Pourquoi diable un gars qui a sué sang et eau durant 18 longues saisons dans la LNH, un gars qui a donné et encaissé des coups au cours des 1263 matchs qu’il a disputés avec huit formations, des 1263 parties au cours desquelles il a marqué 429 buts, récolté 856 points, passé 1660 minutes au banc des pénalités, se retrouve-t-il à la tête d’un club en déclin au lieu de reposer son corps meurtri quelque part sous le soleil en profitant des millions $ empochés au cours de sa brillante carrière.

 

« Parce que le hockey c’est ma vie », répond sans la moindre hésitation Bill Guerin, le nouveau directeur général du Wild du Minnesota.

 

« Regarde autour de la Ligue. Joe Sakic, Steve Yzerman, Rob Blake ont connu de bien plus brillantes carrières que la mienne. Ils ont fait beaucoup plus d’argent que moi. Mais ils sont directeurs généraux de l’Avalanche, des Red Wings et des Kings. Ils sont entourés d’anciens joueurs, d’anciens coéquipiers qui comme eux sont incapables de tourner le dos au hockey. Et regarde plus loin : Ken Holland, Jim Rutherford, Cliff Fletcher, Dale Tallon sont dans le hockey depuis toujours. Penses-tu vraiment que Scotty Bowman a besoin d’un salaire pour vivre une paisible retraite? Pas du tout! Mais Scotty, comme tous les autres, a besoin du hockey pour vivre. Je suis fait du même moule. Je suis dans le hockey depuis que je suis tout petit. C’est ma passion. C’est tout ce que j’ai fait dans la vie. C’est tout ce que je connais. C’est tout ce qui m’intéresse. Comme joueur, tu n’es pas éternel. J’ai aujourd’hui la chance de rester dans le hockey d’une manière différente, mais très active. Il est donc hors de question de me priver de ce qui est le plus important pour moi. De me priver du hockey. »

 

Debout, l’épaule gauche appuyée sur le mur de ciment derrière lequel quelques joueurs du Wild retirent leur équipement après l’entraînement optionnel du Wild, mercredi, au Centre Bell, Bill Guerin a beau en beurrer épais sur son amour pour le hockey, il n’en demeure pas moins que cet amour l’a conduit dans un fauteuil bien inconfortable.

 

Comme tous les observateurs qui regardent de haut son équipe, Guerin sait très bien qu’il a hérité d’un navire qui prend l’eau. Il sait mieux que quiconque qu’il a, et aura pour longtemps, fort à faire afin d’éviter le naufrage qui guette le Wild.

 

« Nous ne formons pas une mauvaise organisation. Mais nous ne sommes pas parmi les bonnes non plus. Il faudra prendre du temps et les moyens pour rejoindre les organisations de tête. Pour y arriver, j’entends me servir de ma passion pour le sport qui a marqué et marque toujours ma vie pour relancer l’équipe et l’organisation au grand complet », reconnaît le nouveau patron des opérations hockey derrière le propriétaire Craig Leopold.

 

Flanqué de son proprio, Guerin a d’ailleurs été témoin impuissant de la déconfiture du Wild jeudi au Centre Bell. Blanchie 4-0, cette équipe n’affiche qu’un gain après sept matchs. Une victoire arrachée à Ottawa, aux mains des Sénateurs qui sont loin de représenter une force dans la LNH.

 

Ils n’ont marqué que 14 buts lors de ces sept premiers matchs. Une production qui maintient la réputation de club bien terne à l’attaque que traîne le Wild depuis les beaux jours de Jacques Lemaire derrière le banc.

 

Mais voilà! Comme cette équipe a déjà accordé 29 buts cette saison, elle est loin d’être fidèle à sa réputation de grande imperméabilité en défense.

 

Et comme si le début de saison du Wild n’était pas déjà assez difficile, le Canadien fera escale au Minnesota demain (dimanche) où la troupe de Guerin ne disputera que 5 de ses 18 premières parties de la saison.

 

Vieux et dispendieux

 

Rien pour aider la cause de cette équipe, ses joueurs vedettes sont vieux... et dispendieux : Zach Parise vient de passer le cap des 35 ans. Ryan Sutter atteindra ce plateau dans quelques mois.

 

Non seulement ont-ils ralenti aux sens propres comme figurés, mais ces deux joueurs coûtent toujours très cher en raison des contrats de 13 ans d’une valeur de 98 millions $ qu’ils ont reçus du propriétaire en juillet 2012 alors que Leopold les a sortis du New Jersey et de Nashville pour faire du Wild un club gagnant.

