BOISBRIAND – Sylvain Couturier a d’abord tout griffonné sur une feuille brouillon. Valait mieux.

 

Dix ans, c’était peut-être un peu trop demandé. Même lui le savait. Il allait sans doute vite devoir biffer cette exigence de la liste qu’il venait de déposer sur le bureau d’Annie Morrissette. Mais pas avant d’avoir essayé. La renégociation de son contrat de directeur général du Titan d’Acadie-Bathurst, auquel il restait encore une année, ne faisait que commencer et il allait tester les limites.

 

« C’était une question de sécurité, justifie aujourd’hui Couturier. Il y avait plusieurs changements qui se faisaient chaque année. »

 

À l’époque, en 2009, le Titan en était à son quatrième entraîneur en autant d’années et il venait à peine d’être vendu par Léo-Guy Morrissette à ses enfants Annie et Stéphane. Officieusement...

 

« Honnêtement, j’ai fait cette demande en pensant que je ne l’aurais pas. Je m’attendais à un 5 ans de plus. »

 

De retour dans le bureau de la présidente et copropriétaire de l’équipe trois heures plus tard, Couturier était donc disposé à récupérer son bout de papier et à aller refaire ses devoirs.

 

Sylvain Couturier (gauche) aux côtés de Ron Choules, Stéphane Morrissette et Annie Morrissette.« Je suis allé voir la pratique [de l’équipe] et quand je suis revenu, elle avait tout mis ça au propre. Je pensais que c'était juste l’offre et la contre-offre, alors quand je lui ai demandé [si c’était le cas]. Elle m’a répondu : "Non, non, on a accepté toutes tes demandes ".

 

« Je ne pouvais plus reculer. »

 

Presque huit campagnes ont passé depuis l’entrée en vigueur de cette entente. Au fil des six premières, le Titan a fait du surplace. Il a été éliminé cinq fois au premier tour et a été exclu des séries à une reprise. Le carrousel derrière le banc s’est poursuivi de plus belle et Couturier a même été relégué brièvement au rang de conseiller spécial au directeur général.

 

Mais il est toujours là. Plus fort que jamais et à deux victoires d’un championnat, parce qu’il y a quatre ans, il a eu l’audace de se placer la tête sur la bûche.

 

À bout de souffle

 

Couturier en est persuadé encore aujourd’hui, s’il a obtenu un contrat de 10 saisons de la part d’Annie et Stéphane Morrissette, c’est que leur père Léo-Guy y était pour quelque chose. Il ne se doutait toutefois pas que deux ans plus tard, l’homme alors âgé de 67 ans allait à la fois se réapproprier l’équipe et les fonctions de DG.

 

« J’étais surpris, parce que je ne pensais pas que Léo-Guy voulait revenir comme ça, mais j’ai toujours été beaucoup impliqué, assure Couturier, qui voue une reconnaissance sans borne à celui qui lui a offert sa première chance dans le hockey junior, d’abord comme entraîneur adjoint.

 

« J’avais une protection, alors j’ai embarqué là-dedans et j’ai essayé d’être loyal envers l’organisation. »

 

Il l’a été. Pendant deux ans, Couturier s’est occupé de la paperasse. Il a rempli et expédié les contrats à la ligue. Il a géré les pensions des joueurs. Il a veillé à la saine poursuite de leurs études. Il a donné son avis, sans jamais avoir le dernier mot.

 

Il a attendu son tour.

 

Jusqu’à ce que Morrissette vende l’équipe à un groupe de 28 investisseurs locaux en avril 2013. Ne lui manquait plus que la bénédiction des nouveaux propriétaires pour récupérer le poste pour lequel il était encore sous contrat pour... sept saisons.

 

« C’était un long contrat, mais ce n’est pas ça qui allait déterminer si on le gardait ou pas », jure l’actuel président du conseil d’administration du Titan, Serge Thériault.

 

« Il était déjà là, et comme n’importe qui, il méritait une chance de se faire valoir, précise-t-il. Je ne veux rien dire contre l’ancien propriétaire, mais il y avait peut-être certaines choses que Sylvain aurait aimé faire comme directeur général, mais il ne pouvait pas. »

 

Dorénavant, il avait les coudées franches. C’est lui qui allait devoir sortir le club du Nouveau-Brunswick de sa misère sur la patinoire.

 

« On a hérité d’une équipe qui était à bout de souffle », soulève Thériault.

 

« Quand [les nouveaux propriétaires] ont pris possession de l’équipe à la séance de sélection à Chicoutimi, on avait deux choix de première ronde, mais on n’avait pas de choix de deuxième, pas de choix de troisième et pas de choix quatrième, énumère Couturier. On était faible dans tout. On est parti avec ça et on s’est assis après cette saison-là. J’avais un plan. »

 

Tout démolir

 

Après une autre élimination au premier tour, il n’était plus question de rénover. Il fallait tout démolir et rebâtir.

 

« Je les avais bien prévenus qu’il y avait des années difficiles qui s’en venaient, mais qu’éventuellement, dans trois ou quatre ans, ce serait payant, rappelle Couturier. [...] Ils ont dit oui à ce plan et ils l’ont respecté. Le dire et le faire, c’est deux choses. Je pense que c’est un p’tit peu la différence entre les nouveaux propriétaires et Léo-Guy, qui était parfois un peu moins patient. Les plans changeaient rapidement. »

 

Plus maintenant.

 

Malgré deux premières campagnes de 17 et 27 victoires, le Titan n’a pas dérogé de son plan et aucune pierre tombale au nom de Mario Pouliot n’a été ajoutée à ce qui a été longtemps considéré comme le cimetière des entraîneurs de la LHJMQ. Si bien que la jeune relève, formée notamment d’Antoine Morand et Noah Dobson, s’est développée et a permis à l’équipe de signer 39 victoires l’an dernier avant d’être freiné en deuxième ronde.

 

German Rubtsov, au banc du Titan.« Je vais être honnête, dans les deux premières années, j’étais moins nerveux que dans les deux dernières, car c’est là qu’il fallait produire, surtout cette année », confie Couturier, qui après avoir reconstruit son club avant tout par le repêchage, a volé la vedette sur le marché des transactions à la dernière période des fêtes.

 

Olivier Galipeau, Mitchell Balmas, Evan Fitzpatrick, German Rubtsov Samuel Asselin... Chacun d’entre eux a contribué à l’ascension continue du Titan, qui après avoir conclu l’année au deuxième rang du classement général, se retrouve au coude à coude 2 à 2 en finale avec la tête de série no 1, l’Armada de Blainville-Boisbriand.

 

En l’emportant ce soir au Centre d’excellence Sports Rousseau, le Titan s’offrirait l’opportunité de soulever la coupe du Président chez lui dimanche, devant des partisans qui n’ont pas vu le trophée depuis 1999.

 

« On ne pourra pas nous enlever ce qu’on a fait. On a accompli quelque chose de spécial, mais le sentiment du devoir accompli, je vais le ressentir quand on va gagner.  »

 

S’il n’y parvient pas, Couturier aura toujours encore deux ans pour lancer une autre reconstruction et prouver qu’il mérite une autre prolongation de contrat.

Dix ans? Peut-être pas.