Il y a un absent durant la série finale entre le Lightning et les Blackhawks. Pas le genre de personne qui nous préoccupe en pareilles circonstances, cependant.

Il s'agit d'un arbitre. Entre vous et moi, qui se préoccupe de l'identité des officiels quand deux des formations les plus excitantes de la ligue se disputent la coupe Stanley?

L'absent est Brad Watson qui, on s'en souvient, a été impliqué dans un incident avec Brandon Prust dans le deuxième match de l'affrontement Canadien-Lightning. Incident qui a valu au joueur du Canadien une amende méritée de 10 000 $.

La conclusion la plus facile qu'on pourrait tirer en ce moment, c'est que la Ligue nationale, comme il lui arrive parfois de le faire, aurait puni discrètement son officiel.

Qu'il suffise de rappeler la réaction qu'avaient eue les autorités de la ligue envers le juge de lignes Michel Cormier, à qui elle avait reproché d'avoir mal identifié le coupable à l'occasion d'un incident raciste qui avait placé dans l'embarras le capitaine des Coyotes de Phoenix, Shane Doan. Il avait été pointé du doigt alors que c'était plutôt un coéquipier de l'époque, le Slovaque Ladislav Nagy, un ancien des Mooseheads de Halifax, qui s'était permis une remarque désobligeante sur les quatre officiels francophones en devoir au Centre Bell, ce soir-là. Cormier a été privé de travailler durant les séries pendant huit ans. Rien de moins.

Depuis « l'affaire Prust », Watson a été peu utilisé avant que son nom soit finalement rayé de la liste pour la grande finale. Après l'incident de la deuxième ronde, il n'a officié que trois matchs au troisième tour.

Bien sûr, on n'a pas de preuves de cela, mais on peut penser que Watson a été réprimandé pour son geste provocateur pendant que Prust était assis au banc des pénalités. On l'a vu pointer un doigt menaçant en direction du fougueux ailier. Disait-il à Prust de se la fermer tout en le menaçant d'une pénalité additionnelle ou cherchait-il à provoquer un athlète qui était déjà dans tous ses états? On ne l'a jamais su.

Tout ce qu'on sait maintenant, c'est que l'engueulade a coûté 10 000 $ à Prust et que Watson est absent de la finale. Pour les officiels, travailler en finale est un élément de fierté et une source additionnelle de revenus. Toutefois, on m'assure qu'il ne faut pas faire un lien entre son absence en finale et l'incident dont il est question, mais curieusement, Watson comptait huit présences en finale jusqu'à ce jour.

Pure coïncidence, m'affirme un informateur bien branché. Il y a 33 arbitres en devoir dans la Ligue nationale. La compétence est répartie si également parmi les 10 ou 12 derniers hommes à travailler en séries que n'importe quel d'entre eux pourrait être choisi pour la finale. La différence est si peu marquée qu'un officiel qui cède sa place en finale, c'est un peu comme l'attaquant qui sauterait son tour durant une supériorité numérique, me raconte-t-on. Watson est âgé de 53 ans. Il est bien possible aussi qu'on ait voulu accorder une chance à un plus jeune.

En toute honnêteté, il me semble que si la ligue avait vraiment eu des reproches à lui adresser, elle aurait agi plus tôt. Or, Watson était le réserviste lors du septième match de la série entre Anaheim et Chicago. Si un arbitre avait été blessé ce soir-là, il aurait participé à la finale de l'Association Ouest. Peut-être même qu'il l'aurait remplacé en finale.

En plein brouillard

Il y a quand même quelque chose de pas très clair dans cette affaire. On a laissé tout le monde en plein brouillard, sauf peut-être Prust qui a été puni sur-le-champ. C'est sûr que Prust a ses torts. Pas mal de torts même. En visionnant toute la séquence, on le voit vociférer contre l'arbitre en patinant vers le banc.

Par contre, on aurait aimé que la ligue fasse également état de la conduite de Watson qui a semblé avoir provoqué le joueur impliqué. Si on exige des joueurs qu'ils ne fassent pas mal paraître les officiels devant la foule et l'auditoire de la télévision, on ne voit pas comment les arbitres pourraient se soustraire à la même règle.

Le seul élément qui puisse permettre de disculper Watson, c'est qu'il y a des micros partout durant les matchs. Il y en a dans la partie supérieure du banc des pénalités. L'arbitre  en porte un sur lui. Et il y a plusieurs employés de la ligue au banc.

C'est possible que Watson ait provoqué Prust en lui demandant de répéter ce qu'il venait de lui dire. Il est également possible qu'il l'ait prévenu qu'il écoperait d'une pénalité additionnelle s'il ne se la fermait pas. Pénalité qui, ajoutée aux deux mineures qu'il venait de recevoir, pouvait sortir son équipe de la partie. Le Canadien a perdu ce match 6-2, mais il menait 1-0 en première période quand la scène s'est produite.

La direction du Canadien, qui n'a pas apprécié le comportement de son joueur, a réglé la chose à l'interne. De même, il est possible que la ligue n'ait pas apprécié le doigt brandi par son officiel. L'arbitre est l'homme en autorité sur la glace. Même s'il est humain, il n'a pas le droit de laisser les émotions le dominer.

Il arrive que des officiels remettent des joueurs à leur place dans le feu de l'action. C'est même assez fréquent. Un arbitre qui en a plein le dos de se faire insulter peut répliquer sur le même ton. On a déjà entendu un arbitre conseiller à un gueulard de se concentrer sur son jeu parce que sa performance de la soirée était pourrie. C'est de bonne guerre.

Toutefois, l'arbitre n'a pas le droit de poser un geste qui dénote qu'il n'est pas en parfait contrôle de la situation. Les arbitres ont déjà des règlements à leur portée pour asseoir solidement leur autorité. Ça s'appelle une pénalité mineure, une inconduite et une inconduite de partie. Personne n'a le goût de répliquer après cela.

Dans un autre ordre d'idée, je ne sais pas s'il y a lieu de s'alarmer au sujet d'une réplique possible des officiels à l'endroit de Prust la saison prochaine. Il ne s'est rien passé avant l'élimination du Canadien, sans doute parce que leur comportement aurait été trop évident. Par contre, la direction du Canadien, les médias et le public auront les arbitres à l'oeil la saison prochaine. Il sera intéressant de constater s'ils feront un usage excessif de leur autorité en se permettant des vengeances à peine subtiles à l'endroit de Prust qui, lui, a certainement eu sa leçon.

Il serait étonnant de voir Prust marmonner contre l'arbitre en se rendant au banc des pénalités. Par ailleurs, il serait tout aussi étonnant de voir Brad Watson lever un doigt provocateur une autre fois en direction d'un joueur d'ici la fin de sa carrière.