MONTRÉAL – Qu’advient-il des malheureux qui, chaque année vers la mi-décembre, disparaissent dans la nuit après avoir appris que leurs services ne seraient pas requis au sein d’Équipe Canada junior?

Quelques instants après avoir signifié à Samuel Girard qu’il ne faisait pas partie de leurs plans, les dirigeants de Hockey Canada l’ont placé dans une voiture Uber à destination de Shawinigan. Abattu, le jeune retranché a passé les 90 minutes qui le séparaient d’un retour à la froide réalité une oreille collée sur son téléphone, réconforté par les mots d’encouragements de ses proches.

Le deuil fut sobre et solitaire, mais surtout très bref.

« Je ne suis pas vraiment un gars qui pense de façon négative dans la vie, confiait le talentueux défenseur cette semaine, près d’un mois jour pour jour après une exclusion du programme national qui lui avait coincé le cœur dans la gorge. Le lendemain, quand je me suis réveillé, je me suis aperçu que c’était peut-être un plus pour moi d’avoir été coupé et retourné aux Cataractes. »

La résignation de Girard a été accélérée par la conviction qu’il avait exécutée à la lettre, et à un haut niveau, les consignes qui lui avaient été transmises par le personnel d’entraîneurs dirigé par Dominique Ducharme.

« Sérieusement, je pense encore que mon camp s’est très bien passé, récapitule le défenseur par excellence de la LHJMQ en 2016. C’est sûr que je ne saurai jamais ce que ça aurait donné si j’avais pu jouer de la même façon que je le fais avec les Cataractes, mais j’ai joué la game qu’on m’a demandé de jouer. On voulait que je joue un style un peu plus défensif, que je donne la rondelle rapidement, et c’est ce que j’ai fait. Je ne pense pas que j’aurais pu mieux le faire. Mais ils avaient des joueurs dans leur mire et les ont pris à ma place. Je ne peux rien y faire. »

Girard ne cache pas avoir suivi le parcours argenté d’Équipe Canada pendant le temps des Fêtes. « Pas à 100%, mais quand je pouvais écouter une game, je l’écoutais », précise-t-il. Les performances remarquées de ses confrères québécois durant le tournoi l’ont réjoui. Bien sûr qu’il aurait aimé y être, dans cet uniforme écarlate, à étourdir les Tchèques, faire rager les Russes et haïr les Américains. Mais on lui avait clairement indiqué qu’on n’avait pas besoin de lui et il a rapidement développé un sentiment réciproque.

Alors plutôt que de maugréer en rêvant d’un endroit où il n’était pas désiré, il a écouté les conseils du directeur général des Cataractes, Martin Mondou, et a sagement décidé de consacrer toutes ses énergies à l’instant présent.

« Il m’a rencontré et m’a fait comprendre qu’il ne fallait pas que je scrap ma saison pour ça. Là-bas, je n’aurais peut-être pas joué beaucoup alors qu’ici, j’ai retrouvé un rôle important. J’ai beaucoup de glace et on me fait confiance. »

Depuis son retour en Mauricie, on peut dire que Girard fait tout, sauf s’apitoyer sur son sort. Il a récolté un point dans sept des huit derniers matchs des Cataractes, qui voguaient sur une séquence de dix victoires consécutives avant de perdre un « match de séries » à Chicoutimi mardi.

« Je suis content, dit le jeune homme natif de Roberval, auteur d’une saison de 74 points en 67 matchs la saison dernière. Je produis offensivement et ça va aussi très bien défensivement. J’ai une fiche de plus-19 jusqu’à présent avec 45 points et l’équipe va bien. Je suis très heureux. »

D’autres objectifs

Samuel Girard a rapidement placé d’autres objectifs dans sa mire. Le premier en est un d’ordre collectif. Avec un peu plus du tiers de la saison à disputer, les Cataractes trônent au sommet du classement général de la LHJMQ, mais leur avance est mince et les équipes qui les pourchassent ont toutes été plus actives avant la fin récente de la période des transactions.

La route vers la conquête du trophée Jean-Rougeau, remis aux champions de la saison régulière, et à la Coupe du Président ne s’annonce donc pas de tout repos pour les finalistes déchus de 2016.

« Je pense qu’on peut gagner avec l’équipe qu’on a et que si Martin Mondou n’a pas fait de transaction, c’est aussi parce qu’il nous fait confiance, estime Girard. On a quand même l’équipe qui accorde le moins de but dans la Ligue et on a une très bonne offensive. Martin disait lui-même qu’il aurait aimé aller chercher un autre morceau à l’attaque, mais comme il dit, il y a des gars qu’il ne voyait pas là au début de l’année et qui ont fait la job durant la première moitié de la saison – et qui la font encore, d’ailleurs. Alors il n’avait pas le choix de les garder. S’il n’a pas bougé, c’est qu’il aime le noyau qu’on a. »

À Chicoutimi, Girard a eu un avant-goût de ce qui pourrait attendre ses Cats dans le dernier droit. Détenteurs du dixième rang au classement général, les Saguenéens ont trouvé des renforts sur le marché des transactions en ajoutant notamment à leur alignement les frères Kevin et Kelly Klima ainsi que l’attaquant Joey Ratelle.

« Nous autres, les joueurs, on a confiance en nos moyens, réitère Girard. C’est sûr qu’il y aura des moments plus difficiles contre des équipes qui se sont renforcies, mais je pense qu’on est capable de battre toutes les équipes dans la Ligue. »

Au cours des prochains mois, Girard consacrera donc tous ses efforts à faire des Cataractes des aspirants de premier plan aux grands honneurs. Puis l’été arrivera et, à 19 ans, il figurera assurément dans les plans de Hockey Canada en préparation du prochain Championnat du monde de hockey junior. Il ne boudera pas si on l’appelle, mais l’équipe nationale ne sera pas sa priorité.

« Premièrement, je vais essayer de faire les Preds, répond sans hésiter le choix de deuxième ronde, qui a avait laissé une bonne impression à Nashville lors de son premier camp professionnel l’automne dernier. Après ça, on verra ce qui arrivera. Si jamais j’ai à aller [au Mondial junior], je devrais y aller. Mais je le répète, mon objectif c’est de jouer pour les Predators l’année prochaine. »