LHJMQ : une pression différente pour Joël Perrault
MONTRÉAL – Sans le vouloir, les architectes du calendrier de la Ligue de hockey junior majeur du Québec ont fait un beau cadeau à Joël Perrault pour son retour dans le circuit.
Ancien joueur vedette du Drakkar de Baie-Comeau, le nouvel entraîneur-chef de l'Océanic de Rimouski a eu l'occasion de retourner sur la Côte-Nord dès le deuxième week-end de la saison. Fin septembre, son équipe a pris le traversier pour aller jouer deux matchs en moins de 24 heures au vieux Centre Henry-Leonard.
Perrault n'y avait pas mis les pieds depuis sa saison de 116 points il y a vingt ans. Il a renoué avec Brian St-Louis, indélogeable gérant de l'équipement, qui l'a invité dans le vestiaire de l'équipe locale. L'organisation a souligné sa présence au micro, une attention qui l'a touché, mais pas autant que la réaction qu'elle a suscitée dans les gradins. C'était comme revenir à la maison.
Ou presque.
« Je parlais justement de ça hier avec mon père au téléphone, confie Perrault au début d'une longue entrevue accordée à RDS. Je lui disais que jamais on aurait pu voir un programme double à la même place entre Baie-Comeau et Rimouski dans mon temps. Ça aurait été un carnage total. Ça n'aurait pas été plausible de faire ça. Le deuxième match aurait duré quatre heures. »
Le hockey junior a changé dans les deux dernières décennies. Le nombre de bagarres a diminué et le spectacle, sans être de moindre qualité, s'offre maintenant dans un autre registre. À l'époque où jouait Perrault, les entraîneurs pouvaient être au centre du show. Les esclandres de Richard Martel, Doris Labonté, Jos Canale, Gaston Therrien et autre Benoît Groulx divertissaient le public. Les performances pouvaient aussi continuer derrière les portes du vestiaire, avec les joueurs comme triste public. Perrault et Martel ont d'ailleurs remué de vieux souvenirs sur la place publique dans la dernière année, le premier accusant rétrospectivement le second d'intimidation et de violence psychologique.
C'est ce qui ressort quand on s'enquiert de la nouvelle embauche de l'Océanic, unanimement décrit comme un entraîneur à l'écoute de ses joueurs. Dans la pratique de son métier, Perrault ne pourrait être plus à l'opposé de celui qui le dirigeait lorsqu'il a été repêché par les Mighty Ducks d'Anaheim.
« J'ai toujours dit que quand tu es entraîneur, il faut que tu sois toi-même. Et moi, ma personnalité, c'est vraiment d'être proche de mes joueurs. Je suis comme ça dans la vie. J'aime aider les autres et pour moi, aider, ça veut dire trouver des solutions et non s'acharner sur quelqu'un. Écoute, j'ai joué professionnellement pendant 13 ans en plus de mes trois années dans le junior. J'ai eu beaucoup d'entraîneurs et j'essaie de prendre le positif de chacun. Sans rentrer dans les détails, Richard avait quand même fait des belles choses avec nous côté éthique de travail. Mais il y a des choses qui se faisaient dans le temps qui ne se font plus maintenant et je peux confirmer que même si ça se faisait encore, ça ne serait pas ma façon de faire. »
Dans sa nouvelle profession, Perrault estime être le prolongement du joueur qui s'est accroché pendant 96 matchs dans la Ligue nationale et qui en a joué près de 350 dans la Ligue américaine avant d'aller finir sa carrière en Europe.
