RDS.ca vous propose une série de rencontres avec des athlètes qui ont marqué leur sport à leur façon. Nous poursuivons aujourd’hui cette série avec trois anciens joueurs de l’Océanic de Rimouski qui ont été au cœur de la saison 2004-2005 marquée par la conquête de la coupe du Président et d’une série de 35 matchs sans jamais subir la défaite.

Fort de la première conquête de la coupe Memorial de son histoire au printemps 2000, l’Océanic de Rimouski connaît – sans véritable surprise – des lendemains plutôt difficiles en n’obtenant que 54 points et en terminant en 15e place du classement général la saison suivante.

Malgré l’élimination surprise des champions de la division Maritime – les Mooseheads de Halifax – au 1er tour des séries avant une élimination en 5 matchs devant le Drakkar de Baie-Comeau, la direction de l’Océanic sait pertinemment que la prochaine séance de sélection de la Ligue de hockey junior majeure sera déterminante pour jeter les bases d’une future équipe championne.

Repêchant au 3e rang en juin 2001, l’Océanic jette son dévolu sur Marc-Antoine Pouliot, brillant pivot du trio qu’il formait avec Steve Bernier et Dany Roussin chez les Gouverneurs de Ste-Foy. Les trois attaquants ont d’ailleurs mené le club de la région de Québec quelques semaines plus tôt à la conquête de la coupe Air Canada, emblème de la suprématie du hockey midget au pays.

Pour la petite histoire, Bernier – joueur par excellence de la coupe Air Canada – est le 1er joueur à être réclamé lors de ce repêchage par les Wildcats de Moncton, tandis que Roussin n’a qu’à attendre au 5e échelon pour entendre son nom être prononcé par les Castors de Sherbrooke.

Fidèle à son habitude, l’Océanic réclame des joueurs originaires du Bas-St-Laurent afin de leur donner une chance de se faire valoir au camp d’entraînement. C’est ainsi qu’un certain Patrick Coulombe est repêché en 5e ronde au 67e rang. À cette époque, le défenseur gaucher n’est même pas considéré comme un espoir junior étant donné sa petite taille de 5 pieds 8 pouces.

« Pendant toute ma carrière dans le hockey mineur, les gens doutaient de moi parce que j’étais un petit joueur, a rappelé Coulombe pendant un entretien avec RDS.ca ces dernières semaines. Je n’ai jamais eu de passe-droit avec l’Océanic, mais la décision que l’équipe a prise a eu un gros impact sur ma vie et ma carrière. C’était vraiment le genre de chance que je n’attendais plus. »

Le même stratagème sera répété l’année suivante, alors que l’Océanic s’offre au 13e tour au 199e rang le gardien de but Cédrick Desjardins. Ce dernier est né au Nouveau-Brunswick, mais a joué tout son hockey mineur dans le Bas-St-Laurent. Bref, il est un pur « produit » de la région.

« J’avais connu un bon camp d’entraînement, mais comme il y avait déjà deux vétérans dans la formation, l’Océanic avait décidé de me céder dans le junior AAA, raconte Desjardins. [Le directeur général] Doris Labonté était même venu me reconduire à Coaticook et c’est un geste qui m’a profondément marqué. C’est un individu très humain qui prenait soin de ses joueurs. »

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Après une saison 2001-2002 sans histoire au terme de laquelle l’Océanic est éliminé au 1er tour des séries, la direction de l’équipe juge que l’heure est à la reconstruction à la suite d’un début plutôt ordinaire en 2002-2003. C’est ainsi que le vétéran Jean-François Plourde est envoyé aux Castors le 17 novembre en retour de Jonathan Robert et d’un joueur à être nommé plus tard.

Ce joueur se rapportera à l’Océanic seulement le 13 décembre, mais tout le monde connaît son identité. Il s’agit de l’ancien coéquipier de Pouliot avec les Gouverneurs : Dany Roussin. L’ailier gauche n’a pas connu les succès espérés à Sherbrooke et est prêt à s’offrir un nouveau départ.

« Je passais d’un endroit où les choses avaient été difficiles à l’un des meilleurs pour évoluer au niveau junior, se souvient Roussin. Mon arrivée à Rimouski m’a permis de retrouver toute ma confiance et de connaître ce que je considère comme mes plus belles années de hockey à vie. »

Quelques jours plus tard, l’Océanic se départit du défenseur Aaron Johnson et la réinitialisation est complète. Desjardins rejoint le groupe après les Fêtes, mais les défaites s’accumulent les unes après les autres. Le portier participe à 23 matchs, mais présente un pitoyable dossier de 1-19-0 avec une ronflante moyenne de buts alloués de 5,28 et un coefficient d’arrêts de ,870.

Malgré tout, les joueurs sont loin de se laisser abattre par la situation et trouvent leur compte.

