La progression fulgurante d’Olivier Gouin, un arbitre olympien
LHJMQ mardi, 5 déc. 2017. 07:00 mercredi, 11 déc. 2024. 07:54MONTRÉAL – Olivier Gouin ne savait pas trop à quoi s’attendre lorsqu’il a été convoqué au camp d’évaluation de la Fédération internationale de hockey sur glace (IIHF) servant à sélectionner les officiels qui seraient assignés au tournoi masculin des Jeux olympiques de Pyeongchang.
Il était, à 26 ans, le cadet du groupe et son expérience au niveau international se limitait presque exclusivement à sa participation au plus récent Championnat du monde qui venait de se conclure en France et en Allemagne. Qu’est-ce qu’il faisait là et qu’attendait-on exactement de lui? Son instinct le laissait dans le néant.
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Sa logique, par contre, lui permettait d’espérer. « On était 20 arbitres et ils nous ont dit qu’ils en gardaient 14. J’étais un peu dans l’inconnu, mais je suis quand même pas pire en maths! », calculait-il lorsque RDS l’a rejoint la semaine dernière sur la route d’Allentown, en Pennsylvanie, où il devait arbitrer en soirée un match du club-école des Flyers de Philadelphie.
Gouin n’est donc pas tombé de sa chaise quand l’une de ses rares journées de congé a été interrompue par un appel de Todd Anderson, le responsable de l’arbitrage de Hockey Canada. Mais ça ne veut pas dire que l’ampleur du moment lui a échappé. À peine dix ans après avoir enfilé pour la première fois un chandail zébré, il venait d’obtenir son billet pour le plus gros événement sportif de la planète.
« Pour moi, ça représente la même chose que si j’avais été choisi comme athlète. C’est ma passion, c’est un domaine dans lequel je pousse, je travaille fort et je mets toutes mes énergies. Encore aujourd’hui, je dis le mot « Olympiques » et ça sonne bizarre. Je n’aurais jamais pensé que ça m’arriverait. »
Si la décision de Gary Bettman de refuser aux joueurs de la Ligue nationale le droit de représenter leur pays en Corée du Sud a fait plusieurs mécontents, Gouin doit admettre qu’elle a joué en sa faveur. Si la LNH avait prévu une trêve dans son calendrier du mois de février, ses arbitres auraient eux aussi été libres de prendre part au tournoi olympique. Concrètement, la moitié des 14 postes créés par l’IIHF auraient été attribués à des Nord-Américains déjà habitués d’œuvrer parmi l’élite.
Encore une fois, un calcul rapide permet à Gouin de comprendre que ses chances n’auraient pas été les mêmes dans ces circonstances.
« Pour cette raison, je mentirais de dire que c’était un objectif que je m’étais fixé depuis longtemps. C’est un tournoi qui a lieu aux quatre ans et il faut vraiment que les planètes soient alignées pour y être. Tu dois être au top de ton pays au bon moment, mais il y a aussi une bonne dose de chance là-dedans. Pour moi, le timing ne pouvait pas être meilleur. »
Gouin suivra fièrement les traces d’autres officiels québécois qui ont vécu l’expérience avant lui. Sylvain Losier, un juge de ligne qui avait mérité son billet pour les Jeux de Vancouver même s’il ne travaillait pas dans la LNH, et le vétéran Jean Morin, qui a deux JO à son actif, sont parmi les nombreuses personnes qui l’ont félicité pour sa nomination.
« Ils m’ont fait comprendre que ce n’est pas quelque chose que tu as la chance de faire dix fois. Ils ont élevé mes attentes! », s’exclame Gouin, qui sera accompagné en Corée de sa compatriote et collègue Gabrielle Ariano-Lortie, qui travaillera lors du tournoi de hockey féminin.
Un parcours impressionnant
Les chiffres, ceux qui définissent le parcours d’Olivier Gouin, sont impressionnants. Il avait 15 ans, fraîchement retranché du Midget AAA, quand il a vu pour la première fois l’arbitrage comme un moyen de chausser les patins plus souvent tout en gagnant un peu d’argent de poche. « Ça ne me tentait pas de travailler au Tim Horton’s ou au Subway », dit-il simplement.
Deux ans seulement après avoir commencé à faire ses classes dans le novice et l’atome, Gouin faisait régner l’ordre dans le Midget AAA. À l’âge de 18 ans, on lui confiait le même mandat dans le Junior AAA. À 21 ans, il occupait un poste de juge de ligne dans la LHJMQ.