 

Ces embauches ont permis au Wild d’atteindre les séries six saisons de suite. C’est bien. Mais attention! Parise et Suter n’ont permis à leur nouvelle équipe de franchir la première ronde qu’à deux reprises. Et encore : chaque fois, cette deuxième ronde s’est terminée en queue de poisson.

 

Et voici que le Wild est en voie de rater les séries pour une troisième saison de suite alors que Parise et Suter coutent plus de 7,5 millions $ annuellement et qu’ils grugeront plus de 15 millions $ à deux, sous le plafond salarial, jusqu’à la fin de la saison 2024-2025.

 

Derrière Parise et Suter, le capitaine Mikko Koivu, l’aîné du groupe à bientôt 37 ans, a lui aussi connu ses meilleures saisons. Après avoir offert du gros hockey au Wild lors de son acquisition à titre de joueur autonome en 2016, Eric Staal est redevenu le gros attaquant dont les Hurricanes de la Caroline se sont débarrassés il y a quatre ans déjà.

 

Comme si les tuiles n’étaient pas déjà assez nombreuses, le Wild pourrait également rapidement regretter le contrat de 30 millions $ sur cinq ans offert le 1er juillet dernier à Mats Zuccarello.

 

Suivre l’exemple des Penguins

 

Quand je demande à Bill Guerin si le portrait que je dresse de son équipe devant lui n’est pas de nature à lui faire regretter sa décision, il esquisse une moue de dépit.

 

« Je te l’ai admis tout à l’heure. On a beaucoup de travail devant nous. Je considère que nos vétérans sont encore des joueurs solides. Ils aiment l’équipe. Ils aiment l’organisation. Et notre marché est l’un des très bons dans la LNH. Au Minnesota, le hockey est roi, comme ici à Montréal ou dans la région de Boston où j’ai grandi. Les amateurs sont derrière nous. Ils aiment le hockey. Ils n’attendent pas que ce soit une mode pour venir nous voir jouer. Ils sont là parce qu’ils aiment et connaissent le sport. C’est à nous maintenant de rebâtir cette équipe pour leur offrir du hockey de qualité. D’ici là, on peut compter sur eux. On peut s’appuyer sur ce marché pour nous aider à nous relancer. »

 

Tout ça est bien beau.

 

Mais comment Bill Guerin entend-il s’y prendre pour passer des paroles aux actes? Comment entend-il éviter les nombreuses embûches sur lesquelles il pourrait s’écraser avant d’atteindre les objectifs qu’il s’est fixés?

 

Il entend utiliser son expérience comme joueur et aussi celle acquise dans l’ombre de Ray Shero et Jim Rutherford qui ont été ses directeurs généraux avec les Penguins de Pittsburgh.

 

« J’ai beaucoup appris de Ray et de Jimmy. Ils ont été très généreux avec moi pour me donner des mandats qui m’ont permis d’apprendre toutes les facettes de ce job. Jim m’a d’ailleurs grandement encouragé à faire le saut. Un saut qu’il aurait pu m’empêcher d’effectuer s’il avait refusé d’accorder la permission au Wild de discuter avec moi. Pour moi, une organisation se bâtit par le haut. Ça te prend un propriétaire qui est derrière son club et qui prêt à prendre tous les moyens pour le guider vers la victoire. Mario (Lemieux) est l’exemple parfait avec les Penguins. Craig (Leopold) est le même genre de propriétaire. Je profite non seulement de son appui, mais aussi de toute sa confiance. Je l’implique dans les décisions et je lui ai déjà fait part des grandes lignes de ma stratégie de relance, mais j’ai carte blanche », assure Bill Guerin.

 

En attendant les grands changements

 

Aux quatre coins de la Ligue, les paris sont ouverts afin de déterminer la date du congédiement de Bruce Boudreau. Cet entraîneur-chef de la vieille école semble embourbé dans le marasme qui engloutit le Wild. Il semble désabusé. À court de solutions et surtout de confiance, voire de respect des joueurs qu’il n’arrive plus à faire produire.

 

On lance déjà le nom de Mike Velluci que Guerin a embauché l’été dernier pour lui confier le club-école des Penguins. Guerin agissait toujours à titre de directeur général adjoint des Penguins et de DG du club-école à Wilkes-Barre. Il a réussi à sortir Velluci de Charlotte, le club-école des Hurricanes, malgré le fait qu’il venait de mener son équipe à la coupe Calder.