« Je me souviens d'un Kyle Turris qui avait été envoyé dans la Ligue américaine à 20 ans après avoir passé une saison complète dans la LNH. Les entraîneurs nous avaient fait cochambreurs sur la route parce qu'ils savaient que j'allais bien m'occuper de lui. Je prenais une fierté à aider ces gars-là, ça venait naturellement. »
Deux ans pour bâtir... et gagner
Après avoir accroché ses patins, Perrault a fondé l'Académie de Hockey des Pros avec son ami Danny Groulx. Le duo s'est associé au Collège Charles-Lemoyne de Ste-Catherine, sur la Rive-Sud de Montréal, et Perrault a pris en charge l'équipe Bantam AAA. « Rapidement, je me suis aperçu que j'étais dans mes pantoufles quand je faisais ça », dit-il. Quatre ans plus tard, Perrault a obtenu le poste d'entraîneur-chef des Vikings de St-Eustache dans la Ligue de développement M18 AAA. Après une année perdue en raison de la COVID, son équipe a fini au premier de sa division en 2022 et au sommet du classement général en 2023.
En avril dernier, il a fait le saut dans la LHJMQ en acceptant un poste d'adjoint à Carl Mallette chez les Tigres de Victoriaville. Le hic, c'est qu'environ au même moment s'est enclenchée la chute d'une série de dominos qui a libéré une ouverture de poste dans la moitié des équipes de la Ligue. « Au point où je me suis demandé si je n'avais pas signé trop vite, avoue Perrault avec le recul. Mais je me suis dit que les équipes avaient mon numéro et que si elles voulaient m'appeler, elles allaient le faire. »
C'est finalement lui qui a comblé le dernier poste vacant, à Rimouski, près de deux mois après le renvoi de Serge Beausoleil. Lors de l'annonce de l'embauche, le copropriétaire de l'Océanic, Alexandre Tanguay, a notamment indiqué s'attendre « à du beau changement pour du hockey offensif. » Lors des cinq dernières saisons (excluant 2020-21), l'Océanic n'a jamais fait pire que le septième rang du circuit au chapitre des buts concédés, mais n'a percé qu'une fois le top-5 pour les buts marqués.
« Je pense qu'ils étaient prêts à avoir un entraîneur avec cette philosophie, constate l'homme de 40 ans. Moi, ça a toujours fait partie de ma philosophie depuis que je dirige. Sans dire que je faisais mes sélections par rapport à ça, les équipes que j'ai eues à St-Eustache ont toujours été basées là-dessus. Ça ne veut pas dire que tu délaisses le reste de la game. Je mets beaucoup d'accent sur le niveau de compétition pour justement récupérer la rondelle le plus rapidement possible. Ce dont je suis content jusqu'à maintenant, c'est que les joueurs ont été récompensés du côté offensif en jouant de la façon dont on veut jouer. C'est loin d'être parfait, on a beaucoup de petites lacunes, mais pour moi elles sont faciles à corriger. »
Perrault a du temps devant lui pour mettre son équipe à sa main, mais pas en quantité inépuisable. Contrairement à ses nouveaux confrères de Québec ou Gatineau, par exemple, il s'installe aux commandes d'une équipe lancée et qui vise gros. Son organisation est officiellement sur les rangs pour l'obtention du tournoi de la Coupe Memorial en 2025. Ça ne lui laisse pas énormément de temps pour apprendre sur le tas.
« On n'est pas en reconstruction, euphémise-t-il. On est capable de livrer des résultats et on veut le faire dès cette saison. On a un groupe jeune, mais qui a une expérience quand même dans la ligue. On a beaucoup de joueurs de 18 ans qui sont là depuis deux, trois ans. On n'est pas à maturité, mais l'année prochaine on va l'être. C'est sûr que la Memorial – on n'en parle pas, mais on veut l'avoir – ça va amener un autre genre de pression. »
Parce que Perrault, le seul des neuf nouveaux entraîneurs de la « Q » qui ne détenait aucune expérience préalable au niveau junior majeur, souligne qu'il s'agit là d'une différence notoire avec ses anciens emplois.
« La scène est plus grosse, les résultats sont plus importants. Ça, c'est une petite adaptation pour l'instant, relève-t-il sans gêne. Mais je suis quelqu'un qui a toujours carburé à ça. »