MONTRÉAL – Sébastien Auger s’est fait à l’idée. À 20 ans et 5 pieds 11 pouces, il ne répondra sans doute jamais aux standards physiques du gardien type recherché par les recruteurs de la LNH.

Il n’y aura pas de poussée de croissance miraculeuse ni d’élan de charité de la part des clubs du circuit Bettman envers le portier des Sea Dogs de Saint John.

« Il part avec deux prises contre lui, il ne faut pas se le cacher », confirme un éclaireur de la LNH.

Cet agaçant refrain, Auger l’entend depuis bientôt quatre ans. Et ce n’est pas à sa dernière campagne dans le circuit Courteau qu’il compte abdiquer et déserter le filet qu’il a si bien défendu jusqu’à maintenant.

Le casque de Sébastien Auger« It’s not how big you are, it’s how big you play. »

Voilà la réplique d’Auger, telle qu’inscrite sur ses masques depuis ses débuts dans la LHJMQ.

« Je ne me souviens pas vraiment où et quand je l’ai entendue pour la première fois, mais cette expression m’est restée en mémoire. Ce n’est pas la grandeur qui importe, pourvu que j’arrête les rondelles. »

Parer les tirs adverses, c’est justement ce qu’Auger fait de mieux malgré sa petite taille. Dernier rempart d’une formation en reconstruction lors des deux dernières campagnes, il a été mitraillé d’un total de 3873 lancers, soit 555 de plus que le deuxième gardien le plus occupé de la ligue au cours de cette même période, Jacob Brennan, du Titan d’Acadie-Bathurst.

« Du point de vue de la victoire, c’est sûr que ça été plus dur, mais on a quand même joué des matchs serrés. Le bon côté, c’est que je recevais beaucoup de lancers. Ça m’a permis de m’améliorer au maximum avec des matchs de 40 tirs soir après soir », relativise Auger, dont l’équipe a conclu les saisons 2012-2013 et 2013-2014 aux 16e et 17e rangs.

Cela n’a pas empêché le portier des Sea Dogs d’effectuer 3529 arrêts, pour un pourcentage d’efficacité combiné de ,911.

« S’il y a une chose qu’on ne peut pas lui enlever, c’est qu’il affiche des statistiques considérables, concède le dépisteur consulté par RDS. On peut les virer de tout bord tout côté, il reste qu’Auger fait preuve d’une concentration au-dessus de la moyenne. »

Gallant est parti trop vite

Aussi éloquents soient-ils, ces chiffres n’ont toutefois pas suffi à susciter l’intérêt des formations de la LNH. Aucun coup de fil, aucune invitation.

« Je venais de connaître une bonne saison alors je m’attendais à avoir une chance. Du moins, je l’espérais... »

La présence de son ancien entraîneur Gerard Gallant au sein de l’organisation du Canadien lui permettait en effet de croire à une convocation au camp des recrues de l’équipe à tout le moins. Or, cette perspective s’est envolée lorsque l’ancien adjoint de Michel Therrien a quitté pour la Floride, où il a pris les commandes des Panthers durant la saison morte.

« Il faisait son possible. Il n’y avait rien d’assuré, mais il aurait essayé », se désole aujourd’hui l’athlète de Saint-Augustin-de-Desmaures.

Les autres équipes? Rien.

« Si on fait le tour de la LNH et de la Ligue américaine, les gardiens mesurent en moyenne 6 pieds 1 pouce », fait remarquer le recruteur interrogé, avant de mettre ce critère d’embauche en perspective. « Il y aura toujours des exceptions à la règle, surtout à cette position. »

De plus petite stature, Jonathan Quick (6 pi 1 po), Jonathan Bernier (6 pi), Jhonas Enroth (5 pi 10 po) et Jaroslav Halak (5 pi 11 po) se sont en effet faufilé jusqu’à la LNH, où ils occupent désormais un poste de gardien no 1 à Los Angeles, Toronto, Buffalo et Long Island.

« Leur grandeur n’a pas d’importance. Grâce à leurs qualités athlétiques et leur rapidité, ils parviennent quand même à arrêter les rondelles », observe Auger.

Alors pourquoi pas lui?

C’est dans cet état d’esprit qu’Auger a regagné Saint John et récupéré son demi-cercle du Harbour Station, déterminé à forcer le destin.

« C’est ma dernière chance, rappelle le joueur de 20 ans. J’en suis à ma dernière année et je compte bien prouver que je mérite une place quelque part dans le hockey professionnel. »

Sébastien AugerVisibilité accrue

Jusqu’à maintenant, Auger tient parole. Avec neuf victoires au compteur, il occupe le deuxième rang de la ligue à ce chapitre, derrière le gardien du Drakkar de Baie-Comeau Philippe Cadorette, qui en revendique une de plus. Il affiche de plus un pourcentage d’efficacité de ,913. Seuls Marvin Cüpper (,922), des Cataractes de Shawinigan, et Callum Booth (,914), des Remparts de Québec, peuvent se vanter d’avoir mieux fait.

« C’est sûr que cette année, je souhaite gagner beaucoup plus souvent que par le passé. »

Pour l’instant, Auger est servi. Les Sea Dogs (9-3-0-3) dominent la division des Maritimes et pointent au troisième rang du classement général. Et tout ça même si Auger a reçu jusqu’à maintenant le deuxième plus haut total de lancers (438) derrière Cüpper (447).

« C’est assez surprenant, admet Auger, qui a été élu première étoile de la semaine à la mi-octobre. Honnêtement, c’était dur de savoir à quoi s’attendre avec tous les changements apportés par notre nouveau directeur général avant le début de la saison, mais on est capable d’aligner les victoires et de marquer beaucoup plus de buts. »

De quoi offrir un maximum de visibilité à Auger en cette année charnière.

« Je projette toujours de poursuivre ma carrière une fois cette saison terminée, que ce soit en Europe ou dans les rangs universitaires, mais pour le moment, je me consacre aux Sea Dogs. Je verrai ensuite quelles sont mes options. »

Qui sait, l’une d’elles pourrait être celle qu’il désire tant.

« Jamais je dirai qu’il ne jouera pas dans la LNH ou bien qu’il n’a pas le potentiel pour y évoluer, insiste le dépisteur. Il suffit qu’il ait une chance et qu’il la saisisse. »