Blessés à long terme : un monstre qui lie les langues
PALM BEACH - Les 32 équipes de la LNH ont une sainte horreur de dévoiler la moindre bribe d'information reliée à situation des blessures au sein de leur formation. Les partisans du Canadien en savent quelque chose.
C'est pire encore quand vient le temps de parler des blessés à long terme.
Surtout lorsque ces éclopés perdus pour une période d'au moins 10 matchs ou 24 jours sont transférés sur la liste des blessés à long terme avec les millions $ qu'ils occupent sur la masse salariale pour permettre de contourner les contraintes associées au plafond salarial. Des contraintes qui devraient les pénaliser, mais qui ne les pénalisent pas vraiment. Des contraintes qui, une fois les séries éliminatoires arrivées, tombent comme si elles n'avaient jamais existé. Comme on l'a vu il y a quelques années avec Nikita Kucherov qui a grandement contribué à la deuxième conquête consécutive de la coupe Stanley du Lightning après avoir raté la saison régulière au grand complet. Comme on l'a vu l'an dernier avec le retour en forme et en santé de Mark Stone dès le premier match des séries des Golden Knights qui ont finalement soulevé la coupe Stanley.
Un gros nuage
Le monstre créé par les « allégements » associés aux blessures à long terme flotte comme un gros nuage au-dessus de l'hôtel où sont réunis les 32 directeurs généraux et les dirigeants de la LNH.
Mais aussi gros soit-il, alors que les Golden Knights de Las Vegas affichent – le 19 mars – une masse salariale de près de 97,7 millions $ selon nos amis du site spécialisé CapFriendly alors que le plafond est fixé à 83,5 millions $, ce monstre est loin d'obstruer le soleil qui brille sur la Floride. Les dirigeants de la LNH tentent même de faire comme s'il n'existait pas.
« Pourquoi revenir sur cette question? Toutes les équipes respectent le règlement. Si des clubs trichaient, on devrait y voir. Mais tout est respecté. Alors on continue », a lancé le vénérable Lou Lamoriello, des Islanders de New York.
À l'autre bout du spectre, Daniel Brière, le plus jeune directeur général autour de la table, tient le même discours. « Je n'ai pas de problème avec ça », que le DG des Flyers a assuré.
Vrai que les Knights respectent les règlements. Vrai aussi que la gymnastique comptable qu'ils effectuent est légale. Mais est-elle légitime?
Ce ne sont pas tous les directeurs généraux qui le croient.
Loin de moi l'intention de prétendre que Lamoriello ou Brière ne disent pas vraiment le fond de leur pensée par respect pour la ligne de communication imposée par Gary Bettman. « Lou » n'a jamais reculé devant rien n'y personne. Quant à Brière, il est peut-être le dernier arrivé autour de la table, mais il est loin d'être le dernier venu. C'est un homme brillant qui peut facilement défendre ses points de vue.
Cela dit, le monstre créé par la situation des blessés à long terme lie, malgré tout, les langues de certains lorsque vient le temps d'y aller de doléances officielles et publiques.
Pas celle de Ken Holland qui, depuis quelques années déjà, réclame que la LNH se penche sérieusement sur le non-respect du principe associé au plafond salarial. Le directeur général des Oilers a d'ailleurs forcé des discussions sur ce sujet il y a deux ans.
Sans consensus, point de salut
Cette année, le sujet semble tabou. Du moins officiellement. Mais dans les coulisses, on en parle. Pas fort. Pas en frappant sur les tables. Mais on en parle.
Dimanche, alors qu'ils étaient réunis avec les six membres du comité exécutif des directeurs généraux, Gary Bettman et Bill Daly ont mandaté les six DG de sonder la volonté de leurs 26 homologues. Ils leur ont demandé d'obtenir un consensus sans lequel la LNH pourrait difficilement approcher l'Association des joueurs pour apporter des changements aux règles actuelles.
Il faut comprendre ici que tous les paramètres du plafond salarial sont inclus dans la convention collective liant la LNH à ses joueurs. Tout changement doit donc obtenir l'approbation du syndicat avant d'être officialisé.
Le comité exécutif est composé des DG les plus expérimentés du groupe : Lou Lamoriello (Islanders) bien sûr, Ken Holland (Oilers), Doug Armstrong (St.Louis), Don Waddell (Hurricanes), Steve Yzerman (Red Wings), Kevin Cheveldayoff (Jets).
Questionné sur le fait qu'il semblerait si simple de maintenir l'imposition du plafond salarial en séries comme il l'est en saison régulière, Kevin Cheveldayoff a esquissé un sourire avant d'ajouter : « rien n'est simple dans la LNH. Surtout dans ce dossier et je vais m'assurer de garder mes observations pour nos discussions entre directeurs généraux. »
Considérant que Julien BriseBois (Tampa Bay) et Brad McCrimmon (Las Vegas) seraient bien mal venus de convenir qu'ils ont contrevenu aux grands principes associés à la création du plafond salarial, il semble peu probable que la Ligue obtiendra le consensus qu'elle réclame pour se pencher avec sérieux sur la question.
La réponse viendra toutefois de la bouche des directeurs généraux qui vocifèrent pour l'instant à voix basse. Si Ken Holland arrive à en convaincre plusieurs de joindre leur voix à la sienne, peut-être qu'une majorité simple, ou une majorité des deux tiers pourrait forcer la main du commissaire.
Une chose est certaine, un scénario selon lequel les contraintes associées au plafond seraient maintenues une fois les séries amorcées semble tellement simple, qu'il mérite d'être soumis. Ne serait-ce que pour voir quels motifs seraient avancés pour le balayer du revers de la main.