MONTRÉAL - Trois ans après avoir pris la LNH d’assaut, Thomas Chabot occupe déjà une place de choix parmi les meilleurs jeunes défenseurs de la LNH. Une place que les Sénateurs d’Ottawa ont récompensée en offrant un contrat de huit ans et 64 millions $ au Beauceron âgé de 23 ans.

Voilà pour les bonnes nouvelles.

Les moins bonnes sont plus nombreuses :

Non seulement Chabot n’a pas encore disputé un seul match éliminatoire depuis qu’il a fait le saut dans la LNH, mais son équipe ne s’est jamais approchée des séries comme le confirme la fiche de 62 gains, 124 revers encaissés en temps réglementaire et 29 autres subis en prolongation ou tirs de barrage. C’est beaucoup de défaites et très peu de victoires ça...

Au cours des trois dernières années, Chabot a aussi vu son mentor, capitaine et défenseur étoile Erik Karlsson quitter pour San Jose et regarder partir d’autres joueurs phares comme Mark Stone (Las Vegas), Matt Duchene – d’abord échangé aux Blue Jackets de Columbus avant de signer un contrat à titre de joueur autonome avec les Predators de Nashville –, Mike Hoffman (Floride) et Kyle Turris (Nashville) ont aussi quitté Ottawa. Ou, pis encore, ont été largués par les Sénateurs qui ne voulaient pas – ou ne pouvaient pas – les garder en raison des salaires qu’ils pouvaient commander après avoir fait leurs classes à peu de frais au sein d’une des organisations les plus pingres de la LNH.

En trois ans, Thomas Chabot est donc passé du jeune défenseur prodige que toute organisation voudrait développer avec l’aide de bons vétérans à pierre d’assise d’une équipe qui perd bien plus souvent qu’elle ne gagne.

Au lieu d’être « protégé » par un Chara, un Shea Weber, un Drew Doughty, au lieu de pouvoir compter sur le leadership d’un Patrice Bergeron, d’un Brendan Gallagher, d’un Ryan O’Reilly, Thomas Chabot est le rempart qui protège ses jeunes et très jeunes coéquipiers.

Méchant mandat pour un gars qui n’a que 23 ans et trois ans d’expérience dans la LNH, est-il besoin de le rappeler.

Malgré ce défi colossal, malgré les défaites qui se multiplient, malgré l’exode des joueurs vedettes vers des organisations plus riches et/ou mieux gérées, vers des équipes dont les chances d’accéder aux séries, voire de se rendre aux grands honneurs sont bien meilleures, malgré des partisans qui ont commencé à tourner le dos à une équipe qui est loin de leur donner des motifs de patienter une fois de plus, Thomas Chabot regarde l’avenir avec confiance.

« C’est vrai qu’on a vécu quelques années difficiles, mais je demeure très optimiste », a assuré le défenseur lors d’une conférence téléphonique jeudi.

« Nous avons beaucoup de bons jeunes joueurs au sein de l’équipe et de l’organisation. Tous les gars qui ont été rappelés de Belleville – club-école des Sens dans la Ligue américaine – voulaient faire une différence une fois avec nous. Ils voulaient nous aider à gagner et prouver qu’ils pouvaient rester. Malgré les difficultés, on compte sur un groupe de joueurs qui veulent gagner, qui veulent travailler et s’améliorer. On a encore du travail devant nous, mais quand je regarde les espoirs qui s’en viennent et ce que nous pourrons obtenir par le biais du prochain repêchage, on aura les moyens d’être meilleurs au cours des années futures », a ajouté le défenseur qui a quitté Ottawa au début de la pandémie pour aller rejoindre ses parents et le reste de la famille dans sa Beauce natale.

Alexis Lafrenière

Les Sénateurs sont déjà assurés de réclamer deux joueurs lors des cinq premières sélections lors du prochain repêchage. Ils ont aussi un troisième choix de première ronde en poche. 

Si la LNH maintient son système de loterie pour déterminer l’ordre des 15 premières sélections, les Sénateurs pourraient même se retrouver avec les deux premiers choix de la cuvée 2020 puisqu’en plus de leur choix, ils ont celui des Sharks de Jose qui étaient au 29e au classement général lorsque la LNH a stoppé la saison en raison de la Covid-19. Un rang derrière Ottawa. Les Sénateurs ont donc mathématiquement plus de chances de gagner la loterie que les Red Wings de Detroit qui croupissent au dernier rang.

