Élevé sur une ferme, Alexis Bernier se démarque avec le Drakkar
MONTRÉAL – Élevé sur une ferme avicole, le travail ne fait pas peur à Alexis Bernier. On le comprend d'aimer un peu moins les tâches reliées au fumier, mais ses habitudes de vie l'aident à s'illustrer dans la LHJMQ.
« Le travail, ça fait partie des valeurs qui se perdent ... J'ai beaucoup de respect pour ça : un jeune qui met la main à la pâte et qui a été intégré dans un domaine dans lequel il faut travailler fort et être discipliné », a expliqué son entraîneur Jean-François Grégoire avec le Drakkar de Baie-Comeau.
Alexis Bernier Photo : Alexis Bernier sur la ferme familiale.
« Ça l'aide présentement, il est très discipliné à l'extérieur de la glace et il s'entraîne fort », a ajouté Grégoire.
L'été, il doit combiner ses entraînements du matin avec le travail, en après-midi, sur la ferme qui élève jusqu'à 200 000 poulets pendant des périodes de 35 à 40 jours.
« Tu te réveilles de bonne heure et tu te couches tôt. Sur une ferme, tu commences ta journée sans savoir à quelle heure elle se terminera. Mon corps est habitué à ça et je crois que ça m'aide à jouer une saison de 68 matchs », a jugé le défenseur droitier qui s'apprête à se faire repêcher cet été.
Grégoire le confirme, les hockeyeurs de la LHJMQ qui sont habitués d'occuper un emploi sont devenus une rareté.
« J'en ai certains et je vois une différence. Un mauvais match, ce n'est pas la fin du monde. Le téléphone ne sonnera pas parce que l'entourage panique. Ces jeunes sont matures et ils peuvent gérer leur quotidien. Avant, ils arrivaient comme ça. Maintenant, il faut les amener vers ça », a-t-il exposé.
Sa réponse à propos de la maturité fait également écho au stress lié au repêchage de la LNH qui se tiendra à Las Vegas, bien loin de son expérience virtuelle pour sa sélection dans la LHJMQ.
« L'année de repêchage, c'est vraiment difficile pour les jeunes. L'information arrive de partout. Je ne connais pas tant sa famille, mais je ne crois pas qu'il se fasse achaler par son entourage ; il est assez groundé », a décrit Grégoire.
D'entrée de jeu, on utilisait le mot « illustrer », mais Bernier est tout sauf flamboyant comme défenseur.
« Il ne se comporte pas comme un défenseur de 17 ans! Et il a un impact avec nous dans les deux sens de la patinoire », a lancé Grégoire.
Son jeu complet, doté d'un volet physique, repose déjà sur une belle constance pour son âge.
Photo : La ferme de la famille d'Alexis Bernier
« Veut, veut pas, au début de l'année, avec tout le contexte de son année de repêchage, il a essayé d'en faire un peu trop et c'est normal. Mais, très rapidement, à la suite d'une bonne rencontre avec l'entraîneur des défenseurs (Patrice Bosch) le mot constance est apparu », a exposé Grégoire en vantant sa contribution.
S'il affiche un air sérieux, son sourire apparaît quand il parle de quelques sujets comme ses coéquipiers, de poutine et du côté hargneux dans son jeu. Une facette qui provient sans doute du paternel, David, un attaquant costaud qui a affronté Grégoire dans la LNAH et son entraîneur adjoint, Daniel Corso, dans la LHJMQ.
« Ouais, un peu, mon père m'a toujours inculqué de jouer intense et physique. Ce côté m'aide beaucoup parce qu'il y a beaucoup moins de défenseurs robustes. Les gars veulent vraiment être des défenseurs offensifs. Moi, mon style, c'est de pouvoir réussir des jeux offensifs tout en étant difficile à affronter », a répondu Bernier qui aime regarder Drew Doughty et se comparer à Brett Pesce.
Patiner avec Karlsson, Giroux et Weegar
Le travail, ça veut également dire d'investir des efforts dans son développement. L'été dernier, avant d'obtenir son permis de conduire, Bernier n'a pas hésité à prendre le train quelques fois pour se rendre à Ottawa afin de participer à des séances de power skating.
« Je ne pouvais pas apporter ma vraie poche de hockey, je devais transférer mon équipement dans une petite poche », a raconté Bernier en riant.
Sans trop s'y attendre, Bernier a partagé la glace avec notamment MacKenzie Weegar, Erik Karlsson et Claude Giroux. Il a imprégné son cerveau d'images de ces inspirations pour pousser son jeu à un autre niveau.
« La façon dont ils font tout rapidement, ça m'a démontré vraiment la vitesse nécessaire pour jouer à ce niveau. Leurs mains sont aussi rapides que leurs pieds, c'est fou! En plus, Karlsson est parmi les plus habiles. J'ai adoré l'expérience », a décrit Bernier qui veut améliorer sa mobilité pour gagner des fractions de seconde.
Touché au cœur par le cancer d'Émile Chouinard
Tout allait si bien pour le Drakkar et Bernier cette saison. Trônant au sommet du hockey junior canadien (avec une fiche de 43-8-3), l'équipe a appris la terrible nouvelle du cancer affectant le défenseur Émile Chouinard.
« On venait de perdre la veille et le matin, en arrivant dans le vestiaire, notre entraîneur nous a dit qu'Émile voulait nous dire quelque chose. On pensait qu'il ferait un discours pour motiver l'équipe. On ne pouvait pas s'attendre à une telle nouvelle. Tous les joueurs, on était détruit par ça. L'histoire d'Émile est vraiment venue me toucher, le cancer a frappé fort dans ma famille. Ma grand-mère est décédée quand j'avais seulement trois ans », a confié Bernier qui portait une épinglette au numéro de Chouinard lors de son passage à RDS mardi.
« C'est remarquable comment il a été capable de nous annoncer ça, la confiance qu'il dégageait pour ses traitements. Émile, c'est vraiment un meneur et une pièce importante de notre équipe », a-t-il ajouté.
La semaine dernière, Chouinard est venu derrière le banc du Drakkar pour appuyer son équipe durant son match à Victoriaville.
« On est toujours contents de le revoir. On veut gagner match après match car on sait qu'il ferait n'importe quoi pour continuer de jouer avec nous », a cerné Bernier.
S'il joue et parle déjà comme un vétéran, Bernier a prouvé ses qualités humaines avec une histoire racontée dans la balado Sur la bande. Près de sa maison de pension à Baie-Comeau, il y a un lac sur lequel il va jouer au hockey avec son coéquipier Justin Poirier, mais surtout de jeunes enfants du secteur.
« On aime redonner, on aimait ça jouer avec des plus vieux. Ils s'amusent, mais nous aussi », a conclu Bernier.
Ce n'est pas pour rien que la population se rallie derrière le Drakkar en séries et ça promet cette année (et les suivantes) avec les qualités sportives et humaines de l'équipe.