MONTRÉAL – Au bout du fil, André Tourigny tient à s’excuser pour le retard.

C’est que l’entraîneur de 42 ans est un homme occupé. Vivre de sa passion, c’est bien beau, mais il faut aussi se nourrir.

« J’étais à l’épicerie », justifie-t-il, quelques secondes après avoir répondu à l’appel de l’auteur de ces lignes.

Une fois l’entrevue terminée, Tourigny est sans doute rentré chez lui pour y décharger ses sacs et ranger ses achats. À Rouyn-Noranda, comme à Denver ou Halifax, la routine reste la routine. Enfin presque.

Depuis quelques semaines déjà, c’est sans sa femme et ses trois enfants que Tourigny sillonne les allées du supermarché et retourne à la maison chaque soir. Accepter le mandat de relancer les Mooseheads de Halifax ne s’est pas fait sans sacrifices.

Trois ans après avoir quitté ses Huskies de Rouyn-Noranda et la LHJMQ pour effectuer un stage dans la LNH à titre d’entraîneur adjoint de l’Avalanche du Colorado et des Sénateurs d’Ottawa, Tourigny est donc de retour dans le circuit Courteau.

Tourigny revient à la LHJMQ pour relancer les Mooseheads

Succédant à Dominique Ducharme, qui a choisi de quitter les Mooseheads pour se rapprocher des siens, Tourigny a signé un pacte qui le lie à la formation néo-écossaise pour les cinq prochaines années.

« (Un contrat de 5 ans) c’était d’abord important pour moi parce qu’on commence un processus avec une équipe très jeune. [...] On a des joueurs bourrés de talent et je veux travailler avec eux pour les amener à maturité. »

« Puis, mes enfants ont changé d’école deux fois dans les trois dernières années et je ne voulais pas qu’ils aient encore à vivre ça »,  enchaîne Tourigny, père de jumeaux de 16 ans et d’une fille qui fera bientôt son entrée au secondaire.

En compagnie de leur mère, ces derniers passeront donc la prochaine année à Ottawa, dernier lieu de résidence de la famille Tourigny. Sélectionnés par les Huskies de Rouyn-Noranda au dernier repêchage, Jean-Philippe et Félix Antoine y compléteront leur stage midget avant de tenter de faire le saut au niveau supérieur l’an prochain. C’est à ce moment que leur sœur cadette et leur mère rejoindront le paternel à Halifax.

Tourigny a bien sûr hâte aux retrouvailles, mais d’ici là, pas question de se morfondre. Il n’a pas le temps. 

Veiller au sain développement des Mooseheads, sa deuxième famille, c’est beaucoup plus qu’un emploi à temps plein.  « C’est du matin au soir, on n’arrête pas. Ma famille n’est pas avec moi, alors je suis là du lever au coucher du soleil. »

Promesse d’un avenir radieux

Tourigny a beau s’appuyer sur une expérience de 10 saisons à titre de directeur général et entraîneur-chef des Huskies, apprendre à connaître une nouvelle organisation et tous ses joueurs ne se fait pas instantanément.

« En étant parti pendant trois ans, ce n’est pas comme si je les avais vu jouer. [...] Je connais beaucoup de monde à travers la ligue et j’ai pu parler à plusieurs d’entre eux, que ce soit Mario Pouliot (entraîneur-chef du Titan d’Acadie-Bathurst), avec qui j’ai travaillé dans le passé et qui évolue maintenant dans notre division, ou encore Mario Duhamel (collègue avec les Huskies). J’avais donc l’avis de plusieurs sur le potentiel de nos joueurs, mais reste que ce n’est pas comme les voir de ses propres yeux », note Tourigny.

C’est pourquoi Tourigny a préféré passer les dix premiers jours du camp d’entraînement à observer du haut des estrades.

Le capitaine Taylor Ford, de même que les vétérans Maxime Fortier, Otto Somppi et Connor Moynihan n’ont pas tardé à capter son attention et à raffermir leur position dans la formation néo-écossaise.

Benoît-Olivier Groulx

Ces derniers auront comme mission de montrer la voie à une jeune équipe qui tâchera de se relever d’une saison au cours de laquelle elle n’a signé que 21 gains et raté les séries éliminatoires pour la première fois en six ans.

Benoît-Olivier Groulx et Jared McIsaac, les deux premiers choix du dernier repêchage de la LHJMQ, figureront bien sûr au centre de cet effort de reconstruction.

« On constate leur progression chaque jour et c’est très emballant », se réjouit Tourigny, qui tient selon lui en Groulx un attaquant d’une rare polyvalence.

« Ce n’est pas un Jonathan Drouin qui a des habiletés à n’en plus finir et qui va remplir le net, mais c’est un gars qui fait tout sur la glace. Il ne sera peut-être pas le premier compteur de la ligue, mais il sera définitivement très difficile à affronter », anticipe le coach.

« Il va falloir que j’améliore beaucoup mon patin et mes habiletés parce que je ne pense pas être rendu à un niveau jeu exceptionnel qui me permettra de faire des dommages à l’âge de 16 ans dès le début de la saison », estime Groulx, le fils de l’ancien entraîneur des Olympiques de Gatineau Benoît Groulx.

En McIsaac, un joueur originaire de la Nouvelle-Écosse, Tourigny croit détenir un jeune arrière au potentiel énorme. « Il est dans la lignée des excellents défenseurs que j’ai vu évoluer au niveau junior », résume celui qui misera sur une brigade défensive composée de quatre joueurs de 17 ans et un de 16 ans.

Groulx et McIsaac ne seront toutefois pas les seuls joyaux à la disposition de Tourigny cette saison. Nico Hischier, un attaquant suisse de 17 ans sélectionné au sixième échelon lors du plus récent repêchage européen de la Ligue canadienne de hockey (LCH), est lui aussi rempli de promesses.

Tellement que certains observateurs au tempérament audacieux lui ont déjà collé l’étiquette de « Connor McDavid suisse ».

Nico Hischier

« Connor McDavid? On va attendre... Je l’aime bien (Nico), mais je n’irais pas jusque-là. Des joueurs comme McDavid et Sidney Crosby, c’est unique », modère Tourigny, sans toutefois diminuer le talent de celui qui a représenté la Suisse au dernier Mondial junior.

« Il a des mains très, très rapides, en plus d’être un excellent patineur. Il travaille aussi avec acharnement et a une bonne vision du jeu. Honnêtement, il n’a pas l’air d’un joueur de 17 ans pantoute. Il est vraiment bon. »

La jeune relève des Mooseheads, à qui s’ajoute aussi le gardien Alexis Gravel, est donc plus que prometteuse. Où mènera-t-elle le club dès sa première saison? Dur à dire, même pour l’entraîneur-chef.

 « J’ai quitté la ligue depuis quelques années alors c’est difficile pour moi de savoir où on peut se situer », concède Tourigny, qui ne devrait cependant pas tarder à compléter son rattrapage.

« D’après moi, je devrais me reconnaître quelque part. »