains des Rangers de Kitchener. Groulx et les Olympiques sont retournés une 3e fois au Championnat canadien en 2008, mais les champions de la LHJMQ ont perdu les trois matchs de la phase préliminaire.

Qu’est-ce que Groulx a retenu de Kelowna et du tournoi de 2004?

« C’est la fois ou nous sommes passés le plus proche, il n’y a pas de doute. Je me rappelle qu’après la finale, mes adjoints John Chabot, Mario Richer et moi-même avions réussi à nous faufiler dans un restaurant bondé de partisans question d’aller souper. Nous nous sommes retrouvés face à face avec la Coupe Memorial, car c’était l’endroit où les joueurs des Rockets avaient choisi pour célébrer. Crois-moi, nous avons tourné les talons et nous sommes allés ailleurs! » se souvient-il en badinant...