MONTRÉAL – XBox One ou PS4? Se trouver un job ou pas? Chloé ou Justine?

Les dilemmes meublent le quotidien des jeunes garçons aux portes de l'adolescence. Mais pour certains, il y a beaucoup plus déchirant que de choisir une nouvelle console de jeu.

À 11 et 12 ans respectivement, Alexis Loiseau et Emmanuel Aucoin ont dû trancher. Quitter ou non leur domicile familial des Îles-de-la-Madeleine dans l'espoir un jour d'atteindre la LHJMQ, voire même davantage.

Cinq ans plus tard, Aucoin rentre chez lui. 

L'attaquant de 17 ans ne fera toutefois que passer. Moins de deux semaines après avoir sécurisé sa place dans le vestiaire des Cataractes de Shawinigan, Aucoin sera de la formation qui affrontera les Wildcats de Moncton dans le cadre de deux matchs préparatoires présentés dans son patelin les 28 et 29 août.

« Toute ma famille au grand complet y sera. C’est une fierté pour moi de faire l’équipe. Ç’a toujours été mon rêve de jouer dans la LHJMQ et ça s’est réalisé la semaine passée. C’est la récompense pour tous les efforts que j’y ai mis. »

Des sacrifices, Aucoin a dû en faire en effet. À commencer par faire le saut au secondaire à quelque 900 kilomètres de la maison. Tels Emmanuel Boudreau, Vincent Arseneau et Alexis Loiseau avant lui, Aucoin s’enrôlait alors dans le programme sports-études de l’école du Mistral, à Mont-Joli. 

« Les hockeyeurs des Îles-de-la-Madeleine et du Bas-Saint-Laurent n’ont pas le choix. S’ils veulent jouer du hockey de haut niveau, ils doivent quitter pour Mont-Joli », résume Aucoin.

« Ce n’est pas qu’il n’y a pas de talent ou de bons joueurs aux Îles, mais les circonstances font que si tu y demeures, tu peux perdre de l’ambition et il est difficile de s’améliorer », note pour sa part Loiseau, qui en sera à sa quatrième et dernière campagne dans la LHJMQ avec l’Océanic de Rimouski.

Avec une population d’un peu plus de 13 000 habitants répartie sur l’archipel, les opportunités de se frotter à la crème de la crème se font en effet très rares.

« Il y a beaucoup moins de monde qui joue au hockey aux Îles qu’il y a 5 ou 10 ans, alors que les sports nautiques sont de plus en plus populaires, fait remarquer Loiseau […] Tu peux donc te retrouver à jouer avec quelqu’un qui en est à sa première année ou d’autres qui peinent à patiner et qui jouent avant tout pour le fun. »

Alexis LoiseauUn passage obligé

Aussi difficile soit-elle, la décision de faire ses valises, remplir sa poche de hockey et mettre le cap sur Mont-Joli s’impose donc souvent d’elle-même pour les jeunes hockeyeurs madelinots de talent.

« Mes parents m’ont toujours supporté tout au long de ma jeunesse. Ils m’ont donc laissé la décision entre les mains. Quitter à 12 ans, c’est vraiment jeune, mais j’avais un but dans la vie et c’était de jouer au hockey. L’ennui et tout le reste passaient deuxièmes », se souvient Aucoin.

À l’instar d’Aucoin, Loiseau n’a pas hésité longtemps non plus. « Ça s’est fait pas mal sur un coup de tête et je ne le regrette pas du tout. Ce sont plutôt mes parents qui ont fait les plus gros sacrifices », insiste-t-il.

Près de neuf ans après être parti à la poursuite d’un rêve lointain, Loiseau est plus que jamais en mesure d’apprécier la générosité émotionnelle et financière dont ont fait preuve ses parents, respectivement infirmière et pêcheur.

« Pour une maman, voir son petit gars de 11 ans partir, c’est loin d’être facile. C’est sans compter que pendant toutes ces années où je me retrouvais en pension, ça leur coûtait très cher. Ils travaillaient vraiment tout le temps pour m’offrir cette chance. »

C’est donc ainsi qu’Aucoin et Loiseau ont parfait leur développement pendant trois ans à Mont-Joli aux côtés des meilleurs éléments de la région du Bas-Saint-Laurent, de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine avant de graduer dans les rangs midget AAA avec les Albatros du Collège Notre-Dame.

« À mes premières années à Mont-Joli, mes parents venaient me voir jouer environ une fois par mois. À l’âge bantam, c’était peut-être une fois aux trois mois, puis à l’âge midget, ils étaient en visite de deux à trois fois par année », raconte Aucoin. 

Plus loin, plus matures

Loin de leurs parents, Aucoin et Loiseau n’ont donc eu d’autres choix que d’emprunter une autoroute les menant à l’âge adulte.

« Ça m’a grandement aidé sur le plan de l’autonomie », reconnaît Aucoin, dont les parents sont propriétaires d’un commerce. « La majorité des hockeyeurs doivent quitter la maison à l’âge midget AAA, parfois même junior majeur. Nous, on doit partir alors qu’on est pee wee. »

« Être séparé de ma famille et de tous mes amis, ç’a été difficile, au début surtout, confie Loiseau. Quand tu as 11 ans et que tes parents ne sont plus là tous les jours pour te gâter, c’est peut-être dur, mais ça m'a responsabilisé. »

De quoi faciliter l’adaptation une fois le grand jour venu.

« À notre arrivée dans la LHJMQ, l’adaptation à un nouveau milieu, une nouvelle pension, une nouvelle ville... on l’a déjà vécu. On peut se concentrer davantage sur le hockey », observe Loiseau, qui en est à sa sixième famille de pension depuis son départ des Îles-de-la-Madeleine.

Si Loiseau n’aura pas la chance d’évoluer sur ses terres le temps de quelques heures, il ne peut que se réjouir pour Aucoin, un bon ami.

« Je suis un peu jaloux, j’aurais aimé que ce soit nous autres qui aient cette opportunité, mais je suis super content pour Emanuel et le monde des Îles, qui vont avoir la chance de voir ça. »

N’ayant passé que deux petites semaines chez lui au cours de la dernière année, Aucoin entend bien sûr profiter de cette brève et rare escale. Ce n’est pas tous les jours qu’il a la chance de vivre son rêve devant les siens et de faire le plein de petits plats.

« Ce sera toute une expérience. »