Ces transactions au destin exceptionnel
Depuis plus de 40 ans maintenant, les équipes de la Ligue nationale de hockey réalisent de nombreux échanges à la date limite des transactions et certains de ces trocs qui paraissent anodins prennent parfois une tournure exceptionnelle pour les joueurs ou encore les équipes.
Butch GoringButch Goring c. Billy Harris et Dave Lewis (10 mars 1980)
À la fin des années 1970, les Islanders de New York semblent être rendus à maturité. Sept ans après leur arrivée dans la Ligue nationale de hockey, l'équipe vient de terminer au premier rang du classement général devant les puissants Canadiens de Montréal, sauf que la troupe d'Al Arbour ne réussit pas à transposer les succès obtenus en saison régulière en séries éliminatoires.
Au cours des mois qui suivent, le directeur général Bill Torrey effectue plusieurs changements à sa formation. Dave Langevin, Gord Lane et Ken Morrow solidifient la défense, le Suédois Anders Kallur et la recrue Duane Sutter animent l'attaque, mais c'est à la date limite des échanges que la dernière pièce du puzzle est mise en place avec l'ajout de l'attaquant Robert « Butch » Goring.
Âgé de 30 ans, Goring possède une feuille de route extrêmement respectable jusque-là, comme en témoignent ses 275 buts et 384 passes en 736 matchs dans l'uniforme des Kings de Los Angeles. Il ne compte cependant que 30 rencontres d'expérience en séries éliminatoires, mais Torrey est convaincu que son arrivée permettra de donner plus de latitude à son premier trio.
« Nous voulions depuis longtemps obtenir les services de “Butch” Goring, avait dit Torrey d'après un texte publié dans les journaux à l'époque. Goring nous permettra de présenter une attaque plus équilibrée et enlèvera de la tension des épaules de Mike Bossy, Bryan Trottier et Clark Gilles. Il peut accomplir tellement de choses sur la patinoire, que même si nous avons dû céder des gars comme [Billy] Harris et [Dave] Lewis, nous n'avons pas hésité. »
La veille de la date limite des transactions en 1980, les Islanders occupent le 4e rang de la division Patrick et accusent 32 points de retard sur les Flyers de Philadelphie et la 1re place. Après une série de 7 victoires du 12 au 26 janvier, ils maintiennent un dossier de 8-11-3 et ne donnent pas particulièrement l'impression qu'ils sont prêts à attaquer le tournoi printanier.
Mais la venue de Goring changera tout. À partir du moment où le Manitobain enfile son nouvel uniforme pour la première fois, les Islanders ne perdent plus. L'équipe complète la saison avec une fiche de 8-0-4 pour finalement terminer au 5e rang du classement général. La magie continue d'opérer en séries, alors que Goring inscrit 7 buts et récolte 12 passes en 21 matchs pour mener les Islanders à la 1re de leurs 4 conquêtes consécutives de la Coupe Stanley. Goring remportera même le trophée Conn Smythe remis au joueur par excellence des séries en 1981.
Markus Naslund c.Alek Stojanov (20 mars 1996)
La carrière de Markus Naslund avec les Penguins de Pittsburgh n'a pas exactement commencé sur les chapeaux de roues. Il a effectivement été limité à 4 buts et 7 passes en 71 matchs, mais il était surtout « connu » en raison d'un litige avec la LNH au sujet des droits qui étaient garantis par la convention collective alors en vigueur. Il pourrait être hasardeux d'entrer dans les détails et ce qu'il faut retenir, c'est que Naslund en a vraiment arraché à ses deux premières saisons.
Mais avec les départs des vétérans Luc Robitaille et Kevin Stevens après la campagne 1994-1995, Naslund parvient enfin à tirer son épingle du jeu en inscrivant 19 buts et en récoltant 33 passes en 66 rencontres. À un certain moment, il se retrouve même aux côtés de Mario Lemieux au sein du 1er trio des Penguins. Bref, le Suédois était un peu la version Wish de Warren Young.
