MONTRÉAL – Jonathan Lemieux aurait toutes les raisons du monde d’être amer et rancunier

À chaque fois que s’ouvre la fenêtre hivernale pour effectuer des transactions dans la LHJMQ, les gros noms qui changent d’adresse et les aspirants qui accumulent les coups d’éclat accaparent les manchettes. Moins souvent s’attarde-t-on aux joueurs qui tirent le mauvais numéro dans ce bazar du temps des Fêtes.

Lemieux a été l’un de ceux-là cette année. Le gardien de 20 ans vient d’être échangé pour la deuxième fois en sept mois. La première fois, en juin dernier, le projet était emballant. Il passait des Foreurs de Val-d’Or, qui venaient de s’incliner en finale de la Coupe du Président, aux Sea Dogs de Saint John, qui étaient alors de sérieux candidats pour l’obtention de l’organisation du prochain tournoi de la Coupe Memorial.

Les Sea Dogs seront effectivement de la grand-messe du hockey junior canadien, mais Lemieux n’en fera pas partie. Le 6 janvier, insatisfaite de ses performances, l’équipe néo-brunswickoise l’a sacrifié en l’envoyant aux Wildcats de Moncton, une jeune équipe qui n’aspire pas aux grands honneurs cette année.

L’insulte à l’injure, c’est que c’est Nikolas Hurtubise, qui a eu le dessus sur Lemieux lors de la dernière grande finale de la LHJMQ, qui le remplacera chez les Sea Dogs.

« C’est sûr que sur le coup, ça a été quand même un choc. Je suis quelqu’un de compétitif et orgueilleux, donc apprendre comme ça qu’on se fait remplacer, ça fait un peu mal à l’orgueil », reconnaissait Lemieux lundi en entrevue avec RDS.

« Mais j’ai eu des bonnes discussions avec mon agent, Nicola Riopel, et avec le recul j’ai été capable de ressortir du positif de ça. Le plus gros là-dedans, c’est que j’avais mon ticket pour la Coupe Memorial. Par contre, je pense que mes performances avant Noël, on ne se le cachera pas, qu’on regarde mes chiffres ou de la manière dont je jouais, ce n’était pas moi. Je comprends totalement Trevor [Georgie, le DG des Sea Dogs]. Ça faisait longtemps qu’ils voulaient la Coupe Memorial et là, ils l’ont. Ils ne pouvaient pas se permettre de prendre le risque d’y aller avec quelqu’un avec qui ça ne marchait pas tant que ça. »

Lemieux concède, du bout des lèvres, que les circonstances entourant son bref séjour à Saint John n’ont pas été idéales. Il a eu du mal à se remettre des émotions négatives sur lesquelles s’est conclue son association avec les Foreurs, puis il s’est laissé distraire par l’étude des scénarios qui pourraient s’offrir à lui au terme de son stage junior. Par-dessus le marché, il a dû composer avec la présence de son nom dans les rumeurs d’échanges.

Mais quand on ajoute que les Sea Dogs ne sont historiquement pas reconnus pour l’hermétisme de leur défensive, Lemieux met fin à nos insinuations.

« Je n’aime pas pointer les autres du doigt pour justifier mes insuccès. Je suis quelqu’un de très pointu sur les détails et je regarde beaucoup mes performances et mes actions au lieu de blâmer les autres. Je ne veux pas chercher d’excuses. En tant que joueur de 20 ans, c’est ma cinquième année dans la ligue, même si ce n’est pas nécessairement une organisation qui est reconnue pour être bonne défensivement, c’est mon devoir de m’adapter à la situation. À ce niveau-là, je m’étais donné jusqu’à Noël pour m’ajuster à un nouveau système de jeu, à mes nouveaux coéquipiers, à la manière de coacher. Malheureusement, ça ne s’est pas prolongé au-delà de Noël pour moi, mais je suis confiant que si j’étais resté, j’aurais eu du succès. L’équipe allait quand même dans la bonne direction. »

Ironiquement, Lemieux retrouvera à Moncton le jeune Vincent Filion, un ancien choix de première ronde des Foreurs qui a lui aussi été échangé aux Wildcats. Il reprendra la relation avec l’esprit ouvert et l’âme généreuse, prêt à jouer le rôle de mentor tout en restant désireux de prouver sa véritable valeur.

