GLENDALE - Le 5 mai 2015, lorsque les Coyotes de l'Arizona ont pris la planète hockey par surprise en confiant le poste de directeur général de leur équipe à John Chayka, la nouvelle a été accueillie avec scepticisme... pour être poli.

 

Spécialiste des statistiques avancées et des analyses de performances des athlètes, Chayka avait encore le nombril vert. Au sens propre parce qu’à 26 ans, il devenait le plus jeune DG de l’histoire de la LNH. Mais aussi au sens figuré parce qu’il ne comptait qu’une saison d’expérience dans la LNH à titre d’adjoint à son prédécesseur Don Maloney.

 

Avec ses airs de mathématiciens bien plus à l’aise dans l’analyse de longues colonnes de chiffres que dans l’analyse du talent et du potentiel des joueurs susceptibles d’aider à une équipe de hockey à gagner, que ce soit dans les rangs mineurs ou dans la LNH, Chayka a amorcé la reconstruction de son organisation.

 

Et dans le cas des Coyotes, le terme reconstruction n’est pas exagéré. Loin de là. Car avant d’amorcer le travail, Chayka a tout démoli... ou presque.

 

Choix de première ronde – sixième sélection – de la cuvée 2009, le défenseur suédois Oliver Ekman-Larsson est le seul joueur qui défendait les couleurs des Coyotes avant la nomination de Chayka à titre de directeur général. Mieux encore, ou pis encore selon le point de vue des uns et des autres, le centre Brad Richardson est le seul autre joueur à compter plus de deux ans d’expérience avec cette formation.

 

Les autres, tous les autres, ont été acquis par le biais de transactions, par le biais d’embauches sur le marché des joueurs autonomes, par le biais du repêchage.

 

Rencontré jeudi à quelques heures de l’affrontement entre son équipe et le Canadien, John Chayka a ainsi expliqué la reconstruction dont il a dessiné les plans avant d’orchestrer les travaux.

 

« J’ai profité de ma première année à la tête de l’équipe pour analyser toutes les facettes de notre organisation. Notre bassin comptait sur des joueurs vieillissants. Des gars qui avaient soit atteint leur plein potentiel ou qui étaient sur leur déclin. »

 

C’est dans la foulée de ses conclusions que Chayka, après avoir obtenu une promotion qui lui donnait la présidence des opérations hockey en plus du titre de directeur général, a décidé de pousser le capitaine et joueur le plus populaire de son équipe Shane Doan à la retraite. Il en ensuite échangé son gardien numéro un aux Flames de Calgary en retour de trois fois rien. Chayka tenait tant à se défaire de Smith qu’il paye encore cette année et versera encore l’an prochain 1,4 million aux Flames pour éponger une partie de son salaire.

 

Ces décisions ont poussé l’entraîneur-chef Dave Tippett à quitter l’organisation quelques jours seulement après qu’il eut signé une prolongation de contrat. Ce départ était significatif. Car c’est sous la gouverne de Tippett que les Coyotes ont connu leur plus long printemps ayant atteint la finale de l’Ouest en 2012. Une finale qu’ils ont perdue aux mains des Kings de Los Angeles qui allaient ensuite soulever la coupe Stanley sous les yeux de Martin Brodeur et des Devils du New Jersey.

 

C’était la troisième année de suite que les Coyotes atteignaient les séries. Malgré leurs ennuis financiers et le fait que l’organisation était toujours menacée sur le plan administratif, les Coyotes étaient alors considérés comme une très bonne équipe de hockey. Un club à prendre au sérieux.

 

Les temps ont changé

 

Depuis le printemps 2012, les Coyotes n’ont jamais atteint les séries. Malgré la reconstruction planifiée et exécutée par Chayka, les Coyotes sont en voie de rater les séries pour une septième saison de suite.

 

Qu’elles soient avancées ou non, les statistiques associées aux performances des Coyotes sous la gouverne de John Chayka stagnent.

 

Vrai que les blessures minent cette équipe encore cette année. Mais au-delà les blessures, il est difficile de dresser le portrait réel des Coyotes. Dès qu’ils donnent l’impression de vouloir sortir de la torpeur dans laquelle ils s’enlisent depuis des années, les Coyotes connaissent des insuccès en cascade et replongent au bas du classement.

