MONTRÉAL – Le chemin le plus court est-il toujours celui qui permet de profiter avec le plus de satisfaction de la destination? Voilà une question à laquelle Maxim Noreau, bien au fait des vertus de la patience, ne saurait répondre en toute connaissance de cause.  

Ce qu’il sait, par contre, c’est qu’il ne regrette aucun des nombreux détours qui lui ont récemment permis de renouer avec son rêve.

Noreau, un défenseur de 27 ans qui a passé les trois dernières années en Ligue nationale suisse, vient de signer un contrat de deux ans, à volet unique, avec l’Avalanche du Colorado. La nouvelle de son embauche, tombée une semaine après l’ouverture du marché des joueurs autonomes, a été accueillie avec une indifférence plutôt compréhensible.

Mais l’histoire qui la précède, une histoire de déception et de frustration, de doute et d’audace, de confiance et de récompense, mérite plus qu’une simple mention au bas d’un fil de transactions.

Maxim Noreau n’a jamais pris de raccourci. Ignoré à sa première année d’admissibilité au repêchage de la LHJMQ, il arrive chez les Tigres de Victoriaville comme choix de première ronde l’année suivante, à 17 ans. Une modeste saison recrue ne lui permet pas d’attirer l’attention des recruteurs de la Ligue nationale. L’année suivante, une récolte de 65 points en 69 matchs ne lui vaut qu’une invitation au camp des Capitals de Washington. « Ça avait bien été, mais pas plus que ça », raconte celui qui a bien voulu faire le récit détaillé de sa carrière particulière à RDS cette semaine.

Maxim NoreauÀ 19 ans, fort d’une saison de 70 points à la ligne bleue des Tigres, Noreau est en demande. Pas de promesse, mais les invitations fusent de toutes parts et il décide d’accepter celle du Wild du Minnesota. « Je trouvais que c’était un bon endroit pour me développer. Il y avait là-bas des gars comme (Brent) Burns et (Marek) Zidlicky, alors je savais que l’organisation aimait ce style de joueur. Ça s’était bien passé et au lieu de retourner dans le junior à 20 ans, j’ai décidé d’accepter un contrat d’un an dans la Ligue américaine. »

Malgré des chiffres plus modestes, Noreau fait bonne impression auprès de l’entraîneur Kevin Constantine. De retour sur le marché à la fin de la campagne, il décide de rester loyal au Wild et de demeurer au sein de l’organisation. Mais les trois années que dure son engagement le laisseront confus. « Je ne veux pas dire que je n’ai pas eu ma chance, mais... »

Noreau connaît des saisons de 39, 52 et 54 points avec les Aeros de Houston, des statistiques qui lui permettent chaque fois de terminer en tête du classement des marqueurs parmi les défenseurs de l’équipe. Mais son rendement ne lui vaut que très peu d’attention du grand club. Il dispute un total de six matchs dans la LNH, tous en avril, à la fin de campagnes foutues.

« J’ai tellement bien joué à mes deux dernières années à Houston. J’étais dans le top-5 des points chez les défenseurs, avec Subban et ces gars-là. Et ce n’est pas que je faisais juste ça. Je frappais beaucoup, je considère que j’étais un joueur physique. À un moment donné, je me suis mis à demander ce qu’on attendait de plus de ma part et je me suis tanné de devoir me contenter de quelques matchs en fin d’année, comme un prix de consolation. »

Noreau croit que la saison 2010-2011 sera la sienne, mais lorsqu’il réalise que ses amis Marco Scandella et Jared Spurgeon saisissent l’occasion qui leur est donnée et passent devant lui dans les plans du Wild, il arrive à une décision inévitable.

« Je comprenais, mais je me disais que je méritais mieux. C’est pour ça qu’après cette année-là, je suis parti. »

Le risque européen

À 24 ans, au même moment où une porte s’ouvre chez les Devils du New Jersey, Noreau se tourne vers l’Europe. « Je ne me sentais pas désiré où j’étais, alors je me suis dit que tant qu’à perdre mon temps et être malheureux, j’allais essayer autre chose. »

Conscient du risque, il accepte l’offre d’un an du HC Ambri-Piotta, en Suisse, où il retrouve l’entraîneur Kevin Constantine, qui l’avait dirigé à ses premières années à Houston.