« On aimerait toujours savoir ce qui aurait pu se passer, mais je ne peux pas rester pogné là-dessus et vivre dans le passé. Maintenant, c’est une nouvelle aventure et je suis content d’en faire partie. »

Rupture

Quand il était plus jeune, Kieran Craig se souvient qu’il suivait avec admiration la carrière de Rémi Elie, un Franco-Ontarien comme lui qui a participé au Mondial junior, qui été repêché par les Stars de Dallas et qui est parvenu à atteindre la Ligue nationale. Quand il est arrivé avec les Olympiques de Gatineau, le natif d’Hawkesbury a rapidement démontré de l’intérêt pour s’impliquer dans la communauté afin de servir lui aussi de modèle positif pour la relève.

« À cause de la COVID, on n’avait pas vraiment eu l’occasion de faire grand-chose dernièrement, mais ça nous est arrivé d’aller à l’hôpital de Gatineau. On donnait des jouets et des souvenirs des Olympiques aux enfants. Tu vois des jeunes, tu leur parles. On allait dans les écoles aussi, les élèves étaient toujours contents de nous voir, ils posaient beaucoup de questions. On allait jouer au hockey balle dans le gym, tu voyais le sourire dans leur visage. »

« Pour moi, c’était naturel de faire ça, c’était toujours le fun. Tu sors dans la communauté, les gens font l’inverse en venant voir tes joutes. C’était le fun d’interagir avec les gens de Gatineau. »

Craig écoulait sa quatrième saison sur les rives de la rivière des Outaouais. Il était aimé des partisans, apprécié de ses coéquipiers et aurait souhaité terminer sa carrière junior où elle a débuté. Surtout qu’après une courte traversée du désert, les Olympiques sont de retour parmi les équipes à craindre dans l’Association Ouest. Comme vétéran de 20 ans, Craig pouvait rêver à un long parcours éliminatoire avant de quitter l’organisation selon ses propres termes.

On ne choisit toutefois pas toujours la fin de son histoire. Juste avant la fermeture de la dernière fenêtre des transferts, Craig a été échangé à l’Armada de Blainville-Boisbriand en retour d’un autre attaquant de 20 ans, Simon Pinard.

« Louis [Robitaille, le DG des Olympiques] ne m’en avait pas vraiment parlé avant de partir pour le Mondial junior, raconte Craig. La journée de la date limite, je ne m’en attendais plus vraiment. Je pensais que si j’étais pour être échangé, ça aurait plus été au début de la période des échanges. Mais tout arrive pour une raison. J’aurais aimé ça finir ma carrière à Gatineau. L’équipe est bonne et les partisans le méritent après des années plus dures. Mais j’ai été accueilli à bras ouverts à Boisbriand et je suis très content d’être là. »

L’intégration à un nouveau groupe n’est pas facile en temps de COVID. L’Armada a finalement pu recommencer à s’entraîner samedi et Craig, qui connaissait déjà un peu l’entraîneur Bruce Richardson pour l’avoir côtoyé dans des tournois estivaux il y a plusieurs années, a pu s’affairer plus sérieusement à tisser des liens avec ses nouveaux coéquipiers.  

Quand on lui demande si son changement d’allégeance signifiera la fin de quelques rivalités, il mentionne le nom du capitaine de l’Armada, Simon Lavigne.

« On est rentrés dans la ligue en même temps, on a joué souvent l’un contre l’autre. Moi je suis un joueur qui aime être devant le filet et lui aime être robuste, très physique. On jouait rough pas mal! Chaque fois qu’on avait une chance, on se frappait, on se donnait des coups. Maintenant, c’est le fun de savoir qu’il va être de mon bord et que je pourrai le regarder faire ça à d’autre monde que moi! »