 

« Nous ne sommes pas rendus là où nous voulons être. C’est évident. Nous sommes encore une équipe qui aspire aux séries plutôt qu’un club qui a sa place en séries. Mais les choses s’améliorent. Lorsque j’ai décidé de changer l’allure de notre équipe et de la confier à des jeunes qui avaient beaucoup de talent, mais qui étaient encore loin d’atteindre leur plein potentiel, je les ai placés dans des situations inconfortables. Ils ont dû remplir des rôles importants trop vite. J’aime croire que ce développement en accéléré donnera bientôt des résultats parce que les jeunes auront grandi de ce passage difficile. Mis je n’ai pas seulement confié l’équipe à des jeunes. J’ai entouré ces jeunes de joueurs d’expérience en qui j’avais confiance », a plaidé le jeune directeur général.

 

Ces prétentions sont vérifiables.

 

Les vétérans Antti Raanta, Derek Stepan, Niklas Hjalmarsson, Brad Richardsson, Alex Golgoski, Richard Panik, Jason Demers et Michael Grabner embauché l’été dernier comme joueur autonome encadrent une foule de jeunes joueurs de talent : Nick Schmaltz, Clayton Keller, Lawson Crouse, Christan Fischer, Alex Galchenyuk, Jakob Chychrum.

 

Mais cette liste de vétérans et de jeunes espoirs, aussi attrayante soit-elle, ne forme pas encore une équipe gagnante. Autour de la LNH, plusieurs observateurs avancent même que cette liste ne forme pas même une équipe.

 

Investisseurs et domicile recherchés

 

Combien de temps faudra-t-il pour compléter la reconstruction des Coyotes? Pour revoir cette équipe en séries? Pour la considérer en mesure de franchir la première ronde et même de prétendre à la coupe Stanley?

 

Impossible de répondre à cette question.

 

Mais les ennuis des Coyotes sur la patinoire sont loin d’aider la cause de l’organisation qui est toujours minée par les ennuis administratifs.

 

Le propriétaire Andrew Barroway cherche des associés. Parce que parallèlement à la reconstruction de l’équipe de hockey, Barroway a besoin de trouver un domicile fixe aux Coyotes. Un vrai domicile et non la tanière dans laquelle les Coyotes évoluent devant des gradins à moitié vides trop souvent.

 

Au fait : les ennuis administratifs des Coyotes compliquent-ils beaucoup le travail de John Chayka?

 

Pas vraiment assure le directeur général.

 

« Nous sommes un club à budget. Mais malgré cette réalité, je n’ai pas les mains liées. Et les joueurs que nous courtisons ne refusent pas de venir en Arizona. Niklas Hjalmarsson a levé les clauses de non-mouvement et de non-transaction qui étaient associées à son contrat pour venir jouer ici. Oliver (Ekman-Larsson) a accepté un contrat de huit ans (66 millions $) pour rester avec nous au lieu d’aller tester le marché des joueurs autonomes. J’ai aussi mis sous contrat des joueurs autonomes qui avaient le goût de venir ici. Alors non. Je ne vois pas en quoi notre situation administrative a un impact négatif sur l’équipe. »

 

Cela dit, John Chayka le directeur général est conscient qu’il doit aider John Chayka le président des opérations hockey afin de lui donner des motifs dont son propriétaire a besoin pour attirer des nouveaux investisseurs. Des hommes – ou femmes – très riches qui accepteront de dépenser des centaines de millions $ sans être convaincus d’obtenir un retour sur leur investissement.

 

« Les gens qui ont les moyens d’investir dans une équipe de sport professionnel sont des financiers intelligents qui savent compter et qui refusent de gaspiller leur fortune. Je les comprends. C’est donc à moi de bâtir une équipe de hockey solide qui saura attirer les investisseurs qui verront dans les Coyotes un potentiel d’affaires attrayant. C’est le principe de la poule et de l’œuf : est-ce que ça prend de l’argent pour bâtir une bonne équipe ou ça prend une bonne équipe pour attirer l’argent? Je considère qu’en bâtissant une bonne équipe d’abord, on moussera nos chances de réussite sur le plan financier. »

 

Où en sont les Coyotes dans le dossier de relocalisation à Phoenix ou dans une de ses banlieues? À l’image de l’équipe de hockey, les Coyotes sont de retour à la case départ sur le plan administratif.