 

On avance aussi le nom de Tim Army, l’actuel entraîneur-chef du club-école du Wild en Iowa, comme successeur potentiel à Boudreau. Motivé, enjoué, bon communicateur, Army serait aux yeux de plusieurs hommes de hockey le candidat idéal pour relever le mandat difficile que représente la relance du Wild.

 

« Je suis encore au stade des analyses. Nous avons de bons joueurs et Bruce est un bon coach. Mais je dois évaluer tous les rouages de l’organisation. Car s’il y a beaucoup de travail à faire sur la glace, il y en a aussi beaucoup dans tous les services qui ceinturent les opérations hockey. »

 

Grand leader d’abord et avant tout

 

Bill Guerin a gagné deux coupes Stanley au cours de sa carrière : la première en 1995, avec les Devils du New Jersey qui l’avaient repêché en première ronde (5e sélection) en 1989. Il a soulevé sa deuxième 14 ans plus tard avec les Penguins de Pittsburgh.

 

Débarqué dans la ville de l’acier à titre de vétéran aguerri, Guerin a joué un rôle de premier plan à cette époque avec les Penguins. Non seulement évoluait-il en compagnie de Sidney Crosby, mais des membres de l’organisation se rappellent que Guerin n’avait pas hésité à secouer le jeune surdoué afin de s’assurer de tirer le meilleur de lui à chaque match. Leader impliqué autant verbalement que physiquement sur la patinoire et dans le vestiaire, Guerin ne reculait devant rien pour mousser les chances de succès de son équipe.

 

Loin de se fier uniquement à la puissance et la précision de ses tirs, il ne ménageait aucun effort pour gagner les batailles autour des filets adverses afin de maximiser ses chances de marquer et celles de ses coéquipiers.

 

« C’était tout un leader. Un gars qui ne se gênait pas pour dire ce qu’il avait à dire à n’importe qui. Mais qui le faisait de la bonne façon en s’assurant d’obtenir plus des joueurs qu’il secouait au lieu de les écraser », rappelait un ancien membre de l’organisation croisé plus tôt cette semaine.

 

Bien qu’il porte maintenant l’habit de directeur général et non un survêtement aux couleurs de l’équipe, Bill Guerin n’exclut pas donc la possibilité qu’il utilise ses qualités de leader dans le cadre de rencontres directes avec certains joueurs.

 

« J’ai déjà commencé à la faire et si je crois que mes interventions peuvent être bénéfiques pour les joueurs que j’approche et salutaires pour l’équipe, je ne me priverai pas de le faire. Pas question de jouer dans le dos de Bruce qui est toujours le premier informé si j’envisage une implication directe avec un ou des gars de l’équipe. Pas question non plus d’être toujours dans le vestiaire ou d’être trop près des joueurs. Mais si mes conseils peuvent servir et surtout si je peux transmettre ma passion aux joueurs pour que cela nous aide à connaître du succès, je sens que je dois le faire. Je le fais. Et je le ferai », assure Guerin.

 

Créer un tout nouvel ADN

 

« Un de mes gros mandats est de changer l’image de cette équipe. De me défaire de sa réputation. L’ADN du Wild a toujours été la défense. Nous sommes plus que ça. Nous devons être plus que ça. Nous devons être fiers de notre club. Être fiers de succès de l’équipe afin de déployer l’énergie et d’assumer les sacrifices nécessaires pour gagner. Cette passion et ce goût de la victoire ça se transmet. Et j’ai bien l’intention de transmettre ma passion pour le hockey et pour la victoire à tous les membres de notre organisation. Pas seulement aux joueurs. Mais à tout le monde. Incluant nos partisans. »

 

Un gros mandat considérant d’où le Wild part à l’aube d’une saison qui commence très mal et qui pourrait malheureusement se prolonger sur cette bien timide lancée.

 

« Il faut bien commencer quelque part. L’important c’est de se rendre là où on veut se rendre. La route sera longue. Elle sera difficile. Peut-être même qu’on empruntera parfois des sentiers imprévus. Mais je suis prêt à travailler très fort et à afficher la même passion comme DG que celle que j’affichais comme joueur afin d’attendre mon objectif qui est très simple : de trouver les moyens et de les prendre pour faire de ce club un club gagnant, pour faire de cette équipe une organisation gagnante. »