MONTRÉAL – Martin Bernard garde un bon souvenir de son dernier repêchage dans l’organisation des Cataractes de Shawinigan.

L’équipe de la Mauricie n’avait pas nécessairement accaparé les manchettes lors de cet encan, mais Bernard se souvient  d’une discussion qu’il avait eue avec un de ses dépisteurs au sujet d’un mystérieux choix de huitième ronde, un défenseur du nom de Simon Benoît.

« C’était un recruteur en qui j’avais confiance, raconte Bernard, qui est aujourd’hui à la barre du Drakkar de Baie-Comeau. Il m’avait dit : ‘Tu le regarderas comme il faut au camp. On l’a pris loin, mais je pense que c’est le genre de défenseur que tu pourrais aimer’. »

« L’été passe, le jeune arrive au camp et je me suis mis à l’observer. Ce n’était pas le plus flashy de la gang. Si tu ne le regardais pas, tu pouvais passer à côté. Il n’y avait rien de spectaculaire ou de ‘wow’ pour te jeter en bas de ta chaise, sauf que quand tu regardais bien son jeu, il faisait plein de petits détails qui sont importants, que les entraîneurs aiment. Je me disais que c’était un beau projet à développer, si on se donnait du temps. »

Benoît ne peut s’empêcher de rire lorsque les réminiscences de son ancien coach parviennent à ses oreilles.

« J’arrive d’encore plus loin, ajoute-t-il à l’histoire. À ma première année Midget, j’avais commencé dans le AA. J’avais monté Midget Espoir à Noël, après qu’un joueur eut quitté l’équipe. C’est juste l’année suivante que j’ai joué Midget AAA. Quand je suis arrivé dans le junior, je crois que j’avais le même état d’esprit que quand je suis arrivé ici, à San Diego. J’étais là pour me faire une place. Ce n’était pas pour vivre une expérience et être un passager. C’était vraiment pour faire une job. Je suis arrivé, j’étais rendu là dans ma carrière de hockey. J’étais prêt. »

Que fait au juste Simon Benoît à San Diego, alors qu’il devrait être l’un des trois vétérans de 20 ans des Cataractes? Il joue pour les Gulls, le club-école des Ducks d’Anaheim dans la Ligue américaine, avec qui il s’est taillé un poste après avoir causé une surprise, une autre, au camp d’entraînement en septembre.

« L’année dernière, on ne peut pas dire que beaucoup d’équipes me couraient après, admet le colosse de 6 pieds 3 pouces. Mais je suis allé au camp de développement à Anaheim et j’ai laissé une bonne impression avec mes tests physiques. Ils ont décidé de me rappeler au camp principal et je me suis adapté rapidement au niveau de jeu. Je pense que ça les a un peu surpris, alors ils m’ont donné une chance dans la Ligue américaine. On sait ce qui est arrivé par la suite. »

Ce qui est arrivé, c’est que Benoît a si bien progressé que la semaine dernière, il a signé un contrat d’entrée dans la Ligue nationale. Il est maintenant lié à l’organisation des Ducks pour les trois prochaines années.

« On dit souvent que pour certains joueurs, le hockey est un sport à développement tardif. Il en est l’exemple parfait », se réjouit Martin Bernard.

La part des choses

Benoît vivait une journée typiquement californienne quand il a retourné l’appel de RDS. Pas trop loin, sa copine Alice et leur chien Molson l’accompagnaient pour une petite promenade autour de leur appartement du centre-ville de San Diego. La veille, il avait récolté une passe sur le but gagnant dans une victoire en prolongation contre les Condors de Bakersfield.

Benoît a joué 54 des 57 matchs des Gulls depuis le début de la saison. Gaucher naturel, il s’est habitué à jouer du côté droit en raison des nombreux changements de personnel qui ont affecté la brigade depuis le début de la saison. Ses entraîneurs l’utilisent en désavantage numérique. À +13, il montre le quatrième meilleur différentiel parmi les défenseurs recrues de la LAH.

On est loin du -37 qui s’affichait dans ses statistiques personnelles alors qu’il faisait partie de l’une des brigades défensives les plus poreuses de la LHJMQ la saison dernière.

« On avait une équipe remplie de recrues, alors c’est sûr que ça a été une année plus difficile. Mais les recruteurs savent reconnaître ces circonstances-là et sont capables de faire la part des choses, alors je n’étais pas stressé avec mon avenir. Je pense que ça a été l’année où j’ai le plus appris. Et dans ma tête, j’avais toujours l’option de jouer une autre année ici de toute façon. »

« C’est un autre bel exemple que des fois, les jeunes et leur entourage mettent beaucoup d’accent sur les statistiques, mais ce n’est tellement pas ça que les dépisteurs regardent, en profite pour faire remarquer Martin Bernard. Comme tu dis, à -37, tu regardes ça, il n’y a pas grand-chose à faire avec ça! Mais quand tu regardes le jeune jouer, tu vois sa tête de hockey, ses habiletés, son engagement, comment il va jouer dans ses forces... C’est la raison pour laquelle les Ducks lui ont offert quelque chose. »

Éternel négligé, Benoît a voulu rendre hommage à Bernard, qui lui a donné sa première chance, et aussi à ses successeurs qui, dans des circonstances difficiles, lui ont donné les outils pour qu’il trace son propre chemin.

« J’ai été très bien préparé à Shawinigan. Steve Larouche a joué dans la Ligue nationale, il sait comment ça se passe. Daniel Renaud, c’est un jeune entraîneur, mais on ne dirait pas qu’il est jeune, on dirait qu’il a genre 75 ans et qu’il plein d’expérience! Rémi Royer aussi, qui a joué des parties dans la LNH. Avec leur bagage, les trois m’ont bien préparé pour la suite. J’étais prêt quand je suis arrivé à San Diego. J’étais là pour faire une job, pas pour revenir. »