TAMPA - Pour une rare fois dans l’histoire de la LNH, la finale de la coupe Stanley opposant les Blackhawks et le Lightning met en présence deux gardiens qui jouent dans l’ombre des vedettes qui les entourent.

Corey Crawford et Ben Bishop sont bien sûr en partie responsables de la présence de leur équipe en grande finale. Mais on est loin de l’envergure des duels Quick-Lundqvist l’an dernier, Thomas-Luongo en 2011, Brodeur-Giguère en 2003, Roy-Brodeur deux ans plus tôt. Le duel Crawford-Bishop est certainement plus relevé que celui qui a opposé Antti Niemi (Chicago) à Michael Leighton (Philadelphie) en 2010 – l’un des pires de l’histoire – ou celui opposant Cam Ward (Caroline) à Dwayne Roloson (Edmonton) en 2006. Mais Cam Ward, qui s’était imposé contre le Canadien plus tôt en séries, avait soulevé le trophée Conn-Smythe remis au joueur le plus utile à son club en séries en plus de la coupe Stanley.

À la lumière de leurs performances lors des trois premières rondes, ni Crawford, pas plus que Bishop, n’est impliqué dans la course au trophée Smythe cette année. Et ce n’est pas le premier match du duel Chicago-Tampa qui les propulsera dans cette course.

Corey Crawford a réalisé 22 arrêts mercredi. Il s’est imposé devant Ryan Callahan, qui a décoché un solide tir frappé au terme d’une échappée, et cet arrêt a servi de tremplin vers les deux buts rapides des Hawks. Crawford a aussi réalisé deux arrêts aux dépens de Steven Stamkos. Mais sa performance, comme celles en finales d’association Ouest, n’ont pas dissipé les doutes que ses détracteurs multiplient chaque fois que Crawford jongle avec la rondelle ou se fait prendre à contre-pied.

« Je me fiche pas mal des critiques. Mon travail est d’effectuer le plus d’arrêts possible et d’aider mon équipe à gagner. Les seules remarques qui m’importent sont celles de mes coéquipiers et de mes entraîneurs », m’assurait le gardien de Châteauguay lundi lors de la journée médiatique.

À Chicago, Crawford a bénéficié des conseils de Stéphane Waite avant qu’il ne se joigne au Canadien. Son frère Jimmy a pris la relève depuis.

Avant de profiter des conseils des frères Waite, Crawford a profité de ceux de Frantz Jean avec les Wildcats de Moncton dans la LHJMQ. Jean est aujourd’hui l’entraîneur de Ben Bishop et des gardiens du Lightning de Tampa Bay, mais il n’hésite pas une seconde à défendre son ancien protégé face à des critiques qu’il considère exagérées, voire injustifiées.

« Corey a gagné la coupe Stanley il y a deux ans. Il est en finale pour une deuxième fois en trois ans et pourrait l’être une troisième fois de suite si les Kings n’avaient pas gagné en prolongation lors du septième match de la finale de l’Ouest l’an dernier. Il a certainement dû faire quelque chose de bien pour guider son équipe jusque là », a plaidé Jean, qui a toujours été convaincu du talent de Crawford.

« À Moncton, mon directeur général à l’époque voulait compléter une transaction un pour un afin d’obtenir les services de Jonathan Boutin. C’était un bon gardien, mais j’avais dit à mon DG qu’il commettrait une grave erreur parce que Corey avait ce qu’il fallait pour se rendre dans la LNH. »

Frantz Jean ne s’est pas trompé. Crawford est le gardien numéro un des Hawks alors que Boutin a fait carrière aux quatre coins des circuits mineurs professionnels. Ce qui n’a rien de honteux, cela dit.

Styles et réputations

Frantz Jean voue le même respect, la même admiration pour les deux gardiens qui s’affrontent en finale. Il peine à contenir une grimace agacée lorsque je lui lance que Crawford, comme Bishop, semble souvent « tout croche » devant son but. Que les deux gardiens multiplient les arrêts chanceux en jouant de façon chancelante. En affichant un aplomb approximatif, à des lieux de celui affiché par Carey Price et des autres gardiens occupant des places de choix tout en haut de la hiérarchie des meilleurs gardiens de la LNH.

« Ben et Corey ne sont pas croches du tout. Le hockey a beaucoup changé au cours des dernières années. Le jeu est beaucoup plus rapide. Tu ne peux plus être un robot devant ton but et toujours recevoir les rondelles dans le ventre. Les attaquants ne tirent plus de loin et d’un corridor. Ils foncent au filet, la rondelle passe d’un côté à l’autre du but rapidement, les gardiens ont des gars partout autour d’eux. Ça rend le travail plus difficile, et surtout, ils sont souvent obligés de se déplacer aussi rapidement que la rondelle au lieu d’avoir à simplement garder leur position. Les gardiens d’aujourd’hui sont souvent en déséquilibre à cause de ces déplacements. C’est peut-être pour ça que ça te donne l’impression qu’ils sont croches. Mais ils ne le sont pas du tout », a ajouté Frantz Jean.