Cela dit, les Penguins comptent à ce moment-là sur un solide noyau de vétérans et sur quelques jeunes joueurs prometteurs plus performants et utiles que Naslund. Ce dernier est donc échangé aux Canucks de Vancouver en retour d'Alek Stojanov, lui aussi un ex-choix de première ronde.
Les débuts de Naslund avec les Canucks ne sont pas particulièrement époustouflants et ce n'est qu'avec le départ de Pavel Bure en 1998-1999 qu'il prendra véritablement son envol. Aux côtés de Brendan Morrisson et Todd Bertuzzi, il formera l'un des trios les plus redoutables de la LNH. Il marquera 346 buts et obtiendra 410 aides en 884 parties dans l'uniforme des Canucks. Pas mal!
Johan HedbergJohan Hedberg et Bobby Dollas c. Jeff Norton (12 mars 2001)
Au tournant des années 2000, les Penguins de Pittsburgh peinent à trouver un successeur à Tom Barrasso, qui avait aidé l'équipe à remporter les deux premières coupes Stanley de son histoire aux printemps 1991 et 1992. Pendant la saison 2000-2001, Jean-Sébastien Aubin, Garth Snow et Rich Parent se partagent le travail devant le filet, mais leurs ronflantes moyennes de buts alloués de 3,13, 2,98 et 3,07 sont loin d'être synonymes d'excellence en cette « dead puck era ».
D'ailleurs, avant qu'un certain Mario Lemieux ne revienne au jeu le 27 décembre 2000, il est loin d'être acquis que les Penguins participeront aux séries pour une 11e saison de suite. Mais Mario étant Mario – il inscrira 35 buts et récoltera 41 passes en 43 matchs! – les Penguins termineront au 6e rang du classement de l'Association de l'Est. Le directeur général Craig Patrick procède à plusieurs transactions après le retour du « Magnifique », mais celle effectuée à la date limite envoyant Jeff Norton aux Sharks de San Jose en retour de Bobby Dollas et Johan Hedberg est très loin de marquer les esprits. C'est davantage le retour de Norton à San Jose qui est souligné.
Âgé de 25 ans, le gardien suédois n'a toujours pas disputé le moindre match dans la LNH et il ne présente pas des statistiques à tout casser dans la Ligue internationale de hockey avec le Moose du Manitoba. Peu importe, Hedberg obtient un premier départ le 16 mars et repousse 41 des 44 rondelles dirigées vers lui dans une victoire de 6-3 contre les Panthers de la Floride. Il conclut la campagne avec un dossier de 7-1-1, une moyenne de buts alloués de 2,64 et un taux d'arrêts de ,905. C'est évidemment lui qui est l'homme de confiance des Penguins en séries éliminatoires.
Le brio de Hedberg permet aux Penguins d'éliminer les Capitals de Washington en six matchs, puis les Sabres de Buffalo en sept rencontres, grâce à un but inscrit par Darius Kasparaitis en prolongation. Le parcours des Penguins s'arrête ensuite en finale d'association contre les Devils du New Jersey et une longue traversée du désert s'amorcera jusqu'à l'arrivée de Sidney Crosby. Mais ces séries 2001 demeurent fortement ancrées dans la mémoire de plusieurs en raison du « Moose », qui ne revivra pas pareille ivresse jusqu'à sa retraite une douzaine d'années plus tard.
Daniel Brière et un choix de 3e ronde c. Chris Gratton et un choix de 4e ronde (10 mars 2003)
Après avoir inscrit 170 buts et récolté 246 passes en 198 matchs en 3 saisons avec les Voltigeurs de Drummondville de la Ligue de hockey junior majeur du Québec, Daniel Brière semble enfin sorti de sa coquille à sa 5e campagne chez les professionnels en 2001-2002. Le petit attaquant originaire de Gatineau a marqué 32 buts et obtenu 28 aides en 78 rencontres pour finir au 2e rang des meilleurs pointeurs de son club – les Coyotes de Phoenix – derrière Daymond Langkow.
