Jérémy Coupal est devenu ingénieur, mais il rêvait à la LNH
MONTRÉAL – Jérémy Coupal n'a pas seulement atteint la LNH après être devenu ingénieur, il s'y est forgé une si belle réputation, comme entraîneur vidéo, que son départ est considéré comme une grande perte pour les Oilers d'Edmonton.
Parmi ses faits d'armes, il a notamment été en mesure d'annuler, trois buts des Sharks de San Jose dans le même match! Ça se passait le 20 mars 2023.
« Je ne souhaite pas à personne de devoir contester un but trois fois dans le même match, a-t-il lancé en riant. C'était assez épuisant! Au moins, on a été chanceux que tout tombe bien. »
Deux mois plus tôt, le 21 janvier, l'entraîneur-chef Jay Woodcroft l'avait invité à venir derrière le banc durant la troisième période face aux Canucks à Vancouver. Au terme de la partie, les joueurs avaient souligné sa contribution quotidienne en lui remettant la veste du héros du match.
Jérémy Coupal
« En 10 ans dans la LNH, c'était la première fois que ça m'arrivait d'aller derrière le banc. C'était incroyable car, tout à coup, toutes les pièces s'assemblaient : le travail avant le match, durant le match et là, de pouvoir sentir l'émotion sur le banc. Pour être 100% honnête, il y a de l'émotion dans la salle vidéo pendant les parties, mais ce n'est pas la même que sur le banc. C'était un moment spécial de voir ce qui se passe sans l'interpréter sur un écran », a décrit Coupal au RDS.ca.
À bien y penser, ce moment charnière ramène Coupal bien plus loin dans le temps. Comme si tout prenait son sens.
Car lorsqu'il étudiait à la Rensselaer Polytechnic Institute, Coupal pensait parfois davantage à l'équipe de hockey qu'il était en train de fonder – avec des camarades – qu'à ses travaux scolaires.
« Parfois, je repoussais mes devoirs plus tard en soirée après avoir fait en priorité des appels ou des courriels pour organiser des matchs et des pratiques. J'avais une priorité que les autres voyaient, c'était assez clair », a admis Coupal avec un sourire facile à décoder.
Coupal, qui est originaire de Mont-Saint-Hilaire, avait quitté le Québec pour tenter de poursuivre sa carrière de gardien de but.
« Quand je suis arrivé à cette école, je ne pensais jamais me retrouver dans la LNH de cette façon », a-t-il reconnu.
Cette façon, c'est d'avoir réalisé, grâce à son projet d'équipe de hockey, que bien des gens travaillent autour d'une organisation sportive.
« C'est là que la lumière s'est allumée. Pendant que je faisais mon baccalauréat en génie, je me disais ‘Ok, comment est-ce qu'on fait pour avancer dans cette direction. »
En affichant ses couleurs auprès de l'entraîneur-chef, celui-ci lui a proposé d'assumer les responsabilités du vidéo lors de sa dernière année. Ce bagage lui a permis de faire le saut dans la NCAA via un mandat d'entraîneur bénévole avec Bemidji State University où il s'occupait « du vidéo, des gardiens, de certaines portions de la pratique; de toutes sortes d'affaires!»
Une seule saison a été suffisante pour lui ouvrir, à 24 ans, les portes de la LNH. Fort d'un plus grand réseautage, et sans doute de ses compétences évidentes, les Predators de Nashville ont cru en lui.
« J'ai débuté comme assistant et c'était l'une des meilleures périodes professionnelles de ma vie pour me développer en observant des personnes très compétentes », a-t-il noté.
La promotion, avec les Oilers, au titre d'entraîneur vidéo est survenue après trois années avec les Preds. Arrivé à l'automne 2016, Coupal est demeuré à Edmonton pendant sept campagnes. Il aurait pu maintenir ce cap, mais l'idée ne lui plaisait pas à 34 ans.
« Je cherchais juste un changement, c'était ma décision et je suis parti en bons termes. J'ai encore beaucoup d'amis chez les Oilers et je conserve de très bons souvenirs », a-t-il précisé.
Coupal ajoute qu'il n'a pas discuté avec d'autres équipes.
« Le but était un peu de faire un petit reset pour voir ce que je suis capable de faire. À travers mes connexions, j'ai pu trouver quelque chose d'intéressant pour continuer d'aider les équipes de hockey », a exposé l'ingénieur industriel.
En agissant ainsi, Coupal pouvait donc se décoller le nez de l'arbre.
Aider les équipes autrement
Cette possibilité s'est présentée chez Catapult, une importante firme internationale australienne qui procure des services de récolte et d'analyse de données pour aider des milliers d'équipes sportives au soccer, au football, au hockey, au basketball, au baseball, au rugby, au cricket etc.
Une avenue qui lui permet d'utiliser son expertise professionnelle, mais également son cheminement académique. Son mandat consiste à développer, encore plus loin, le logiciel utilisé par la majorité des équipes en Amérique du Nord.
« J'habitais dans ce logiciel, tous les jours, depuis les 11 dernières années!», a-t-il imagé.
« Mais c'est assez différent que de s'inquiéter chaque jour des reprises vidéos. Voilà ce qui est intéressant, revenir dans un monde qui est un défi complètement autre », a ajouté Coupal.
Ah, ces fameuses contestations vidéos. Coupal ne peut que rire quand on lui soumet que plusieurs entraîneurs de la LNH se sont cassés les dents avec cette démarche souvent périlleuse. De son côté, il affirme ignorer sa fiche.
« Aucune idée! J'aime blaguer en disant que j'ai une pièce de monnaie que je lance pour prendre ma décision parce que, parfois, je me sentais un peu comme ça. Cela dit, c'est rare que je prenais des décisions en étant plus ou moins certain », a répondu l'ancien gardien.
Quand la LNH a décidé qu'une contestation perdue ne coûterait plus un temps d'arrêt, mais bien une punition, Coupal a compris qu'il «ne pouvait pas se tromper ».
« Pendant cette punition, un joueur peut bloquer un tir, se fracturer le pied et il ratera de quatre à six semaines. Il peut y avoir de plus grosses conséquences », a-t-il justifié.
Nul doute, Coupal aimait avoir un coup d'avance au plan stratégique. Cette approche s'est bâtie quand la LNH a implanté, en 2015, les contestations. Il a eu à interpréter les règles et à multiplier les heures d'étude pour démêler le tout.
« Ensuite, il faut prendre les bonnes décisions », a lancé Coupal comme si c'était simple.
À la lumière de son parcours inusité qui a été payant pour les Predators et les Oilers, Coupal verrait d'autres ingénieurs se greffer à des équipes sportives.
« La technologie et les statistiques avancées sont là pour rester. Les joueurs et les entraîneurs en veulent plus. Parfois, ça ne prend qu'une personne qui va regarder les vidéos et les données d'une autre façon et ça va pousser le tout à un autre niveau pour une équipe », a témoigné Coupal.
Mais il a surtout une pensée pour ses anciens homologues dans le hockey junior, la NCAA et la Ligue américaine de hockey.
« Les gens ne savent pas tout ce qu'un coach vidéo peut faire dans la LAH. Les visas de travail, de l'aide pour les transactions, les autobus, les hôtels, les repas, en plus de faire le travail durant les matchs. Ces entraîneurs ne reçoivent probablement pas assez de crédit », a conclu Coupal sans qu'on puisse contester le tout.