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Nathan Darveau mérite une exception et non de la discrimination selon son agent

Nathan Darveau Nathan Darveau - Alex Garneau - Tigres
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MONTRÉAL – « Je ne peux pas dire à notre recruteur des gardiens "Viens manger une poutine à Victo et regarde Nathan Darveau en même temps" », explique une source de la LNH. « C'est tout simplement la grandeur, la plupart des entraîneurs des gardiens de la LNH en font une maladie », ajoute un dirigeant d'un autre club. 

La saison dernière, Darveau a été sacré le meilleur gardien junior au pays, pas seulement dans la LHJMQ, et il excelle encore en 2023-2024. Malgré tout, le gardien de 20 ans attend toujours une première invitation d'une équipe de la Ligue américaine de hockey (LAH) ou de la LNH car il ne mesure que cinq pieds et huit pouces.

« Quand tu regardes ça froidement, ça semble complètement débile, a admis l'un des deux recruteurs sondés de manière anonyme. Tu vois ses chiffres et tu demandes comment il ne peut pas être invité. Mais, quand tu regardes ça froidement, une organisation a deux gardiens LNH, deux LAH et deux ECHL. Souvent, le deuxième dans l'ECHL ne t'appartient pas donc ça ne fait que cinq postes. Ensuite, les équipes repêchent, en moyenne, un gardien par année et tous ces espoirs passent devant lui. Bref, les trous se comblent vite. »

Avec les techniques enseignées aux gardiens dans le hockey actuel, les équipes de la LNH ont établi des barèmes selon lesquels un gardien doit mesurer, au minimum, six pieds deux pouces pour attirer les regards. Ainsi, les spécialistes des gardiens ne se déplacent même pas pour épier les autres ce qui explique que même le charme de la poutine de Victoriaville ne soit pas suffisant pour les convaincre.  

Pourtant, Darveau semble afficher le curriculum vitae idéal pour procéder à une exception. 

« Plus souvent qu'autrement, la petite taille va faire en sorte que le gardien aura de la misère. C'est pour ça que des barèmes ont été instaurés dans la LNH et je le comprends. Mais que se passe-t-il avec le mot exception ? Je pourrais nommer des gardiens qui ont été moins efficaces que lui, mais parce qu'il a quelques pouces en moins, il ne reçoit rien. On appelle ça de la discrimination », n'a pas hésité à lancer son agent Mathieu Lacharité qui collabore avec Serge Payer. 

« On entendait toujours ‘On verra comment il se débrouillera dans le junior'. Mais il a été nommé le meilleur gardien de la Ligue canadienne de hockey et ça ne suffit pas, c'est exaspérant... », a-t-il ajouté. 

Les recruteurs consultés compatissent avec Darveau, mais voici leur réponse. 

« Malheureusement, c'est probablement la seule position à laquelle c'est vraiment ferme. Je parle à plusieurs équipes et c'est le même son de cloche partout. Comme dans n'importe quelle entreprise, une exception peut seulement être accordée si elle vient du haut de la pyramide », a expliqué un dépisteur. 

Au lieu de se tourmenter avec ces enjeux, Darveau s'affaire à prouver sa valeur sur la patinoire et il se rabat sur un argument principal pour mousser sa candidature. 

« Ma vision de tout ça, c'est que si j'arrête plus les rondelles qu'un gardien de six pieds trois pouces dans le junior, pourquoi ça ne continuerait pas comme ça dans la LNH », a exposé Darveau qui affiche une belle maturité face à ce contexte déchirant.  

« C'est sûr que c'est un peu frustrant quand tu espères avoir une petite chance et que tu vois des gardiens qui ont, disons, moins de succès se faire repêcher avant. Mais ça n'ajoute qu'à ma motivation », a-t-il précisé. 

Nathan DarveauDepuis quelques étés, Darveau peut compter sur les conseils de Pierre Groulx qui a été entraîneur des gardiens dans la LNH pendant plus de 10 ans (avec les Panthers, le Canadien et les Sénateurs). 

« Pour moi, cette excuse [du gabarit] n'est pas correcte. Année après année, Juuse Saros (5 pieds 11 pouces) est l'un des meilleurs gardiens de la LNH. Oui, ça aide de mesurer six pieds deux pouces, mais parfois tu dois donner la chance à des gardiens comme Nathan », a noté Groulx tout en vantant ses mouvements latéraux « incroyables » et son redoutable appétit de compétiteur. 

Si Hockey Canada avait pu l'inviter

En décembre 2022, Darveau aurait pu obtenir une plateforme parfaite pour démontrer son potentiel. Alors qu'il brillait avec les Tigres de Victoriaville, il a été ignoré pour le camp de sélection d'Équipe Canada junior. Et ce, même si Hockey Canada a le mandat d'inviter la crème du pays. 

« C'est difficile à comprendre, il était le meilleur gardien au Canada, j'ai beaucoup de misère à m'expliquer celle-ci. Ce n'est rien contre les autres gardiens, mais il aurait dû avoir une chance de se prouver », a ciblé Groulx alors que Darveau présentait une fabuleuse efficacité de ,953 à la fin novembre. 

« Même Hockey Canada a de la misère à considérer les petits gardiens qui ont d'excellentes performances quand vient le temps de jouer sur la scène internationale », a reconnu l'un des deux recruteurs. 

Pour Darveau, qui est originaire de Rouyn-Noranda, cette décision a fait mal. 

« Je pense que je méritais ma place, j'avais parmi les meilleures moyennes au Canada et ils ont invité d'autres gardiens que moi », a-t-il noté. 

« Je ne dis pas que Nathan aurait dû automatiquement être le gardien du Canada. Mais il aurait dû, au moins, recevoir une invitation, c'était inacceptable », a jugé son agent. 

Cette année, Darveau n'était plus admissible en raison de son âge et Hockey Canada a démontré plus d'ouverture en retenant Mathis Rousseau qui mesure cinq pieds onze pouces.  

Pas dans les plans du CH, vers le chemin ardu de l'ECHL

Puisque les équipes se déplacent rarement pour épier les gardiens de petite stature, Darveau pourrait avoir plus de chances de convaincre le club duquel il joue dans sa cour, c'est-à-dire le Canadien. 

« On en a parlé avec l'état-major du Canadien et la réponse a été qu'il n'était pas dans leurs plans actuels. Il est aussi dans la cour des Sénateurs qui ont encore plus de problèmes devant le filet », a commenté Lacharité qui a discuté avec 15 à 20 équipes de la LNH. 

Pour la saison prochaine, tout pointe vers un passage par l'ECHL où il devra s'imposer. Sa marge de manœuvre deviendrait encore plus minime s'il obtenait ensuite un court essai dans la LAH. 

« Je vais avoir un chemin très difficile et je suis prêt à le traverser. Ce serait un bel exploit de réussir et ça deviendrait une façon d'ouvrir la porte pour les autres petits gardiens », a commenté le gardien des Tigres. 

Car il ne faudrait pas que les gardiens plus petits finissent par quitter la position – ou même le hockey – en l'absence d'exceptions.