Un ancien instructeur des Blackhawks de Chicago, Paul Vincent, a confié à des enquêteurs qu’après avoir entendu le récit de deux joueurs de l’équipe lui ayant confié avoir été agressés sexuellement par le responsable de la vidéo chez les Hawks, Brad Aldrich, il a rapidement fait connaître les faits au psychologue de l’équipe, ainsi qu’au responsable de la sécurité.

 

Dans le cadre d'une enquête, Vincent a récemment eu l'occasion de faire connaître dans le moindre détail sa version des événements.

 

Lors d’une entrevue effectuée le 7 août sur Zoom avec trois avocats de la firme Jenner & Block – dont le mandat est d’étudier en profondeur les allégations soulevées à l’endroit de membres de l’état-major des Blackhawks, qui aurait fermé les yeux sur les incidents qui leur ont été rapportés plutôt que de les déclarer à la police – Vincent a affirmé qu’il a pris connaissance pour la première fois de ce qui se serait passé en mai 2010, lors d’une conversation survenue avec le défenseur Nick Boynton durant la finale de l’Ouest face aux Sharks de San Jose.
 

Vincent a enregistré la totalité de son entrevue de quatre heures avec Jenner & Block, et en a remis une copie au journaliste de TSN Rick Westhead.

 

Dans l’entrevue, on apprend qu’après avoir discuté avec Boynton, Vincent a lui-même parlé avec les présumées victimes pendant une dizaine de minutes.

 

« Ils m’ont expliqué ce qui s’était passé, a raconté Vincent aux avocats. Je n’avais pas besoin d’entendre tous les détails spécifiques. Je savais que (ce qui s’était produit) était mal. Ils m’ont dit qu’Aldrich avait essayé de toucher leur pénis, que c’est ce qu’il voulait. C’est tout ce que j’avais besoin de savoir », a poursuivi Vincent, qui avant de faire carrière dans le monde du hockey a aussi été policier.

 

« À ce moment, je me suis dit que ce n’était plus mon rayon. Je n’étais plus policier après tout. J’ai donc transmis les informations aux personnes d’intérêt. »

 

En l’occurrence, ces personnes d’intérêt étaient le psychologue sportif des Hawks James Gary, ainsi que le responsable de la sécurité au sein de l’organisation, Brian Higgins.


Une journée plus tard, Vincent se souvient d’avoir été convié à une rencontre administrative, à laquelle étaient présents le président John McDonough, le directeur général Stan Bowman, le président des opérations hockey Al MacIsaac, ainsi que James Gary, et un autre individu dont il a dit avoir oublié l'identité.

 

« J’entre dans la pièce et MacIsaac me demande : "Qu’est-ce que tu sais?" J’ai répondu : "La même chose que j'ai dite à (Gary et Higgins)". À partir de là, MacIsaac a pris l’initiative dans la conversation. Il a mentionné que la situation était sous contrôle. Que la lumière allait être faite là-dessus et que je n’avais plus à m’en soucier. Je leur ai bel et bien dit que je jugeais nécessaire d’appeler le département de police de Chicago et qu’une enquête soit faite, même si elle devait se faire discrètement. C’est à ce moment que MacIsaac a renchéri : "Tu ne dois plus t’inquiéter de cela. Nous prenons la situation en mains. Tu peux quitter". Je suis alors sorti de la pièce, et deux de mes collègues entraîneurs (John Torchetti et Mike Haviland) m’attendaient. Je leur ai dit : "Vous ne croirez pas ce qui vient de se passer là-dedans". Et nous sommes allés dîner. »

 

La longue entrevue accordée par Vincent à la firme d’avocats permet selon Westhead d’avoir une certaine idée de la façon dont l’avocat Reid Schar explore présentement les allégations pesant sur les hauts dirigeants des Hawks de l’époque.

 

Récemment, les Blackhawks ont clamé que les conclusions auxquelles arrivera éventuellement Schar et ses acolytes seront rendues publiques. Ils ont toutefois refusé de donner de plus amples détails sur la quantité de matériel auquel aura droit Schar dans l’exercice de ses fonctions, qu’il s’agisse de courriels internes, de textos, et d’autres documents potentiellement pertinents.

 

Des antécédents de comportements inappropriés

 

Vincent avait été embauché à Chicago tôt en 2008. Le directeur général en place était alors Dale Tallon, mais ce dernier a ensuite été limogé en juillet 2009 et remplacé par Bowman. Le mandat de Vincent chez les Hawks était de travailler sur différentes habiletés avec les joueurs de l’organisation, qu’ils évoluent avec le grand club ou avec l’équipe-école de Rockford, dans la LAH.

 

L’ancien instructeur a affirmé que ses collègues entraîneurs et lui avaient déjà entretenu à quelques reprises des doutes sur certaines habitudes d’Aldrich au cours de la saison 2009-2010. Aldrich aurait déjà permis à des stagiaires d’être présents dans le vestiaire après les matchs pour boire de l’alcool.

 

« Certains de ces stagiaires avaient l’air plus jeunes que d’autres; on aurait pu croire qu’ils étaient mineurs. Il buvait avec eux. »

 

Un entraîneur des Hawks que Vincent a refusé d’identifier a clairement mentionné à Aldrich que certains de ses comportements étaient inappropriés, et ce bien avant que les faits allégués par deux joueurs des Hawks ne surviennent.

 

Aldrich aurait régulièrement accueilli un garçon de 14 ans à son appartement durant les week-ends, et l’explication reçue serait que la famille de l’adolescent était proche de la sienne.

 

« Un ami de la famille, c’est ce qu’on m’avait dit à l’époque », confie Vincent aux avocats durant son entrevue Zoom.

« Ce garçon a progressé pour devenir un très bon joueur de hockey; un joueur ayant accédé éventuellement à une carrière dans la LNH. »

 

Vincent n’a pas souhaité dévoilé l’identité de ce joueur.

 

« Tout ce que je sais, c’est que l’histoire n’a jamais dépassé les prémisses des Blackhawks de Chicago », a martelé Paul Vincent.

 

À la fin de l’entretien, Schar a demandé à Vincent s’il était possible de procéder à une deuxième rencontre, et Vincent a décliné cette offre.

 

« Je leur ai dit tout ce que j’avais à dire à ce sujet », a déclaré Vincent à Rick Westhead de TSN, mercredi.

 

Depuis que les allégations à l’endroit de Brad Aldrich et l'apparente décision des Hawks d’être complices de ses agissements ont été médiatisées une décennie plus tard, plusieurs anciens membres de l’organisation ont été questionnés à ce sujet.

 

L’actuel directeur général du Canadien Marc Bergevin et l’actuel entraîneur-chef de Panthers de la Floride Joel Quenneville sont parmi eux qui ont insisté pour dire qu’ils ne savaient rien à l’époque des faits reprochés à Aldrich, et qu'ils n'ont assisté à aucune rencontre administrative .