MONTRÉAL – Il faudrait probablement que Connor McDavid ait trois poignets dans le plâtre pour qu’on ne le retrouve pas aux commandes de l’attaque d’Équipe Canada junior à la fin décembre.

D’autres noms apparaissent comme des évidences. Lisez entre les lignes et vous comprendrez que Sam Reinhart, Max Domi et Darnell Nurse, par exemple, sont des candidats indélogeables sur l’ardoise des décideurs de la sélection nationale. « Je pense qu’on est capable de tirer des conclusions ici et là », s’est contenté de dire l’entraîneur-chef Benoît Groulx, lundi, lors du dévoilement de la liste des 29 joueurs invités au camp d’évaluation final d’ÉCJ qui se mettra en branle le 11 décembre à Toronto.

Mais dans les faits, il n'y a actuellement qu'une seule certitude : Zachary Fucale et Eric Comrie seront les gardiens de l’équipe. Pour une deuxième année consécutive, Hockey Canada n’a pas jugé bon d’entretenir le suspense et a identifié ses deux cerbères bien avant l’annonce des dernières coupes. Ne reste qu’à déterminer à qui sera confié le rôle de numéro un.

« On est loin d’être dans le vif du sujet à savoir qui va jouer le premier match à Montréal, a dit Groulx. On va commencer par les laisser faire ce qu’ils ont à faire sur la glace. Ce n’est pas une évaluation de 20 matchs qui a mené à ce choix, mais plutôt une évaluation de deux ans. Ce sont des gars qui ont fait leurs preuves, ils savent très bien à quoi s’attendre et ils vont être prêts. »

Fucale, l’un des trois représentants de la Ligue de hockey junior majeur du Québec présentement dans les plans d’ÉCJ, vivra l’expérience pour la deuxième fois de sa jeune carrière. L’an dernier, alors qu’il formait un duo avec l’Ontarien Jake Paterson, il avait été laissé de côté pour les deux premiers matchs du tournoi avant d’être envoyé dans la mêlée pour les cinq suivants.

L’espoir du Canadien avait offert, à l’image du reste de l’équipe, des performances inégales, concédant notamment cinq buts à la Finlande en demi-finale. Il avait terminé la compétition avec une moyenne de buts alloués de 2,42 et un pourcentage d’arrêts de ,893.

« Plusieurs choses », répond sobrement Fucale, sans vraiment entrer dans les détails, lorsqu’on lui demande ce qu’il a retiré de sa plus récente expérience internationale. « Ça va servir de motivation. L’an passé, on n’a pas eu le résultat qu’on voulait. On recommence le processus cette année et on veut un meilleur résultat pour le Canada. »

Les temps ont changé à Halifax

À sa quatrième saison à Halifax, Fucale évolue dans un contexte fort différent d’il y a un an. Jadis le dernier rempart d’une équipe dominante avec laquelle il a connu des saisons de 45 et 36 victoires, il doit aujourd’hui maintenir à bout de bras une équipe de milieu de peloton. Affectés par les départs prématurés des joueurs vedettes Nathan MacKinnon et Jonathan Drouin, les Mooseheads jouent pour ,500 et occupent le quatrième rang de la section des Maritimes, le 13e au classement général de la LHJMQ.

Naturellement, les statistiques de Fucale s’en ressentent. Le portier de 19 ans montre une moyenne de buts alloués de 3,35 – une augmentation de plus d’un but par partie comparativement à la saison dernière - et un pourcentage d’arrêts de ,886, des chiffres insuffisants pour le placer dans le top-10 des gardiens du circuit Courteau dans chacune de ces catégories.

« C’est sûr que ça n’a pas toujours bien été dans mon cas, concède en rétrospective le jeune homme de Rosemère. J’ai eu des mauvais matchs, j’ai donné des mauvais buts. (...) J’ai eu des séquences beaucoup plus difficiles, mais en majorité, j’en ai eu de très, très bonnes aussi. Je sens que mon jeu est à la bonne place en ce moment. »

Les chiffres semblent lui donner raison. Fucale a remporté huit de ses onze départs en novembre. Dans six de ces victoires, il a concédé trois buts ou moins.

