Les séries éliminatoires de la LNH ne manquent pas de moments remplis d'émotions. L'étonnant but de Joel Ward à la toute dernière seconde de jeu, la jubilation suivant la remontée des Flames de Calgary lors du match no 6 face aux Canucks de Vancouver, l'euphorie suivant le but victorieux de Brent Seabrook en troisième période de prolongation en sont des exemples bien concrets.

Mais l'émotion n'est pas obligée d'être bruyante pour être ressentie. Elle peut se ressentir notamment par le silence d'une foule de 21 000 spectateurs déçus ou abasourdis.

Dimanche soir, c'est ainsi que les partisans présents au Centre Bell se sont sentis. L'embarras, la déception, et même la tristesse étaient au rendez-vous. Leur CH bien-aimé avait laissé filer trois autres chances sur l'attaque massive sans rien produire qui vaille, tandis que le Lightning de Tampa Bay, lui, répliquait avec quatre buts marqués face à Carey Price avec l'avantage d'un homme.

Complètement à plat, le jeu de puissance du Canadien a désormais raté ses six occasions contre le Lightning, et 25 des 26 opportunités dont il a bénéficié depuis le début des séries. Une efficacité anémique de 3,8 %!

L'avantage numérique du Tricolore a pris le 23e rang durant la saison régulière, avec un pourcentage d'efficacité de 16,5 %. Malgré des chiffres impressionnants de son candidat au trophée Norris, P.K. Subban, cette unité a connu une glissade constante depuis qu'elle a occupé en 2012-13 l'une des premières places du circuit Bettman, avec un taux de succès supérieur à 20 %.

Et maintenant, ils se retrouvent dans une séquence de grande sécheresse au pire moment. Avant de me montrer trop sévère à leur endroit, j'ai préféré regarder quelques statistiques, pour comprendre en quoi la performance des Montréalais diffère de celle connue en calendrier régulier. Après tout, peut-être que chaque formation connaît à son tour un tel passage à vide en séries...

Le graphique illustré ci-bas se penche sur l'efficacité de l'unité d'avantage numérique de toutes les équipes qualifiées pour les séries dans la dernière décennie. La barre jaune représente l'efficacité connue en saison, et la noire celle obtenue en éliminatoires.

Avantage numérique

Lors des saisons 2006-07 et 2012-13, les résultats compilés en saison régulière sont passablement plus élevés que ceux des séries, mais en général, les performances sont équivalentes. Pour les formations qualifiées au calendrier d'après-saison depuis 2005-06, le taux de succès global en saison a été de 18,8 %, tandis que la moyenne en séries a été de 17,6 %. On en déduit donc que le hockey des séries a mené à une faible baisse d'un pourcent dans la dernière décennie. Mais qu'en est-il des autres 12-13 % que le Canadien a retranché à son efficacité?

Le second graphique recense les équipes qui, depuis les séries d'après saison de 2005-06, ont obtenu au moins 30 opportunités en avantage numérique durant son parcours en éliminatoires. Le point rouge représente l'efficacité du CH durant les présentes séries, tandis que le bleu représente celle du Lightning.

Avantage numériqueLa ligne jaune sert à séparer les résultats en deux groupes : celles qui ont fait mieux que leur taux de succès obtenu durant la saison (au-dessus de la ligne), et celle qui ont fait moins bien (en-dessous). La distance entre la ligne jaune et le point exprime l'augmentation ou la régression par rapport à la saison régulière.

Quant à elle, la ligne verte sert exclusivement à illustrer la performance du Tricolore durant la saison 2014-15. Les quelques points que l'on retrouve sous cette ligne représentent le nombre d'équipes ayant connu une chute plus importante de l'efficacité de leur jeu de puissance entre la saison et les séries depuis 2005-06. On observe que seulement deux des 111 équipes qualifiées se retrouvent sous cette barre.

Bref, on en retire un constat évident : non seulement l'avantage numérique du CH a-t-il été anémique, mais il s'est inscrit également comme l'un des pires effondrements des 10 dernières années dans la LNH.

Bon, vous aurez compris l'idée, j'en suis convaincu, et vous n'avez pas besoin de vous faire rappeler à quel point l'attaque massive du Canadien a été atroce durant les présentes séries. Mais au-delà de cela, ce n'est quand même pas comme si l'équipe était déjà éliminée. Parlez-en aux Sharks de San Jose ; rien n'est dans la poche avant la quatrième victoire! Et si mon souvenir est bon, le CH envoie tout de même Carey Price devant le filet pour chacun de ses matchs. Peut-il renverser la vapeur sans que le jeu de puissance n'emboîte le pas? Ou est-ce qu'un réveil est absolument essentiel pour vaincre le Lightning?

Pour le démontrer, je me suis servi des chiffres du précédent tableau, mais en conservant cette fois uniquement les statistiques compilées par les équipes ayant accédé aux finales d'association durant ces 10 années.

Avantage numériqueEn présumant que le jeu de puissance demeurera aussi improductif, deux facteurs vont en défaveur du Canadien. Tout d'abord, aucune équipe qualifiée pour le carré d'as depuis 2005-06 n'a connu une régression aussi radicale que celle que vit présentement Montréal. Mais en deuxième lieu, on doit aussi s'inquiéter du fait que le jeu de puissance de l'équipe était déjà très ordinaire à la base. Seulement cinq clubs parmi les neuf derniers carrés d'as (36 formations au total) avaient obtenu un taux d'efficacité plus bas que celui du CH en saison régulière. Du lot, quatre d'entre elles ont connu une progression (au-dessus de la ligne jaune) une fois les séries commencées.

Résolument, les chiffres indiquent que sans une amélioration rapide et importante de leur efficacité avec un homme en plus, les troupiers de Michel Therrien ont peu de chances d'être des finales d'association. Le Centre Bell a exprimé son silence dimanche dernier. C'est désormais au tour des joueurs de réduire au silence les critiques et de défier les tendances historiques.