 

Les investisseurs recherchés se font attendre.

 

Quant au plan de bâtir un amphithéâtre, les scénarios à l’étude au cours des dernières années sont soit morts au feuilleton ou remisé sur des tablettes. Dans l’entourage des Coyotes, pas un mot. Ou plus un mot. Car après que l’ancien président Anthony Leblanc eut fait dérailler un projet fort intéressant qui unissait les Coyotes et l’Université de Tempe avec des déclarations incendiaires, on respecte maintenant les ordres du commissaire Gary Bettman qui impose le silence.

 

Pour l’instant, les Coyotes sont toujours confinés au Gila River Arena. Bien que le bail qui les associe à l’amphithéâtre et à la ville de Glendale arrive à échéance, les Coyotes n’ont pas à craindre un ordre d’éviction ou un simple non-renouvellement de bail.

 

L’amphithéâtre étant géré par l’une des compagnies propriétaires des Kings de Los Angeles, il sera possible de prolonger l’entente d’année en année. Et de la faire aussi longtemps que ce sera nécessaire. Surtout que les locataires potentiels ne se bousculent pas aux portes du Gila River Arena.

 

À l’image des partisans des Coyotes.

 

À moitié plein, ou à moitié vide?

 

Parlant des partisans, mardi dernier lors de la visite des Islanders et encore jeudi alors que le Canadien faisait son escale annuelle en Arizona, les Coyotes ont annoncé des foules flirtant avec les 11 000 spectateurs. Des totaux qui tenaient compte bien sûr des billets vendus – comme partout ailleurs – puisqu’il y avait à peine 8000 personnes dans l’amphithéâtre.

 

Et non seulement les partisans étaient-ils peu nombreux, mais ils n’ont pas à mettre leurs économies en péril pour assister aux matchs des Coyotes. Jeudi, contre le Canadien, des billets derrière les buts dans les sections du bol le plus près de la patinoire se vendaient 21 $ l’unité. Dans les balcons, les billets coûtaient 6 $ pièce. Même en dollars US, c’est loin d’être suffisant pour aider les Coyotes à passer proche de faire leurs frais.

 

La distance séparant le Gila River Arena des bassins de partisans qui sont à Phoenix et les banlieues populeuses et aisées de Scottsdale et Tempe nuit grandement aux Coyotes selon les prétentions de la direction de l’équipe. Car les bouchons imposants aux heures de pointe rendent peu attrayante l’idée de faire le tour de la ville pour aller au hockey.

 

Il semble que les foules soient plus imposantes les fins de semaine. Les Coyotes s’attendent d’ailleurs à jouer devant des gradins au moins à moitié plein samedi alors que l’Avalanche du Colorado, un rival géographique, sera de passage en Arizona.

 

La distance et les ennuis de circulation n’aident sans doute pas la cause des Coyotes aux guichets. Comme c’est d’ailleurs le cas à Ottawa alors que les Sénateurs tentent eux aussi de se rapprocher du centre-ville.

 

Mais une équipe plus performante pourrait pousser des amateurs à passer outre les bouchons. Ce qui est loin d’être le cas en ce moment alors que les Coyotes ont perdu sept de leurs huit dernières parties – toutes les défaites ont été encaissées en temps réglementaire – et qu’ils ont la pire fiche de la LNH à domicile avec seulement six victoires (6-9-1) jusqu’ici cette saison.

 

Depuis le 15 novembre, les Coyotes n’ont offert qu’une petite victoire en neuf matchs (1-7-1) à leurs partisans.

 

Nul besoin d’être féru de statistiques avancées pour comprendre qu’une victoire à domicile de temps en temps, ce n’est pas assez pour attiser la passion du hockey. Ou de n’importe quel autre sport professionnel.

 

Grand gourou des chiffres aux mille et une significations, John Chayka devrait peut-être commencer à s’attarder aux statistiques qui sont bien banales, mais qui sont aussi les plus importantes : celles associées aux victoires et aux défaites. Surtout aux victoires... C’est moins exotique que les statistiques avancées, mais ça donne toujours de bons résultats.

 

Au hockey comme dans les affaires!