Peut-être. Mais Ben Bishop dans la série contre le Canadien a accordé des buts plus que douteux à Max Pacioretty et David Desharnais en échappant des rondelles qu’il semblait pourtant avoir gobées dans sa grosse mitaine. P.K. Subban l’a aussi épinglé avec un commentaire qui en disait long sur le respect voué au gardien des Bolts lorsqu’il a souligné que Bishop était assis sur un fer à cheval. Une façon directe de dire qu’il était bien plus chanceux que bon face au Tricolore. Et que dire de Corey Crawford, qui s’est retrouvé au banc en première ronde à la faveur de son adjoint Scott Darling.

«La seule chose qui sépare Corey et Ben des autres excellents gardiens de la Ligue c’est la réputation. Carey Price, Henrik Lundqvist pour ne nommer que ceux-là ont des réputations plus enviables peut-être que Corey et Ben. Mais en ce rendant où ils sont rendus, ils devraient voir leur réputation s’améliorer au lieu de les voir remise en question », a ajouté Jean.

En entrevue vendredi, l’entraîneur-chef des Hawks, Joel Quenneville a louangé son gardien et surtout sa force de caractère acquise au fil des dernières années et surtout au fil des séries actuelles. « On dirait que le travail de Crow est toujours scruté à la loupe. Qu’il est toujours remis en question. Il a pourtant excellé en grande finale contre Boston il y a deux ans. Il a été solide encore cette année. Il a composé avec une situation difficile en première ronde, mais regardez comment il est revenu depuis. Je ne sais pas s’il a changé quoi que ce soit à sa préparation, mais son focus est certainement à point. »

Bishop doit rebondir

On ne pouvait pas reprocher grand-chose à Ben Bishop sur les deux buts accordés en fin de rencontre mercredi. Teuvo Teravainen l’a déjoué avec un tir de loin qu’il n’a jamais vu arriver ; Antoine Vermette l’a surpris après un revirement en zone du Lightning.

Mais Bishop a quand même perdu.

Et samedi, il devra rebondir non seulement pour garder son club dans la série, mais aussi pour éviter d’être une fois encore mis en cause pour des analyses qui sont loin de lui être favorables. Les circonstances seront toutefois favorables pour le géant gardien du Lightning. Car depuis le début des séries, Bishop affiche un dossier de sept victoires et un seul revers au lendemain d’une défaite. Son taux d’efficacité dans ces huit rencontres s’élève à 93,7 %.

ContentId(3.1136614):La confiance règne chez le Lightning
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Et s’il est vrai qu’il s’est montré généreux par moments, un peu brouillon à d’autres moments, Bishop s’est imposé dans les moments cruciaux. Il a gagné les trois matchs sans lendemain que son équipe a disputés. Et non seulement a-t-il évité l’élimination à trois reprises, mais il l’a fait en signant des jeux blancs dans les matchs sept contre Detroit en première ronde et New York en finale de l’Est. Des Rangers qu’il avait aussi blanchis lors de la cinquième partie. Sa prochaine victoire sera sa 53e de l’année : saison régulière et séries éliminatoires combinées. Un total qui lui permettra de rejoindre – à moins d’un balayage des Hawks – Martin Brodeur, Dominic Hasek et Roberto Luongo qui sont les seuls à avoir atteint ce sommet.

Peu importe ce qu’il a accompli lors des trois premières rondes, c’est ce que Bishop accomplira samedi soir et durant les prochains matchs de la finale qui compte maintenant. Ce sont ces performances et surtout les résultats qu’il obtiendra qui détermineront si sa réputation fluctuera à la hausse, ou à la baisse.

Si Carey Price est remis en question dès qu’il est à court de miracles ou que le Canadien perd deux ou trois matchs de suite, il est juste normal que Bishop doive faire face au même genre de traitement.

Dans le cas de Crawford, s’il soulève une deuxième coupe Stanley en trois ans, il faudra bien qu’on commence à lui reconnaître un talent certain et une efficacité certaine au lieu d’un certain talent et d’une certaine efficacité. Il sera intéressant de voir si Crawford se retrouvera dans la même catégorie que Chris Osgood (Detroit), Antti Niemi (Chicago), Cam Ward (Caroline) et quelques autres gardiens qui sont demeurés dans l’ombre malgré des conquêtes de la coupe Stanley.

Les prochains matchs le détermineront.