« Mentalement, les débuts ont été difficiles. Je regardais les matchs de la LNH à la télévision après les miens, aux petites heures du matin, et je me demandais s'il n'aurait pas mieux valu que je reste. Mais finalement, après deux ou trois mois en Suisse, je signais un nouveau contrat de trois ans sans même y inclure une clause de sortie pour la LNH. J’ai bien failli le regretter cette année... »

Matt Duchene, Cory Schneider et Maxim NoreauEn 2012-2013, la Suisse accueille un bon contingent de joueurs de la LNH, embourbée dans un lock-out. Ambri accueille momentanément Max Pacioretty, du Canadien, avant de finalement ouvrir ses portes au gardien Cory Schneider et à l’attaquant Matt Duchene. Ce dernier devient rapidement un allié du défenseur étoile de son club d’adoption.

(Photo : Maxim Noreau (extrême droite) a joué avec Matt Duchene et Cory Schneider pendant le lock-out de la LNH. Crédit : sast-sport.com)

« La force de mon jeu, c’est la transition. J’ai vraiment perfectionné cet aspect en Suisse. La glace était tellement grande que je n’avais pas le choix de patiner encore plus, ce qui m’a vraiment permis de m’améliorer. Une fois que je me suis habitué aux dimensions de la patinoire, j’ai été capable de créer plus de revirements et d’immédiatement relancer l’attaque. Duchene m’aimait bien pour ça. Je ne sais pas s’il a eu un mot à dire dans la décision de l’Avalanche, mais je sais qu’il me disait souvent à quel point c’était le fun de jouer avec moi parce que dès que j’avais la rondelle, je la mettais sur sa palette. »

Le lock-out de la LNH n’est pas qu’une occasion pour Noreau de faire la paire avec des coéquipiers célèbres. Il lui permet aussi de se frotter, à son grand plaisir, à l’élite de la planète.

« J’ai eu des bonnes saisons en Suisse, même quand les joueurs de la LNH sont arrivés. J’ai joué contre Mark Streit, Roman Josi, tous ces gars-là, et j’étais quand même dans les deux ou trois meilleurs défenseurs au niveau des statistiques, autant offensivement que défensivement. Et non seulement je jouais contre les Tyler Seguin et Patrick Kane, mais je jouais bien. Ça me faisait du bien. »

Après trois ans chez les Helvètes, Noreau ne s’attendait pas à recevoir une offre contrat de deux ans, pas plus qu’un contrat à un volet et encore moins de la part de l’une des meilleures équipes de la LNH. Mais le coup de fil de l’Amérique, bien humblement, ne le surprend pas.

« Je serais retourné en Europe avec joie. Mon vol était le 26 juillet et j’étais prêt, j’étais content de m’en aller. Mais je mérite une autre chance et dans dix ans, à la fin de ma carrière, j’aurais eu des regrets si je ne l’avais pas saisie. »

La bataille n’est pas gagnée

Un joueur d’âge junior qui vise une place dans la Ligue nationale n’admettra jamais qu’il a étudié la composition de l’alignement qu’il tente de percer à la recherche des possibles ouvertures. Il se contente de dire qu’il a l’intention de travailler fort pour faire sa place et que la décision finale ne lui revient pas.

Maxim NoreauNoreau, lui, ne s’empêtre pas de cette pudeur. La formation de l’Avalanche, il la connaît par cœur et sait très bien à qui il se frottera au prochain camp d’entraînement.

« Ça sera difficile parce que je pense qu’on est déjà rendu à huit gars avec un contrat de la LNH assuré et Tyson Barrie n’a toujours pas signé. Est-ce qu’il va y avoir des changements? Je ne sais pas, on n’en a pas parlé. Mais si j’arrive là-bas avec du chien, que je frappe, que je fais un peu de tout, je pense qu’ils vont trouver une raison pour me faire jouer. »

Le natif de Montréal est loin d’avoir une place garantie dans la LNH. Son contrat est ainsi bâti qu’il lui assure un salaire des grandes ligues, mais sans plus.

« J’ai un autre chapitre à commencer et pour ça, je suis vraiment reconnaissant. Je ne tiens rien pour acquis. On pourrait facilement m’envoyer dans la Ligue américaine pendant deux ans, je le sais très bien. Alors je n’arriverai pas à Denver avec trop de confiance, je vais vraiment me donner. »

« Je vais me battre avec des  gars qui jouent depuis deux ans au Colorado. Il va falloir que je montre que je mérite ma chance encore plus qu’eux, mais je suis prêt à le faire, ça ne me rend pas nerveux. Ça fait trois ou quatre ans que j’attends cette chance. »