Patrice Bergeron calcule actuellement ses victoires d'une façon bien différente. Par exemple, pouvoir pédaler pendant sept minutes sur une bicyclette stationnaire, soit deux minutes de plus que la fois précédente, représentente tout un succès alors que l'attaquant des Bruins de Boston se remet d'une commotion cérébrale de grade 3.

À force d'empiler quelques-unes de ces petites victoires, qui sait si un jour d'ici la fin de la saison de hockey il ne parviendra pas à réaliser son rêve de revenir dans la formation?

"C'est clair que je veux revenir au jeu cette saison, c'est mon but et c'est ce vers quoi je tends, a-t-il déclaré lundi lors d'une entrevue accordée à la Presse Canadienne. Mais je ne veux rien bousculer. On ne risque pas avec sa tête. Le cerveau est l'élément le plus important et on ne joue pas avec ça. Il faut être certain d'être guéri à 100 pour cent.

"Mais je veux revenir au jeu cette saison, c'est certain."

Le jeune Québécois de 22 ans affirme que c'est le jour et la nuit par rapport à la condition dans laquelle il s'est retrouvé le 27 octobre quand le défenseur Randy Jones des Flyers de Philadelphie l'a frappé par derrière pour le projeter dans la bande et l'envoyer à l'hôpital.

"La différence est énorme, dit-il. Les premiers jours je pouvais à peine marcher. Je pouvais à peine me tenir debout. Je restais étendu totue la journée. J'avais de terribles maux de tête et des nausées. Je ne pouvais pas faire grand-chose. Aujourd'hui, de toute évidence, je peux rester concentré plus longtemps. Mais ce n'est toujours pas 100 pour cent parce qu'après un certain temps je deviens fatigué ou j'ai mal à la tête.

"Mais je peux marcher. Je peux venir voir des matchs à l'occasion et saluer les gars."

Juste de se retrouver dans l'entourage de ses coéquipiers et de les voir jouer lui a servi de thérapie.

"C'est certain que ça aide beaucoup, confirme le joueur qui a totalisé 70 points (22-48) en 77 matchs la saison dernière. Je savais que le hockey était ma passion. Mais c'est quand on arrête de jouer qu'on réalise à quel point ça nous manque. C'a tellement été le cas ces derniers mois. Maintenant que je peux revenir à la patinoire et voir les gars, je développe une attitude positive et ça m'aide à passer au travers."

Le processus est lent, bien entendu. Encore la semaine dernière, il a ressenti un petit mal de tête à la fin de son entraînement sur bicyclette et s'est fait dire de se reposer quelques jours.

"Ca s'améliore chaque semaine mais je ne suis pas rendu où j'aimerais être. J'aimerais être sur la glace et je ne suis pas près d'y retourner. Mais au moins j'ai recommencé à m'entraîner. J'ai fait de la bicyclette trois fois jusqu'ici. Je me sens O.K. La dernière fois j'ai eu un léger mal de tête, alors nous avons décidé de prendre plus de temps et d'attendre de voir ce qui allait se passer."

Une chose demeure certaine: on n'a aucune idée du moment précis d'un éventuel retour au jeu.

"Au début je me fixais des objectifs personnels mais je ne veux pas faire ça. C'est trop frustrant de fixer un objectif pour le mois suivant et ne pas parvenir à le réaliser. Ca devient une déception. Il me faut passer à travers des étapes et continuer de monter l'échelle jusqu'à ce que le moment arrive."

Aussi mauvais semblait son cas les premiers jours après le choc, Bergeron assure n'avoir jamais pensé au pire, à savoir que sa carrière pouvait être terminée.

"Non, pas du tout. Je n'ai jamais pensé à ça. Je suis toujours demeuré passablement positif. Je savais que ça prendrait du temps mais il ne m'a jamais traversé l'esprit que ma carrière était terminée."

Bergeron assure qu'il n'a aucunt ressentiment à l'endroit de Jones, qui a été suspendu deux matchs pour son geste.

"Je n'en veux pas à Randy Jones et je ne lui en ai jamais voulu, dit-il. Tout ce qu'il y a c'est que je pense toujours que c'était un coup par derrière et je ne crois pas qu'il y ait de place pour ça dans notre sport. Je ne vais rien changer à ce que j'ai dit. Je n'ai aucun ressentiment à son endroit mais je veux juste être certain que ça n'arrive à personne d'autre. C'est tout. Je ne veux pas de ce genre de coup. Ca touche aussi les jeunes: ils regardent les matchs et nous surveillent. Nous sommes leurs idoles."

C'est une question de respect entre joueurs et Bergeron l'a fait savoir à Paul Kelly lors d'un lunch en compagnie du nouveau directeur administratif de l'Association des joueurs de la LNH.

"Je pense que ça doit commencer avec les joueurs, insiste Bergeron. Nous devons tous penser aux conséquences de nos actes avant de sauter sur la patinoire, penser à ce qui peut arriver si on frappe un gars par derrière. Ca peut être quelque chose de mauvais, alors ne le faites pas. Ca revient à la personne et au joueur de prendre ses responsabilités."