« [En faisant partie de l’Océanic], je vivais un rêve. Je m’arrangeais pour avoir du plaisir chaque fois que je me présentais sur la patinoire, explique Coulombe. Marc-Antoine était un espoir [en vue du repêchage de la Ligue nationale de hockey] et nous voulions réussir à nous en sortir. »

Cela dit, des observateurs se demandent toutefois si le climat qui règne à Rimouski est propice au développement du talent d’un joueur comme Pouliot. Mais son ancien coéquipier rappelle qu’ils ont néanmoins appris à gagner dans un tout autre contexte en Russie cette saison-là.

« Marc-Antoine, Dany et moi avions représenté le Canada au Championnat du monde des moins de 18 ans et remporté la médaille or, précise Coulombe. Il y avait même Alexander Ovechkin et Evgeni Malkin dans la formation de l’équipe russe. Ma participation à ce tournoi m’avait ensuite permis d’avoir une invitation au camp d’entraînement des Thrashers d’Atlanta cette année-là. »

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Les insuccès de l’Océanic en 2002-2003 permettent au club d’obtenir le 1er choix au repêchage et sans grande surprise, le prodige de Cole Harbour Sidney Crosby est choisi. Une très, très forte réputation le précède, mais a-t-il ce qu’il faut pour s’imposer dans le circuit junior québécois?

« C’était un gars qui avait un agent depuis l’âge de 13-14 ans, mais nous nous demandions s’il était si bon que cela, avoue Desjardins. Il fallait vraiment le voir pour le croire! Et la direction se doutait bien qu’il ne serait pas là longtemps. Il n’y avait pas un seul instant à perdre. Au moins, le club avait vécu une expérience semblable avec Vincent Lecavalier et savait ce qu’il faisait. »

« Rapidement, nous avons vu dans son attitude et sa façon de prendre sa place dans l’équipe qu’il avait l’étoffe d’un vétéran, ajoute Coulombe. C’était quelqu’un de spécial et j’ai immédiatement su que mon passage avec l’Océanic ne serait pas uniquement défini par une reconstruction.

« Avec Dany, Marc-Antoine et maintenant Sidney, c’est assurément là que j’ai commencé à y croire! C’est là que je me suis dit que nous pourrions aller jusqu’au bout et gagner la coupe. »

Par contre, les entraîneurs peinent à trouver de bons ailiers à Crosby, un refrain qui reviendra souvent au cours de sa carrière. Ils tiennent à séparer Pouliot et Crosby afin de miser sur deux gros trios, sauf qu’il y a très peu de joueurs qui sont en mesure de suivre le jeune prodige.

« Ce n’est pas nécessairement tout le monde qui acceptait de se faire dire quoi faire par un gars de 16 ans, blague Roussin. Dans mon cas, je n’ai jamais été un chialeux. J’étais toujours positif et je voyais cette chance de jouer avec Crosby comme étant une occasion de marquer des buts! »

Et des buts, Roussin en marquera! Soir après soir, Roussin remplit les filets adverses. Il inscrit 59 buts en 2003-2004 avant d’en ajouter 54 autres la saison suivante. L’arrivée de Crosby permet à l’Océanic de remporter le titre de la division Est, malgré l’absence de Pouliot pendant une bonne partie de la campagne en raison d’une blessure. Oui, le vent est résolument en train de tourner.

En séries, l’Océanic profite d’un laissez-passer au premier tour avant de balayer les Cataractes de Shawinigan en quatre matchs au deuxième. Le parcours s’arrête cependant en demi-finale après une défaite en cinq rencontres contre Bernier et les Wildcats. Ce n’est que partie remise..

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À l’aube de la saison 2004-2005, tous les yeux sont évidemment tournés vers l’Océanic, d’autant plus que les activités de la LNH sont paralysées par un lock-out qui ne se règlera que plusieurs mois plus tard. Plusieurs amateurs québécois se tournent donc vers la Ligue de hockey junior majeur pour sevrer leur besoin de hockey et encore plus de gens découvrent Crosby et son club.

« Toutes les équipes nous attendaient, se remémore Desjardins, qui avait commencé la saison à titre de gardien numéro un. Il faut se rappeler que le niveau était très élevé pour du hockey junior en raison du lock-out. Même les équipes de bas de classement nous donnaient des difficultés. »

Malheureusement, le début de saison de l’Océanic n’est pas à la hauteur des attentes et l’équipe ne gagne pas aussi souvent qu’elle le devrait. Le 1er novembre, le club présente une fiche de 9-9-1-2 et le DG Labonté perd patience. Il remplace l’entraîneur-chef Donald Dufresne derrière le banc. Il fait également l’acquisition des services du portier Jean-Michel Filiatrault.

« Nous n’avions pas de chimie, il nous manquait quelque chose, explique Desjardins, qui voit sa charge de travail diminuer à la suite de l’arrivée du vétéran de 20 ans des Remparts de Québec.