« J’ai travaillé très fort avec mon coach des gardiens, Éric Raymond, pour que tout ça soit à point. Des fois, même quand les statistiques suggèrent que j’ai eu un mauvais match, moi je sais que je me sentais bien et que je faisais des bonnes actions. »

Les performances en dents de scie du gardien des Mooseheads n’ont jamais semblé ébranler les convictions de l’état-major d’Équipe Canada. On croit comprendre qu’il aurait fallu un effondrement aux proportions historiques pour que Fucale ne soit plus une option.

« Zach a connu des hauts et des bas à Halifax, mais il a vraiment bien fait dans la Série Subway (NDLR : 40 arrêts dans une victoire de 3-1 contre une formation composée d’espoirs russes). Il était notre gardien au tournoi Ivan Hlinka chez les moins de 18 ans. L’an passé, les partisans chantaient son nom en Suède. Il a toute une feuille de route et les compétitions internationales n’ont plus de secret pour lui. Pour ces raisons, nous lui faisons pleinement confiance », endosse Ryan Jankowski, le recruteur en chef de Hockey Canada.

Mais avant de prétendre que Fucale part avec une longueur d’avance pour le poste de numéro un, il y a un pas que personne n’est pas prêt à franchir.

Comrie, qui a été sélectionné 23 échelons derrière son nouveau coéquipier au repêchage de 2013, est vu comme la principale raison des succès relatifs des Americans dans la Ligue junior de l’Ouest. Le choix de deuxième ronde des Jets de Winnipeg domine ses pairs avec un taux d’efficacité de ,924 et montre une moyenne de buts alloués de 2,40 en 22 matchs cette saison.

« Depuis trois ans, il est le gardien le plus constant parmi les joueurs de son groupe d’âge, estime Jankowski. Cette année, il est non seulement le meilleur gardien de la WHL, mais personne n’a été meilleur que lui sur une base quotidienne à la grandeur du Canada. »

Avec deux candidats qui font l’unanimité, Hockey Canada a donc décidé de simplifier le portrait pour permettre à ses cerbères d’amorcer leur préparation mentale pour le défi qui les attend.

« Il y a encore plusieurs jours avant que le tournoi commence, alors je veux vraiment prendre ce temps-là pour me préparer, approuve Fucale. Lorsque le tournoi commencera, je vais être en bonne condition physique et dans un bel état d’esprit. Moi et Eric, on se connaît depuis longtemps et on veut juste aider l’équipe à gagner. Au bout de la ligne, c’est tout ce qu’on peut faire. Je suis convaincu que tout va très bien aller. »

Sur les traces de Tokarski et Price

Voilà bientôt six ans que le Canada n’a pas raflé l’or aux Championnats du monde junior. Le dernier triomphe remonte à 2009. C’est alors un certain Dustin Tokarski, que Fucale est destiné à remplacer un jour dans la Ligue nationale, qui protégeait la cage de l’Unifolié.

Tokarski n’est pas le seul gardien médaillé d’or que compte le Canadien dans ses rangs. Carey Price a, bien avant de goûter à la gloire olympique, vécu la consécration chez les juniors, en 2007.

Fucale cherche donc à suivre les traces de deux aînés qu’il a eu le luxe de fréquenter depuis le début de son apprentissage chez les professionnels.

« Tout passe par la relève »

« Je n’ai pas nécessairement parlé des Championnats junior avec eux. Mais en pratiquant en leur compagnie, en les côtoyant durant le camp d’entraînement, c’est sûr que j’ai été capable de voir des habitudes de travail qui sont dignes des pros. Ça ne peut que m’aider », croit-il.

Carrément écarté du podium depuis deux ans, le Canada amorcera sa quête de rédemption le 26 décembre, au Centre Bell, contre la Slovaquie. L’équipe hôtesse disputera ses quatre matchs de la ronde préliminaire à Montréal avant de déménager à Toronto pour les parties éliminatoires.

La commande est déjà énorme, imaginez pour un joueur qui caresse des ambitions professionnelles dans ce même environnement. Mais Fucale, conscient qu’il sera l’objet d’une attention particulière, refuse de se mettre une pression supplémentaire sur les épaules.

« Chaque fois qu’on embarque sur la patinoire, y a la pression de faire ses preuves, de livrer la marchandise. Que ce soit dans le junior ou dans la LNH, c’est toujours la même chose. Il n’y a qu’à bien se préparer pour faire face à cette situation et tout va bien aller. »