« J’ai vraiment attrapé la piqûre de l’arbitrage », répond-il quand on lui dit que la chance ne peut, à elle seule, expliquer une progression si fulgurante.
« Même plus jeune, je regardais des matchs de hockey et j’observais les arbitres. J’avais le désir de penser hockey, de toujours développer mon sens du jeu. Je pense que ça m’a aidé à m’améliorer. Et je réalise que j’apprends vite. Je fais un match et je l’analyse immédiatement. J’aime parler d’arbitrage. Mon cercle d’amis, c’est devenu des arbitres. C’est facile de s’améliorer quand tu y mets les efforts. J’ai vraiment trouvé une niche dans le hockey. Ça cadre bien avec ma personnalité et mes qualités athlétiques. »
Si Gouin décrit l’arbitrage comme un « moule naturel », il reconnaît également que la profession a façonné, en partie, l’homme qu’il est devenu.
« L’arbitrage, pour moi, ça a été une école de vie incroyable. C’est ce qui m’a donné confiance en moi. Au début, dans l’atome, je me faisais crier après par des hommes de 40 ans et je ne trouvais pas ça drôle. Je revenais chez moi et ça ne me tentait plus d’arbitrer. Mais tranquillement, tu fais des bons matchs, on te confie des gros tests. J’ai pris beaucoup d’assurance, mais ce n’est pas quelque chose que j’avais naturellement. »
Parce qu’un jeune arbitre « part toujours avec une prise », le natif de Laval s’est avec les années bâti une épaisse carapace. Quand notre demi-visière ne cache pas une seule ride, faire sa place dans un domaine hyper-compétitif où l’expérience apaise et permet à elle seule d’éteindre bien des feux vient avec son lot de pression. Une fois la rondelle tombée au centre de la glace, le pot arrive bien plus souvent que les fleurs.
Mais de fil en aiguille, la qualité du travail de Gouin a fait oublier la date inscrite à son certificat de naissance.
« Dans le junior majeur, je suis maintenant connu au même titre que d’autres vétérans. Ça peut sonner prétentieux de dire que ma réputation me précède, mais c’est un peu vrai. Sauf que le respect, ça se développe. J’ai mangé mon pain noir, j’ai mis mon pied à terre quand il le fallait. Je suis rendu à un stade où l’âge n’est plus un facteur. »
La LNH? Aucune garantie
Visage maintenant bien connu dans les arénas de la LHJMQ, Gouin en est aussi à sa quatrième saison dans la Ligue américaine. Une semaine typique peut l’amener à passer son mercredi soir à Utica, son jeudi à Syracuse et son vendredi à Lehigh Valley, un itinéraire qui lui donne le temps d’être à Boisbriand le dimanche pour un match de l’Armada. Dans ses temps libres, il est au gymnase pour maintenir la condition physique exemplaire qui lui a permis de se démarquer au camp d’évaluation de l’IIHF.
Le résident de Terrebonne termine aussi un baccalauréat en administration, mais pour l’instant, cette avenue n’est pas celle qu’il priorise. Depuis son ascension au hockey professionnel, Gouin rêve à la LNH. Il a été invité au camp d’évaluation des futurs arbitres du circuit et des superviseurs de la meilleure ligue au monde suivent sa progression. Il est tentant de relier les points et de lui prédire une promotion imminente. Gouin, lui, se garde une petite gêne.
« C’est dur à dire parce que dans les dernières années, les critères d’embauche ont un peu changé et ce qu’ils recherchent est un peu différent de ce qui se fait partout ailleurs dans l’arbitrage. Honnêtement, je suis proche et je suis loin en même temps », craint celui qui a aussi été appelé à travailler dans deux tournois de la Coupe Memorial.
Gouin fait allusion à la volonté de la LNH de former des anciens joueurs, qui possèdent déjà la connaissance du sport et les attributs physiques nécessaires pour y survivre, afin de les aider à faire la transition vers le métier d’arbitre.
« Ça met ça un peu plus loin que ça l’a déjà été, ressent-il. Tout le monde fait ‘1+1=2’, mais tout ce que j’ai fait à date ne garantit pas nécessairement que je vais être dans la LNH un jour. Moi en tout cas, ça me fait mettre les freins un peu. Mais tu sais, je ne contrôle pas ça. Et je m’en vais aux Olympiques! Tout va bien. »