« D’une certaine manière, ç’a été une belle leçon de vie. Je tentais encore de m’établir dans la Ligue et [l’entraîneur adjoint] Guy Boucher était venu me voir et m’avait dit de ne pas me laisser abattre et de me tenir prêt. Quand la porte s’est rouverte, je ne voulais plus qu’elle referme! »

La décision de Labonté est cependant loin de produire l’électrochoc désiré. L’Océanic peine à maintenir un dossier au-dessus de ,500, mais les choses commencent à se replacer, alors que Crosby part représenter le Canada au Championnat mondial de hockey junior en décembre.

Au moment même où Crosby met la main sur l’or, Labonté effectue une dernière transaction en faisant l’acquisition de l’arrière des Tigres de Victoriaville Mario Scalzo fils le 4 janvier. Personne ne pouvait se douter de son impact : l’Océanic perdra son premier match trois mois plus tard.

Avec Coulombe, Crosby, Pouliot et Roussin, Scalzo formera l’une des plus formidables unités de supériorité numérique de l’histoire du hockey junior. Chaque fois que ces cinq joueurs se retrouvent sur la patinoire, la magie opère et les clubs adverses paient inévitablement le prix.

« Mario et moi étions deux joueurs très offensifs, mais nous savions que nous n’avions jamais à compenser l’autre, mentionne Coulombe. Et avec Sidney qui était revenu des moins de 20 ans avec le feu dans les yeux, nous savions, en tant qu’équipe, que c’était notre moment. À son retour, tout est devenu beaucoup plus rigoureux. Je pense aux entraînements par exemple. »

Du 7 janvier jusqu’au 20 mars, l’Océanic dispute 28 rencontres sans jamais subir la défaite et amorce les séries éliminatoires avec le vent dans la voile. Après le balayage des MAINEiacs de Lewiston, la séquence sans revers prend fin lors de la 4e partie de la demi-finale face aux Saguenéens de Chicoutimi. Il s’agira du seul écueil avant la conquête de la coupe du Président.

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L’Océanic se présente donc au tournoi à la ronde de la coupe Memorial avec l’intention de remporter les grands honneurs, mais il sait qu’il doit se méfier des puissants Knights de London, équipe-hôte et champions de la Ligue de l’Ontario. Plusieurs joueurs aujourd’hui bien connus des amateurs font partie de cette édition : Corey Perry, Dylan Hunter, Rob Schremp, Dave Bolland, Danny Syvret, Brandon Prust, Marc Methot et Dan Girardi pour ne nommer que ceux-là.

À l’instar de l’Océanic, les Knights ont connu une impressionnante séquence de 31 matchs sans subir la défaite pour commencer la saison. Et comme si le scénario avait été écrit d’avance, les deux équipes se retrouvent d’entrée de jeu pour la première rencontre du tournoi à la ronde.

Sans surprise, le match est chaudement disputé, mais l’Océanic parvient à prendre les devants 3-1 après 20 minutes de jeu. Les Knights parviennent cependant à créer l’égalité et début de 3e période et l’emporteront éventuellement en prolongation grâce à un but du défenseur Methot.

« Ç’a été l’un des matchs les plus intenses que j’ai disputés pendant ma carrière », se rappelle Desjardins, qui avait brillé en réussissant 44 arrêts. Cette défaite sera lourde de conséquences pour l’Océanic, qui voit ses espoirs d’éviter une demi-finale exténuante grandement amenuisés.

Après des victoires contre les 67 d’Ottawa et les Rockets de Kelowna, l’Océanic retrouve les 67 en demi-finale et l’emporte 7-4. Mais comme la finale est jouée dès le lendemain après-midi, l’Océanic offre une prestation plutôt terne en finale et s’incline 4-0 face aux Knights. Dès l’année suivante, la demi-finale sera présentée le vendredi au lieu du samedi pour niveler les chances.

« C’est comme si j’avais frappé un mûr, ç’a fini sec, regrette Roussin. Ç’a fait mal pendant très longtemps, mais je suis capable de dire aujourd’hui que ç’a été ma plus belle saison à vie. »

« Je me souviens d’avoir ressenti une fatigue extrême après ce match. J’avais l’impression que j’avais une mononucléose, ajoute Coulombe. Je ne cherche pas d’excuses, mais nous n’étions pas prêts pour ce match. Je n’avais pas été capable de fermer l’œil de la nuit à la suite de la demi-finale, tellement j’étais sur l’adrénaline. Cela dit, London avait une équipe formidable. »

« Ç’a été très difficile à vivre sur le coup, mais je suis vraiment fier de ce que nous avons fait cette année-là, continue Desjardins, qui a eu la chance de remporter la coupe Memorial l’année suivante avec les Remparts. Je savais que j’aurais peut-être une chance de revenir, mais ç’a fait mal. »

Quinze ans plus tard, Coulombe, Desjardins et Roussin n’ont pas oublié un seul instant de cette saison qui a assurément marqué beaucoup plus que les amateurs « de toute une région ».