Mais les choses ne se déroulement pas aussi rondement la saison suivante, si bien que les Coyotes échangent Brière et un choix de 3e ronde aux Sabres de Buffalo en retour de Chris Gratton et d'un choix de 4e tour. Gratton, un ancien 3e au total du Lightning de Tampa Bay en 1993, n'a jamais répondu aux attentes, mais à 6 pieds 3 pouces et 220, il existera toujours un marché pour ce genre de joueur. Cela dit, son passage en Arizona sera tout sauf productif...
Les débuts de Brière avec les Sabres sont quant à eux relativement corrects, mais l'équipe rate les séries éliminatoires en 2003 et 2004 et rien ne laisse présager qu'un rebondissement incroyable surviendra au retour du lock-out qui a forcé l'annulation de la saison 2004-2005.
L'éclosion de Ryan Miller, Brian Campbell et Thomas Vanek s'avère un véritable catalyseur pour Brière, qui inscrit 25 buts et amasse 33 passes en seulement 48 matchs. La magie opère également en séries avec une récolte de 8 buts et 11 passes en 18 rencontres. Les Sabres atteignent même la finale d'association pour la première fois en 7 ans. Ils sont toutefois éliminés en 7 parties par les éventuels champions de la coupe Stanley, les Hurricanes de la Caroline.
Brière ne ralentit pas le rythme la saison suivante en marquant 32 buts et en obtenant 63 aides en 81 matchs et les Sabres accèdent à nouveau à la finale d'association. Ils mordent cependant encore une fois la poussière en 7 rencontres, cette fois face aux Sénateurs d'Ottawa. Sans surprise, Brière est ensuite l'un des joueurs les plus convoités sur le marché des joueurs autonomes et il parvient à apposer sa signature au bas d'un contrat de 8 ans d'une valeur de 52 millions $ US avec les Flyers de Philadelphie, au grand dam de plusieurs partisans des Canadiens.
Ben Bishop c. Cory Conacher et un choix de 4e ronde (3 avril 2013)
Ben Bishop a exactement 36 matchs d'expérience disputes en l'espace de 4 saisons dans la LNH lorsque les Sénateurs d'Ottawa l'échangent au Lightning de Tampa Bay. Obtenu des Blues de Saint Louis un an plus tôt, Bishop a toujours joué les seconds violons derrière Chris Mason, Jaroslav Halak, Craig Anderson ou encore Robin Lehner. Le Suédois réclamé en 2e ronde en 2009 est d'ailleurs perçu comme le portier d'avenir des Sénateurs à ce moment-là. Bishop est de trop.
Il se retrouve donc avec le Lightning, qui était toujours à la recherche d'un successeur à Dwayne Roloson. Dès son premier départ avec sa nouvelle équipe, Bishop en repoussant les 45 rondelles dirigées vers lui pour mener le Lightning à une victoire de 5-0 face aux Hurricanes de la Caroline.
Bishop deviendra le gardien de confiance de l'entraîneur-chef Jon Cooper dès la saison suivante et l'Américain originaire du Colorado s'établira très rapidement comme l'un des meilleurs de sa profession dans la LNH, terminant en 3e position du scrutin pour l'obtention du trophée Vézina. Il brillera également de tous ses feux en 2015-2016 en dominant la Ligue avec une moyenne de buts alloués de 2,06 et finira 2e au scrutin pour le Vézina. Arrivé en fin de contrat, Bishop passe aux Kings de Los Angeles, puisque le Lightning mise désormais sur un certain Andrei Vasilevskiy.
Bishop ne s'éternisera cependant pas à Los Angeles et signera plutôt un lucratif contrat de 6 ans d'une valeur de 29,5 M$ avec les Stars de Dallas. Il sera particulièrement brillant en 2018-2019 en affichant un taux d'arrêts de ,934, mais verra le Vézina lui échapper aux mains de Vasilevskiy.