Un scénario que le directeur général des «Sens» Pierre Dorion réécrit tous les matins lorsqu’il simule le prochain repêchage comme il l’a indiqué plus tôt cette semaine dans le cadre de cette chronique.

En gagnant la loterie, les Sénateurs mettraient la main sur le gros lot et obtiendraient Alexis Lafrenière qui occupe la toute première place dans la très grande majorité, pour ne pas dire la totalité, des projections des experts en repêchage.

« Je ne le connais pas personnellement, mais quand tu regardes ce qu’il a accompli dans les rangs juniors, quand tu regardes ce qu’il a fait lors du dernier Championnat du monde alors qu’il a été l’un des meilleurs joueurs du tournoi, sinon le meilleur, c’est clair qu’il est prêt à passer à la prochaine étape », a souligné Chabot qui a suivi un parcours semblable à celui de Lafrenière avant de frapper à la porte de la LNH.

Chabot n’était pas le tout premier espoir de l’encan amateur en 2015, mais il était numéro un sur la liste des joueurs émanant de la LHJMQ. Les Sénateurs l’ont finalement acquis avec la 18e sélection de la première ronde. L’hiver suivant, le défenseur québécois a pris part à un deuxième Championnat du monde junior consécutif. Il a récolté 10 points (4 buts) en sept rencontres.

Joueur le plus utilisé de la LNH

En 205 matchs disputés depuis son arrivée dans la LNH, Thomas Chabot a marqué 29 buts et ajouté 90 mentions d’aide. Ses 119 points confirment des aptitudes offensives qui étaient reconnues de tous depuis des années.

Malgré un différentiel négatif de moins 44 en carrière, Chabot a été complimenté par son directeur général pour les améliorations apportées à son jeu défensif.

« Je veux être bon dans les deux sens de la patinoire. Je veux être capable de m’imposer contre les meilleurs attaquants des autres équipes. J’ai beaucoup travaillé l’aspect défensif de mon jeu cette année. J’ai réalisé qu’en accordant de l’attention à de petits détails il était possible d’obtenir de gros résultats. Ce n’est pas parfait encore, mais j’ai connu une progression », a indiqué le défenseur.

Au-delà cette progression, Chabot traîne un différentiel de moins-18 derrière une production offensive plus qu’intéressante de 39 points (6 buts) en 71 matchs. Cela dit, l’arrière de 23 ans a maintenu un temps d’utilisation moyen de 26 minutes lors de ces 71 parties, ce qui est énorme. De fait, c’est Chabot qui domine tous les joueurs de la LNH à ce chapitre. Drew Doughty (25:49) et Roman Josi (25:47) le suivent sur les deuxième et troisième marches du podium.

Kristopher Letang, Oscar Klefbom, Brent Burns et Seth Jones sont les seuls autres joueurs à afficher un temps moyen d’utilisation supérieur à 25 minutes par rencontre.

Prêt à jouer en tout temps

En Beauce où il écoule la pandémie, Thomas Chabot passe le temps en jouant aux cartes et à des jeux de société avec les membres de sa famille. Il s’est aussi offert quelques anciens matchs de hockey. Des matchs d’une époque qu’il n’a pas connue.

« C’est drôle de voir à quel point les défenseurs pouvaient accrocher sans être punis », a insisté le défenseur avec un brin de jalousie dans la voix.

Chabot maintient aussi son entraînement. Car bien que son équipe soit exclue depuis longtemps d’une place en série, le défenseur est prêt à revenir au jeu pour terminer la saison.

« J’attends juste qu’ils me disent où aller et quand arriver », a assuré Chabot qui ne rechignera pas même s’il doit endosser l’uniforme au cours de l’été et jouer devant des gradins vides et en terrain neutre.

« C’est évident que ce serait différent et un peu bizarre, mais je serais bien content de retourner sur la patinoire, peu importe les circonstances. Je suis en contact avec plusieurs de mes coéquipiers. Tout le monde va très bien – les Sénateurs ont directement été touchés par la COVID-19 – et nous accordons tous le sérieux nécessaire aux mesures de préventions. Je regarde les nouvelles quotidiennement et c’est clair que ce n’est pas réglé. Mais s’il y a moyen de revenir sur la glace dans des circonstances sécuritaires pour tout le monde, c’est sûr que j’aimerais ça », a conclu celui qui est déjà le pilier des Sens et qui le sera pour encore bien longtemps.